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À La Une - Environnement

Achevées, en construction, pas connectées : état des lieux des stations d’épuration au Liban

Le CDR promet de nouvelles usines de traitement des eaux usées pour une « pollution réduite de 80 % ».

La station de traitement des eaux usées de Jiyeh, au sud de Beyrouth. La station est achevée, mais pas connectée à un réseau d’égout. Résultat, les eaux usées s’écoulent dans la mer... Photo d’archives Anne Ilcinkas

Avec 85% des eaux usées rejetées directement dans la mer, selon le Centre national des sciences marines (CNSM), le Liban fait figure de très mauvais élève en terme de traitement des eaux usées. Une conséquence immédiate de cette situation étant un niveau de pollution du littoral libanais passablement inquiétant.

 

Avant la guerre civile, le Liban disposait de deux stations d'épuration, mais elles ont été détruites pendant le conflit. Quand les armes se sont tues, les initiatives sérieuses pour relancer ce secteur ont été longues à venir en raison, notamment, des problèmes politico-sécuritaires gangrénant le pays.

Il y a une quinzaine d'années, l'Etat libanais, à travers le Conseil du développement et de la reconstruction (CDR), a enfin décidé de s'atteler à la question des eaux usées et a lancé un grand chantier pour la construction de stations d'épuration.

La première étape de ce chantier devait concerner les villes côtières, des zones très peuplées donc grosses productrices d'eaux usées. Seconde étape, les villes intérieures du pays.

 

 

Obstacles

Sur le chemin du CDR se sont toutefois dressés de nombreux obstacles, certains dus à des municipalités redoutant que l'implantation d'une station d'épuration ne cause des nuisances.

"Il y a eu du retard, ce projet n'est pas facile à mener. Pour chaque station, nous devons obtenir l'approbation du Conseil des ministres, puis celle du Parlement et enfin celle de la municipalité concernée. Ensuite, nous devons trouver le terrain où construire la station, l'acheter puis lancer les travaux", explique Youssef Karam, le directeur du département en charge de ce projet au sein du CDR, lors d'un entretien avec Lorientlejour.com.

 

"Nous avons eu des difficultés à convaincre certaines municipalités, car elles craignaient qu'une station ne produise de mauvaises odeurs par exemple", poursuit le responsable qui a travaillé pendant 12 ans dans le domaine en France. Or, en fonctionnement normal, "le traitement des eaux domestiques ne dégage pas de mauvaises odeurs, les stations étant équipées d'un système d'aération et de traitement des odeurs", assure-t-il.

 

Aujourd'hui, huit stations d'épuration fonctionnent et sont connectées au réseau d'égout, sept sont dans l'attente d'être connectées (d'ici 2014), trois sont en cours de construction et 14 en sont encore au stade préliminaire (en cours d'étude, ndlr).

 

"Ce qui a été réalisé au Liban ces dernières années est du beau travail, les stations construites ou en cours de construction sont impressionnantes et nous avons fait appel à d'excellents consultants", affirme Youssef Karam. "Lorsque toutes les stations fonctionneront et seront connectées au système d'égout, la pollution des eaux sera réduite de 80% au Liban", poursuit-il.


Cliquez-ici
pour visualiser cette carte en mode plein écran. Carte réalisée par Elie Wehbé.

 

 

Achevées mais pas connectées

Fait notable et quelque peu perturbant, sept stations de traitement dont la construction est achevée, parfois depuis plusieurs années, ne sont pas utilisées, ces stations n'étant tout simplement pas connectées au réseau d'égouts.


Selon Rafic el-Khoury, le PDG de "Rafic el-Khoury & Partners", les consultants dans la construction de la station d'épuration à Tyr, la plupart "des stations de traitement des eaux usées construites au Liban font l'objet d'un prêt de la part de gouvernements étrangers. Les projets doivent donc être réalisés dans les délais". "La construction des réseaux d'égout est, elle, financée, dans la plupart des cas, localement. Donc les travaux et les formalités prennent plus de temps", poursuit M. el-Khoury dans un entretien avec lorientlejour.com. Or sans réseau d'égouts digne de ce nom, les eaux usées ne sont pas acheminées correctement à la station de traitement qui ne peut dès lors pas fonctionner. "Toutes les stations du pays ont ce même problème", note Rafic el-Khoury.   


 

Fonctionnement

Les stations d'épuration construites au Liban utilisent, comme la majorité des stations de traitement des eaux usées dans le monde, une technique d'épuration biologique. "Cette technique accélère le processus d'épuration naturel", indique M. Karam en précisant que ces stations ne peuvent pas traiter les eaux industrielles.

Une station d'épuration est divisée en deux parties, une partie dont l'objectif est de traiter les eaux domestiques ou eaux usées et une seconde dont l'objectif est de traiter la boue (pollution, ndlr). 

 

 

Les étapes du traitement des eaux usées

 

A-Elimination des particules, des plus grandes aux plus fines.

 

1-Dégrillage grossier pour éliminer les pièces en bois ou en plastique

2-Dégrillage fin pour les déchets de plus petite taille

3-Dessablage pour éliminer les petits grains de sable

4-Dégraissage pour éliminer les huiles et les graisses rejetées (dans les eaux rejetées par les foyers, restaurants et stations service par exemple)

 

B-Décantation primaire : l'eau filtrée stagne dans un bassin pendant une certaine période pour que les particules (relativement) lourdes se déposent au fond du bassin sous l'effet de la gravité.

 

C-Traitement biologique en bassin d'aération : les bactéries aérobies (qui se multiplient en présence d'oxygène) consommant la pollution, de l'air est pompé dans ce bassin.

 

D-Traitement en bassin de clarification où la boue et l'eau sont séparées. L'eau traitée est rejetée en mer alors que la boue est traitée dans la deuxième partie de la station.

    

Le traitement des boues peut permettre de produire "60% des besoins en électricité de la station d'épuration", indique Youssef Karam, qui précise que ceci n'est faisable que dans les grandes stations "car un tel système est coûteux".

La production d'électricité se fait grâce au méthane dégagé lors de la "digestion" des boues, des générateurs absorbant le méthane produisant l’électricité.

 

 
Financement

Le coût de construction d'une station varie selon sa taille, celle de Tripoli par exemple a couté 100 millions de dollars. Le coût de l'entretien annuel représente environ 4% du coût de la station. "Quatre millions de dollars par an pour 700.000 habitants, c'est raisonnable", estime M. Karam. 

 

Pour financer la construction des stations d'épuration, le Liban ne pouvait être seul. Dans cette entreprise, il bénéficie du soutien de la Banque Mondiale, de la Banque Européenne d'investissement (BEI), de l'Agence française de développement, de la banque islamique, en sus de l'Etat libanais.

Les Libanais sont également mis à contribution, puisqu'ils ont commencé en 2013 à verser une redevance de 5.000 Livres libanaises par an par foyer. Dans les régions disposant d'une station de traitement des eaux usées, les foyers paient 20.000 LL.

"La redevance de 5.000 L.L suit le principe du pollueur-payeur", précise Randa Nemr, conseillère du ministre des Ressources hydrauliques Gebran Bassil. Elle précise que la redevance de 20.000 LL vise à couvrir les frais de maintenance de la station de traitement. "Ce montant va augmenter progressivement dans les années à venir", avertit-elle.

 



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Avant la guerre civile, le Liban disposait de deux stations...

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