Rechercher
Rechercher

À La Une - L'Orient Littéraire

Phénicie chérie

Marins, commerçants, inventeurs du premier alphabet drapés dans leurs manteaux de pourpre… Au-delà des clichés, la vérité sur les Phéniciens.

Photo L'Orient Littéraire.

Historienne, diplômée de grec, d’hébreu, d’araméen et d’akkadien, Josette Elayi entreprend dans son dernier ouvrage ce qu’aucun spécialiste des Phéniciens ne s’est jamais hasardé à entreprendre : écrire une histoire de la Phénicie à la fois événementielle et socio-économique. En effet, les ouvrages généraux sur le commerce, l’industrie, la religion, l’art, l’écriture de ce peuple n’avaient présenté, jusque-là, qu’un « survol historique » de quelques pages.
 
D’emblée, elle souligne un paradoxe inattendu : le fait que ce peuple qui a inventé l’alphabet ait laissé « si peu de traces écrites ». La raison est d’autant plus amère qu’elle est fort simple : l’exploration archéologique des sites phéniciens est limitée parce qu’ils « sont ensevelis sous les villes modernes du Liban, et sous quelques villes de Syrie et d’Israël ». Josette Elayi dresse scrupuleusement l’inventaire des découvertes archéologiques, mais aussi celui des sites qui n’ont pas été fouillés et ne le seront sans doute jamais. Dépassant bien vite le cliché du Phénicien estampillé « inventeur de l’alphabet », elle décrit ses techniques de pêche, notamment pour le murex, mais aussi les spécificités de l’art phénicien et souligne un fait non négligeable et pourtant méconnu : les Phéniciens seraient les inventeurs de la métallurgie. Dépassant également l’information fragmentaire retenue par notre mémoire collective concernant la construction du temple du roi Salomon avec le bois des cèdres du Liban, elle dissèque les relations amicales et les alliances des rois phéniciens (notamment de Tyr) avec les rois d’Israël et de Juda : David et Salomon. Et si elle se base principalement sur les apports des découvertes archéologiques, elle ne néglige pas pour autant les écrits de Flavius Josèphe ni les références bibliques qui constituent une précieuse mine d’informations.
 
Si Elayi s’attarde sur l’étymologie du mot « Phénicien », elle survole en revanche la question de l’origine de ce peuple « qui ne peut pas être résolue aujourd’hui faute de documents explicites ».
 
Il est toutefois établi que les Phéniciens ont provoqué tour à tour « des réactions de phénico-phobie et de phénico-manie ». Elle passe donc au crible les opinions diverses et souvent contradictoires que les contemporains des Phéniciens ont eues les concernant ; et les explique par la rivalité commerciale, la crainte, mais aussi par des préjugés coriaces et sans fondement et par un « racisme culturel ». 
 
Si l’auteure aborde certains sujets (tels que la légendaire rivalité entre Sidon et Tyr) d’un point de vue thématique, elle respecte par ailleurs la chronologie pour nous raconter une véritable histoire, du début à la fin. Remontant jusqu’à la préhistoire, elle divise par la suite l’histoire de la Phénicie en quatre grandes périodes. Tout d’abord, l’exceptionnelle période d’indépendance qui fut « l’âge d’or » de la Phénicie, entre 1200 et 883. Viennent ensuite la domination assyrienne de 883 à 610, la domination babylonienne de 610 à 539, et enfin la domination perse de 539 à 332 ; date de la reddition de Tyr qui entraîne la soumission de  la Phénicie tout entière à Alexandre et marque traditionnellement la fin de son histoire.
 
Si Elayi aborde individuellement la destinée de chaque cité, elle observe que ces cités possédaient « des atouts essentiels qui imposent de les ménager ». Leurs flottes représentaient « la base de la puissance navale » nécessaire à un empire (et furent tout particulièrement utiles aux Perses dans leurs guerres contre les Grecs). Les sites côtiers phéniciens étaient des positions stratégiques incontournables sur la route de l’Égypte et pour le contrôle de Chypre. La prospérité  économique de ces cités constituait enfin une « abondante source de profits ». L’habileté de la politique des conquérants consistait à ne pas s’approprier directement ces richesses mais à « laisser les cités phéniciennes les gérer au mieux de leurs intérêts, sachant qu’ils en récolteront de cette manière les meilleurs bénéfices ». Si les cités phéniciennes n’ont été que de « simples pions sur l’échiquier des grandes puissances », elles furent également des « grains de sable faussant l’engrenage des conquêtes ». Un exemple parmi d’autres de la rigueur de l’auteure : elle mentionne ce que la plupart des frises historiques occultent, à savoir le fait qu’il y ait eu, entre la domination assyrienne et la domination babylonienne, une transition égyptienne durant une courte période de cinq ans (de 610 à 605).
 
Josette Elayi nous livre un ouvrage rare et exceptionnel, alliant à merveille la rigueur de l’historienne à la verve d’une conteuse de légendes.
 
BIBLIOGRAPHIE
L’Histoire de la Phénicie de Josette Elayi, Perrin, 2013, 341 p.
 
 
Retrouvez l’intégralité de L'Orient littéraire ici.
Historienne, diplômée de grec, d’hébreu, d’araméen et d’akkadien, Josette Elayi entreprend dans son dernier ouvrage ce qu’aucun spécialiste des Phéniciens ne s’est jamais hasardé à entreprendre : écrire une histoire de la Phénicie à la fois événementielle et socio-économique. En effet, les ouvrages généraux sur le commerce, l’industrie, la religion, l’art,...

commentaires (1)

Très intéressant ! je vais l'acheter ce livre ,car les civilisations prés islamiques, sont d'une richesse et d'une diversité incroyable... pleins de dieux ,de croyances ... alors que les penseurs ou lecteurs ...de l'islam de la pensée unique... font tout ...pour faire oublier cette période ...pauvres Bouddha de Bamyan ...qui ont déjà payé le prix fort à l'obscurantisme religieux ...

M.V.

10 h 43, le 01 septembre 2013

Tous les commentaires

Commentaires (1)

  • Très intéressant ! je vais l'acheter ce livre ,car les civilisations prés islamiques, sont d'une richesse et d'une diversité incroyable... pleins de dieux ,de croyances ... alors que les penseurs ou lecteurs ...de l'islam de la pensée unique... font tout ...pour faire oublier cette période ...pauvres Bouddha de Bamyan ...qui ont déjà payé le prix fort à l'obscurantisme religieux ...

    M.V.

    10 h 43, le 01 septembre 2013

Retour en haut