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Liban - Environnement

Le niet des habitants à la décharge publique de Naamé

Après plus de seize ans passés à accueillir les déchets des trois quarts des ménages du Liban, les habitants de la région où se situe la décharge ont entamé hier un sit-in ouvert.

Des sacs d’ordures, des banderoles, des slogans et des masques pour barrer la route aux camions se dirigeant vers la décharge. Photo LEM

Ils étaient des dizaines entre écologistes, habitants, responsables municipaux et autres membres de la société civile à entamer hier un sit-in devant la décharge de Naamé, précisément sur la route qui mène vers le site. Depuis 14h hier, ils empêchent les camions de se rendre sur la décharge, qui dessert le Grand Beyrouth et le Mont-Liban et est gérée par la société privée Averda (1 800 tonnes par jour, selon le dernier rapport sur l'environnement SOER, PNUD/Ecodit/MOE). Selon un observateur, aucun camion n'a pu pénétrer dans la décharge pour y déposer les déchets après 11h40. La présence des forces antiémeute était bien visible sur les lieux.


Ce qui a déclenché le mouvement est la décision récente de repousser le délai de fermeture de la décharge du 17 janvier 2014 à la même date en 2015. Les habitants se plaignent depuis des années des désagréments et des risques de la présence d'une telle décharge sur les villages alentour – notamment la prolifération des maladies respiratoires et autres, les risques d'explosion dus au gaz méthane non traité, etc. (voir le dossier de L'Orient-Le Jour du 9 septembre 2013). Mais leur voix n'a pas été entendue jusque-là, et l'État insiste qu'aucune autre solution n'est prête à l'application. Cette prolongation a été, pour eux, celle de trop. Ils étaient soutenus, hier, par un nombre remarquable d'écologistes : le Mouvement écologique libanais (LEM, des dizaines d'ONG), le Rassemblement libanais pour la protection de l'environnement, Byblos Ecologia, Green Line,
IndyAct...


Les mots prononcés de manière spontanée ont tous traduit le ras-le-bol des citoyens : un refus total d'une nouvelle extension de la vie de la décharge, la souffrance quotidienne et l'incidence sur la santé comme sur la qualité de vie, les indemnités dues par l'État aux municipalités environnantes, notamment celle de Abey-Aïn Drafil qui accueille la quasi-intégralité de la décharge sur son territoire...
Un communiqué a été publié au nom de la Campagne pour la fermeture de la décharge de Naamé-Aïn Drafil, qui regroupe le LEM, le Rassemblement libanais pour la protection de l'environnement, des habitants de Aramoun, Abey, Aïn Drafil, Baawerta, Naamé et Choueifate. Ce communiqué précise que le mouvement « est un sit-in ouvert à l'entrée de la décharge ». « Les parties responsables du contrat de tri et d'enfouissement des déchets ont enfreint toutes les clauses du contrat qu'elles ont signé entre elles », poursuit le texte, qui note « un déséquilibre dans la réalisation de leurs engagements juridiques concernant la décharge ». Et d'ajouter : « Nous n'accepterons en aucun cas une prolongation de la vie de la décharge. Nous demandons à l'État, à ses institutions, à ses présidents, à ses ministres et à ses députés de venir rester avec nous afin d'expérimenter ce que vivons tous les jours, avec les odeurs et les gaz toxiques que dégage la décharge. »

Et les ordures de Beyrouth ?
Cette escalade intervient quelques jours après un communiqué publié suite à une réunion de la commission parlementaire de l'Environnement, lu par son président, le député Akram Chehayeb, membre du bloc de la Lutte populaire (Walid Joumblatt) et député de Aley (où se trouve la décharge). Dans ce communiqué, la commission déclarait son refus d'une nouvelle prolongation après le 17 janvier 2015, proposant que cette condition fasse l'objet d'un contrat. Sauf que les habitants ne croient plus aux contrats depuis que les précédents n'ont pas été respectés, ainsi qu'ils l'ont répété hier.


M. Chehayeb était injoignable hier. Mais un communiqué a été publié par la branche de Aley du Parti socialiste progressiste (PSP, auquel appartient le député). Dans ce communiqué, le parti déclare « être aux côtés des habitants des villages environnants de la décharge, pour tout mouvement pacifique qui respecte les lois, en vue de la fermeture de la décharge le plus vite possible ». La branche de Aley dit poursuivre les contacts pour empêcher toute nouvelle expropriation et tout agrandissement du site, ainsi que pour obtenir un délai de fermeture finale accompagné d'un plan de traitement de la décharge, fondé sur le concept de récupération des gaz et de production d'électricité. « Le courant doit être distribué aux villages environnants gratuitement, et les villages qui ont accueilli le site doivent bénéficier d'exemption de taxes avec paiement des arriérés à partir de 2008 », dit le texte.


Quoi qu'il en soit, une fermeture aussi inopinée de la décharge pose une problématique certaine : qu'adviendra-t-il des ordures de la capitale et du Mont-Liban, et quelles solutions sont envisagées à court et long terme? D'ailleurs, que fait le ministère de l'Environnement, qui était particulièrement invisible hier ? Interrogé sur ces développements, Bassam Sabbagh, chef du département d'environnement urbain au ministère, affirme que « le ministère voulait fermer la décharge depuis longtemps », avant de rappeler l'échec des différents plans et stratégies depuis 2006, et l'impossibilité d'ouvrir une autre décharge. Sur les manifestations en tant que telles, il souligne « comprendre les habitants ».


Mais, selon M. Sabbagh, la fermeture de la décharge par un sit-in n'est pas la solution. « Si elle se prolonge, les ordures s'amoncelleront dans Beyrouth et les environs ; les écologistes peuvent-ils supporter cela ? » dit-il.
Des habitants d'une région particulière sont-ils obligés de supporter les ordures des trois quarts du pays indéfiniment ? « À mon avis, au lieu de manifester, la société civile devrait nous aider à mettre en application la dernière stratégie en date, adoptée en 2010, celle qui devait privilégier le principe de l'incinération avec production d'énergie ("Waste to Energy") pour les grandes villes et les grandes agglomérations », a-t-il souligné.


Le problème, c'est que la société civile est loin d'être favorable à l'idée de l'incinération, et Paul Abi Rached, président du LEM, l'a rappelé hier. Une stratégie coûteuse et une technologie bien trop complexe et difficile à entretenir, selon lui. La solution aux problèmes des déchets du Liban, a-t-il dit, est beaucoup plus simple que cela : compostage de 60 % de déchets organiques et enfouissement des déchets inertes dans des carrières réhabilitées, création de centres de tri dans chaque municipalité ou fédération de municipalités, encouragement du tri dans les ménages, soutien aux usines de recyclage, traitement immédiat de la décharge fermée. En bref, une décentralisation. « Utopie », répond M. Sabbagh, qui est bien obligé d'admettre que le plan du gouvernement, dont le lancement ne semble pas prévu pour sitôt, ne nécessiterait pas moins de trois ans de mise en œuvre.


L'impasse qui est arrivée à son comble hier n'est autre que le résultat d'un cafouillis et de ratages qui ont marqué le traitement de ce dossier durant les années précédentes. Seuls les habitants de cette région, qui souffrent dans leur chair, semblent y voir une urgence. En attendant l'issue de ce bras de fer qui s'annonçait depuis longtemps, on ne peut que constater qu'il n'y aura que des perdants dans tous les cas... à moins que les monopoles ne continuent de profiter d'un retour au statu quo.

 

Pour mémoire
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Repère
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Ils étaient des dizaines entre écologistes, habitants, responsables municipaux et autres membres de la société civile à entamer hier un sit-in devant la décharge de Naamé, précisément sur la route qui mène vers le site. Depuis 14h hier, ils empêchent les camions de se rendre sur la décharge, qui dessert le Grand Beyrouth et le Mont-Liban et est gérée par la société privée Averda...

commentaires (1)

Repousser le délai de la fermeture est une bonne revolution surtout que le courant comme cadeau devrait être distribué aux villages environnants gratuitement, et les villages qui ont accueilli le site devaient aussi bénéficier d'exemption de taxes avec paiement des arriérés ,mais rien ne s 'est realisé.

Sabbagha Antoine

16 h 40, le 18 janvier 2014

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Commentaires (1)

  • Repousser le délai de la fermeture est une bonne revolution surtout que le courant comme cadeau devrait être distribué aux villages environnants gratuitement, et les villages qui ont accueilli le site devaient aussi bénéficier d'exemption de taxes avec paiement des arriérés ,mais rien ne s 'est realisé.

    Sabbagha Antoine

    16 h 40, le 18 janvier 2014

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