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Agenda - Hommage

La collection Kamal Youssef el-Hajj ranime « le nationalisme libanais humaniste »

Prenant part à l'hommage rendu au philosophe à la NDU, le patriarche maronite, Mgr Béchara Raï, a estimé que « le mémoire de Bkerké est seul à même de nous conduire à la présidentielle ».

Le patriarche maronite remettant la médaille de Bkerké à Maguy el-Hajj, avant de recevoir de Youssef el-Hajj et de son fils le premier volume de la collection des écrits de Kamal el-Hajj.

Une cérémonie solennelle a permis d'honorer, samedi dernier, la mémoire de Kamal Youssef el-Hajj, « philosophe des profondeurs », qui a donné à la langue arabe « un poids ontologique, celui de la personnalité libanaise », pour démontrer la pertinence d'un nationalisme libanais basé sur « la fusion entre le christianisme nazaréen et l'islam de l'élu », ou la « naslamiya » (fameux néologisme de l'auteur). Cette description reprend quelques passages d'un documentaire sur la vie du philosophe, écrits par le journaliste Bassam Barrak, qui a animé par ailleurs la cérémonie à l'Université Notre-Dame (NDU).
Les organisateurs ont voulu surtout concrétiser l'hommage rendu à la pensée et à l'humanisme de Kamal Youssef el-Hajj. Ainsi, devant un public de politiques, de professeurs, de figures sociales, d'amis, marqué par la présence du patriarche maronite, Mgr Béchara Raï, Youssef Kamal el-Hajj a annoncé le lancement de la collection intégrale des écrits de son père, qui compte quinze volumes, dont l'un introductif, de près de 650 pages chacun. Cinq volumes supplémentaires doivent y être ajoutés. Ce lancement a coïncidé avec la signature de l'acte fondateur de Beyt al-Fikr (beytalfikr.org), qui se veut « une plateforme » d'échanges philosophiques et intellectuels sur la question libanaise. Cette société de pensée est fondée par l'association des Missionnaires libanais maronites, la NDU, l'ancien ministre Michel Eddé, Georges N. Frem et la famille el-Hajj.

Les écrits
Les écrits du philosophe, dont la compilation « a nécessité quatre ans de travail ininterrompu, précédés de dix ans de préparation », comme l'a expliqué Youssef el-Hajj, regroupent notamment : les premiers écrits de l'auteur et la traduction en arabe de L'Essai sur les données immédiates de la conscience, d'Henri Bergson ; ses analyses des courants philosophiques, notamment de la pensée de René Descartes, dont il a traduit Les méditations métaphysiques ; ses réflexions sur des questions générales, rédigées de 1952 à 1971, sur la philosophie, l'éducation, l'athéisme, l'art, la femme, la liberté, ou encore le philosophe face à la politique ; son analyse de la langue arabe, dont il aura « démontré sa vérité et son rôle philosophique pour le Liban », un rôle qui sous-tend en outre le « système de réflexion » de celui qui fut surnommé « le philosophe du nationalisme libanais » et qui ne manqua pas par ailleurs de traiter longuement de la question sioniste et « du rôle central du Liban pour l'affronter intellectuellement » ; la collection transmet en outre la démarche intellectuelle traitant du « message » libanais, celui d'une rencontre des civilisations en Dieu ; et, enfin, la part de ses écrits et études sur la philosophie libanaise, en tant que matière d'enseignement qu'il « s'était efforcé à introduire dans les cursus d'enseignement de licence et de master à l'Université libanaise ». Cette matière devait « fonder le processus de révélation du soi libanais dans sa plus profonde vérité », a conclu Youssef el-Hajj.

Raï et « la vérité »
Après un interlude musical, au cours duquel Fadia Tomb el-Hajj a interprété des chants écrits par son époux, Youssef, en hommage à son père, le patriarche Raï a prononcé son discours, marqué par un hommage à la veuve du philosophe disparu, Maguy Achkar el-Hajj. « Après la tragédie de l'assassinat de son époux, en cet obscur et douloureux 2 avril 1976, où il a payé un lourd tribut à sa lutte en faveur du droit, Maguy a pris le soin de dissimuler les joyaux écrits par son mari, tout en louant son devoir maternel de réunir ses cinq enfants sous son aile, en attendant l'instant où ceux-ci devaient à leur tour honorer la pensée de leur père. » En signe de loyauté pour l'étroit partenariat initié par le philosophe Kamal el-Hajj avec l'ancien patriarche Boulos Boutros Meouchy, à travers son écrit fondateur, Bkerké, la pierre de salut, Mgr Raï a décerné à Maguy, se déplaçant alors vers la tribune à pas lents mais déterminés, la médaille du Patriarcat et le rosaire de la Sainte Vierge, « si chère au cœur du philosophe ».
Celui-ci avait été profondément marqué par l'apparition de Marie à lui, dans une petite église, au lendemain du décès de sa mère. Cet incident stimulera l'élection d'une vie de soufisme dans sa demeure de Chbeniyé, entouré de sa famille, avant son assassinat brutal dans un bois du village. Articulant son discours sur « la vérité de Dieu, de l'homme et de l'histoire », comme base authentique de la liberté, « à laquelle Kamal Youssef el-Hajj est resté fidèle », le patriarche maronite a estimé que « le mémoire de Bkerké » constitue une percée dans une actualité limitée à des « vérités relatives ». Ce mémoire seul serait capable de « nous conduire à l'élection d'un président de la République capable et efficace, dans les délais constitutionnels ».

Michel Eddé et « l'identité libanaise »
L'intervention de l'ancien ministre Michel Eddé, représenté à la cérémonie par le vice-président de la NDU, Suhail Matar, a valorisé « le concept philosophique en politique », dont Kamal Youssef el-Hajj aura été le précurseur en qualifiant la philosophie de « projet politique ». Alors que « les idéologies nationalistes de l'époque diluaient les spécificités sociales, structurelles et différentes de chaque pays arabe (...) la question de l'appartenance nationale était phagocytée par la question de l'identité », a ajouté Michel Eddé. S'il est « élémentaire aujourd'hui de comprendre le nationalisme en termes de patriotisme, Kamal Youssef el-Hajj avait déjà œuvré pour un nationalisme libanais », c'est-à-dire « l'appartenance naturelle à une citoyenneté libanaise », mue par la spécificité libanaise : « une société aux disparités confessionnelles, qui ne peut trouver de fondement en dehors du vivre-ensemble ».
Le président de la NDU, père Walid Moussa, et le père Youssef Tannous, père général des Missionnaires maronites, ont également prononcé des allocutions de circonstance, avant le lever du voile sur la statue de Kamal Youssef el-Hajj, sculptée par Rudy Rahmé, dans l'enceinté de l'université.

Une cérémonie solennelle a permis d'honorer, samedi dernier, la mémoire de Kamal Youssef el-Hajj, « philosophe des profondeurs », qui a donné à la langue arabe « un poids ontologique, celui de la personnalité libanaise », pour démontrer la pertinence d'un nationalisme libanais basé sur « la fusion entre le christianisme nazaréen et l'islam de l'élu », ou la « naslamiya »...