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Le viol, arme « psychique » de destruction massive...

Victimes d’un viol et d’une loi

Si porter plainte a une portée thérapeutique, le processus judiciaire est pénible. Les interrogations répétées, le manque de respect et de tact de certaines personnes, l'impression de ne pas être crue et une loi trop clémente vis-à-vis du violeur entraînent ce que l'on appelle « une victimisation secondaire ». Indigne de la gravité des faits et des souffrances vécues, la loi sur le viol blesse encore plus les victimes et mine leur confiance envers la justice. Bien que la Constitution libanaise ait consacré le principe de l'égalité entre tous les citoyens, sans discrimination ou distinction de sexe, la position de la femme libanaise reste toujours inferieure à celle des hommes. La loi du code pénal relative au viol en est la preuve aberrante. Lors d'une conférence qu'il animait, le juge Johny Azzi a mis l'accent sur « la loi pénale de 1943, notamment les articles 503 et 504 : celui qui force quiconque, outre son conjoint, sous la contrainte, à maintenir un rapport sexuel est condamné aux travaux forcés pour une durée de 5 ans au moins et de 7 ans en cas de viol sur mineurs. Ces articles excluent donc implicitement le viol conjugal et offrent la possibilité à l'homme de violer sa femme légalement, de prendre ce qui lui est dû, quand bien même cette dernière ne veut pas le lui donner. De surcroît, la société libanaise estime que les relations sexuelles avec le conjoint tiennent du devoir conjugal que la femme se doit d'accomplir, violant par là même le principe d'égalité entre les conjoints ».
Par ailleurs, poursuit le juge Azzi, « l'article 522 du code pénal stipule que toute poursuite et toute peine contre un violeur doivent être annulées si celui-ci épouse sa victime. Dans cet esprit, le législateur tendait principalement "à sauver l'honneur" de la famille de la personne violée, par ce mariage "arrangé", afin d'éviter que l'agresseur purge ses 5 ans de prison. Perdre sa virginité avant le mariage est largement considéré comme grave et scandaleux, quel qu'en soit la raison », s'indigne-t-il. Et le magistrat de se poser la question cruciale : « Quelle femme voudrait épouser son violeur ? Et en cas de grossesse, quel serait l'avenir d'un enfant issu du viol ? Une loi aussi clémente à l'égard de l'agresseur est inadmissible de nos jours », souligne encore le magistrat.

Agressée par l'impunité
Dans ce contexte, le juge Azzi rappelle l'affaire de la jeune Marocaine de 16 ans, Amina al-Falali, qui, par désespoir, « s'est donnée la mort en ingurgitant de la mort-aux-rats, après avoir été contrainte d'épouser son violeur, un homme brutal de dix ans son aîné, dans l'unique but de sauver un semblant d'honneur familial ». « Ce suicide a déclenché un bouleversement sans pareil, une réflexion sur la protection des femmes et sur l'abrogation d'une loi archaïque, discriminatrice, à l'instar de la législation libanaise, relève-t-il. Pouvons-nous un jour espérer changer les mentalités si la loi elle-même ne sanctionne pas ces pratiques contraires aux droits de la femme ? s'interroge-t-il. Compte tenu de cette situation, un amendement de la loi relative au viol ainsi que d'autres dispositions légales "misogynes" qui survivent encore s'avère indispensable pour la sauvegarde de la dignité de la femme. »
Et de poursuivre : « Un léger progrès a été cependant enregistré à ce niveau. Les femmes libanaises se mobilisent de plus en plus : les organisations féministes ont participé à l'élaboration d'une nouvelle loi contre la violence domestique, visant à protéger les femmes et à criminaliser les actes de violence commis contre elles au sein de leurs foyers. Cette loi fait toujours l'objet d'un débat au Parlement. Et pour cause : les autorités religieuses du pays pèsent de tout leur poids pour empêcher son adoption », conclut-t-il.
Parmi les nombreux problèmes abordés par le Coran, la question de la violence conjugale reste controversée. Quand bien même l'Islam condamnerait clairement les rapports sexuels hors mariage, il reste très ambigu en ce qui concerne la notion de viol. « Vos épouses sont pour vous un champ de labour. Allez à votre champ comme (et quand) vous le voulez... » (sourate 2, verset 223). Ce verset fait couler beaucoup d'encre. La femme tenue à une soumission absolue à l'homme doit-elle se soumettre aux désirs sexuels de son mari, en tout lieu et en toute circonstance ?
Revenons à Amina, c'est la loi qui l'a tuée ! Une règle sociale absurde veut remédier à un mal (le viol) par un autre encore plus répugnant. Qui punissons-nous au final? La victime ou le bourreau ? Au-delà de l'aspect législatif, c'est une affaire de mœurs, de perception de la « femme-objet » qui perdure. Faut-il assister au suicide d'une autre « Amina libanaise » pour que nos législateurs se rendent enfin compte de la gravité du problème et se décident à adopter une nouvelle loi sur la violence perpétrée contre les femmes ?

Si porter plainte a une portée thérapeutique, le processus judiciaire est pénible. Les interrogations répétées, le manque de respect et de tact de certaines personnes, l'impression de ne pas être crue et une loi trop clémente vis-à-vis du violeur entraînent ce que l'on appelle « une victimisation secondaire ». Indigne de la gravité des faits et des souffrances vécues, la loi sur...