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Économie - Grille des salaires

Les fonctionnaires et enseignants font trembler les rues de Beyrouth

Le mouvement prend de l'ampleur et rien ne semble pouvoir faire reculer la volonté de milliers de fonctionnaires et d'enseignants descendus hier en masse dans la rue pour réclamer l'adoption de la grille des salaires, « sans rabais ».

Rien ne semble pouvoir faire reculer la volonté de milliers de fonctionnaires et d’enseignants descendus hier en masse dans la rue pour réclamer l’adoption de la grille des salaires, « sans rabais ». Photo Sami Ayad

Hier matin, à 11 heures, l'artère principale de Hamra, au niveau de la Banque du Liban (BDL), laissait entrevoir un spectacle pour le moins inhabituel : pas de klaxons ni de voitures, mais des centaines, puis des milliers de personnes, clamant haut et fort leur ras-le-bol. Des fonctionnaires et des enseignants venus  de tout le Liban ont répondu en masse à l'appel à la grève lancé par le Comité de coordination syndicale (CCS) pour marquer la fin du délai des deux semaines que s'était fixé le Parlement pour achever l'étude des moyens de financement de la grille des salaires du secteur public.

« J'ai participé à toutes les manifestations du CCS depuis le début du mouvement, et celle-ci est assurément la plus importante ! » s'exclamait une manifestante venue de Nabatiyé avec sa fille, « pour lui montrer que personne ne doit se taire face à des injustices et qu'en manifestant on peut changer le cours des choses ».

Interpellant le gouverneur de la BDL, Riad Salamé, qui s'est exprimé à de nombreuses reprises au cours du mois dernier pour mettre en garde contre « les conséquences dramatiques d'une telle grille sur l'économie du pays », la foule s'est ensuite dirigée vers la Chambre de commerce, d'industrie et d'agriculture de Beyrouth et du Mont-Liban (CCIAB), traitant son président, Mohammad Choucair, tout comme le président des organismes économiques, Adnane Kassar, de « voleurs et de corrompus ».

 

(Lire aussi: Bifex : trouver de nouvelles pistes pour mieux résister aux crises)

 

« Les rapports des députés ont échoué et sont mort-nés », a déclaré le président du CCS, Hanna Gharib à l'arrivée, place Riad el-Solh. « Nous n'accepterons pas une grille qui soit financée aux dépens des personnes à faibles revenus et nous ne nous contenterons pas uniquement du financement de la grille des salaires », a-t-il averti, réclamant « une couverture santé globale ». Il a enfin annoncé la transformation de la Ligue des enseignants du secondaire en un véritable syndicat.

De son côté, le président du syndicat des enseignants des écoles privées, Nehmé Mahfoud, a évoqué « une journée exceptionnelle pour la démocratie, la vraie, celle qu'on enseigne à nos élèves et pas celle que vous pratiquez, messieurs les députés ». Selon lui, la véritable réforme ne peut pas être menée à bien « aux dépens des classes sociales les plus défavorisées ». « À travers ce dossier, la classe dirigeante est en train de prouver, jour après jour, son étroite relation avec les organisations économiques liées à la corruption », a-t-il accusé aujourd'hui.

 

Portraits de manifestants
Entouré de ses collègues tous venus tôt ce matin à Beyrouth depuis la Békaa, Aref Yahya est déterminé à se battre jusqu'au bout pour l'adoption de la grille des salaires. Enseignant pendant 35 ans, il est aujourd'hui directeur d'un lycée public à Laboué, pour un salaire net d'un million et demi de livres. « C'est la douzième fois que je viens à Beyrouth pour participer aux manifestations du CCS, le seul mouvement qui nous représente vraiment. » Il se désole de la dégradation du niveau de vie des enseignants, « de plus en plus formés, mais qui vivent dans des conditions de plus en plus précaires ». Il est convaincu que c'est une profession vouée à disparaître « s'il n'y a pas de changement radical ».

 

 (Lire aussi : Au Liban, le corps enseignant au bout du rouleau)


Un peu plus loin, au milieu de la foule compacte, se trouve Gaby Jabbour, professeur d'arabe depuis 33 ans à l'école des pères carmes à Zghorta. Sur 60 enseignants de l'établissement, ils sont seulement 20 à avoir fait le déplacement, mais il assure que les autres sont en grève et n'ont pas donné cours. « La direction essaie de nous intimider, j'ai reçu plusieurs avertissements l'année dernière pour avoir manifesté », déplore-t-il. M. Jabbour a quatre enfants qu'il doit nourrir et éduquer avec son salaire de deux millions de livres. « Mon aîné aurait aimé faire des études universitaires mais je n'ai pu l'envoyer qu'à un institut technique. »

Ilham Youssef et Hania Zaafari font, elles, partie des fonctionnaires, moins nombreux dans la mobilisation que les enseignants, mais tout aussi déterminés. Les deux femmes viennent du Sud, où elles travaillent pour le ministère de l'Industrie. La première gagne à peine un million de livres et la deuxième 1,3 million de livres, avec un master d'ingénieur à l'Université américaine de Beyrouth (AUB). « On ne demande pas l'impossible, juste de pouvoir vivre dignement, sans devoir crouler sous les dettes pour payer la voiture, la maison ou les études des enfants. »

Tous les manifestants affirmaient n'avoir plus rien à perdre, être prêts à tout, y compris à la grève ouverte si nécessaire. Entrecoupant les discours des leaders syndicaux, montait un cri, comme une annonce de la suite des événements : « Escalade ! »

 

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Hier matin, à 11 heures, l'artère principale de Hamra, au niveau de la Banque du Liban (BDL), laissait entrevoir un spectacle pour le moins inhabituel : pas de klaxons ni de voitures, mais des centaines, puis des milliers de personnes, clamant haut et fort leur ras-le-bol. Des fonctionnaires et des enseignants venus  de tout le Liban ont répondu en masse à l'appel à la grève lancé par le...

commentaires (2)

À travers ce dossier, la classe dirigeante est en train de prouver, jour après jour, son étroite relation avec les organisations économiques liées à la corruption » C'est tout à fait vrai mon cher professeur, et quand un professeur de Mathématiques parle on doit l'entendre toujours parcequ'il sait bien compter, et il est net, clair et propre comme les mathématiques

Bahijeh Akoury

07 h 40, le 30 avril 2014

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Commentaires (2)

  • À travers ce dossier, la classe dirigeante est en train de prouver, jour après jour, son étroite relation avec les organisations économiques liées à la corruption » C'est tout à fait vrai mon cher professeur, et quand un professeur de Mathématiques parle on doit l'entendre toujours parcequ'il sait bien compter, et il est net, clair et propre comme les mathématiques

    Bahijeh Akoury

    07 h 40, le 30 avril 2014

  • QUAND, DANS UN PAYS, NOYÉ DANS LES DETTES... LA RUE S'ÉRIGE EN ÉCONOMISTE À LA GRECQUE... C'EST QU'ILS CÉLÈBRENT SES OBSÈQUES...

    LA LIBRE EXPRESSION

    06 h 43, le 30 avril 2014

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