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À La Une - L’éclairage

L’engrenage

L’armée libanaise et des membres du Hezbollah sur les lieux de l’attentat à Roueiss.

Avant de rechercher la partie qui a commis l’attentat de Roueiss, il faudrait au préalable décoder les motifs qui en sont à l’origine. Ce n’est qu’à cette condition que la recherche des coupables de cet acte terroriste odieux, qui a coûté la vie à des innocents, devient possible. Car l’attentat était, sans l’ombre d’un doute, chargé d’un message sanglant.


De l’avis d’un politique du 14 Mars, le terrible attentat de jeudi est de toute évidence une réponse à l’équipée syrienne du Hezbollah contre les rebelles et le peuple syriens, ainsi qu’au soutien militaire du parti chiite au régime syrien pour empêcher son effondrement. Le secrétaire général du parti, Hassan Nasrallah, avait d’ailleurs défendu ouvertement l’engagement de ses troupes en Syrie, affirmant mener une guerre préventive pour défendre la résistance, menacée, selon lui, par une éventuelle chute du régime de Bachar el-Assad. Or pour le 14 Mars, la décision du Hezbollah d’envoyer ses hommes se battre en Syrie émane de Téhéran, et plus spécifiquement des gardiens de la révolution iranienne, quels que soient les arguments avancés pour la justifier.

 

(Repère : Liban : l'implication du Hezbollah dans le conflit syrien)


En l’absence d’informations et de données précises et fiables, les interprétations et les lectures vont bon train sur l’événement de jeudi. S’agissait-il d’un attentat-suicide ou d’une voiture piégée, chargée de plusieurs dizaines de kilos d’explosifs ? Quoi qu’il en soit, pour les experts, il n’y a aucun doute sur le fait que cet attentat, celui de Bir el-Abed il y a quelques semaines, ainsi que les roquettes qui ont visé la banlieue sud, constituent une vaste réponse au comportement du Hezbollah. Si les auteurs de l’attentat de jeudi s’avèrent être des jihadistes, c’est qu’il s’agit bien d’une réponse à l’ingérence du parti chiite en Syrie. Il sera impossible, dès lors, d’ignorer la responsabilité de groupes comme Jabhat el-Nasra, el-Qaëda ou d’autres groupuscules faisant partie de cette nébuleuse terroriste, dont cette « Organisation de Aïcha, mère des croyantes » qui a revendiqué l’attentat sur YouTube – même si les criminels ont fait preuve d’un net professionnalisme dans la préparation de l’attentat, ce qui écarte la possibilité que l’opération soit l’œuvre d’amateurs.


Dans le cas où il s’avère que c’est Israël qui se cache derrière cette opération, ce serait donc une réponse à l’affaire de Labbouné, après que Hassan Nasrallah eut revendiqué mercredi les deux explosions qui avaient blessé des soldats israéliens il y a environ une semaine. Pour des observateurs avisés, les propos du secrétaire général du Hezbollah sont « dangereux », dans la mesure où ils admettent ouvertement une violation de la résolution 1701 et une atteinte à l’État, à l’armée et à la Finul, qui ont été laissés pour compte, puisque le sud du Litani est en principe sous observation, du fait de la 1701. Cependant, Tel-Aviv a nié hier toute responsabilité dans l’attentat de Roueiss.


Les criminels ont voulu faire mal, toucher le Hezbollah en plein cœur. Mais, bien que politique, ils n’ont pas cherché à viser un responsable quelconque du parti chiite. L’objectif était plutôt de faire le plus grand nombre de tués pour montrer au Hezbollah qu’il est bel et bien vulnérable chez lui, à la maison, et qu’il ferait donc mieux de rentrer immédiatement au bercail. Il n’y a donc plus de « périmètres de sécurité », même sous l’ombrelle du Hezbollah, et le terrorisme peut désormais frapper à tout moment, même là où se barricadent Hassan Nasrallah et les cadres du parti depuis toujours.
Il est vrai d’ailleurs que plusieurs responsables d’organisations terroristes jihadistes et islamistes avaient adressé des menaces au Hezbollah et à son patron, et l’avaient mis en garde contre de telles représailles. D’ailleurs, les célébrations qui ont suivi l’attentat dans certaines régions sunnites du pays sont assez révélatrices de l’état de tension qui prévaut dans la rue et du fossé qui sépare désormais les Libanais sunnites et chiites, notamment autour du dossier syrien. Même un acte aussi répréhensible, horrible, que celui de Roueiss, qui devrait en principe fédérer sur le plan moral, n’arrive plus à rassembler...

 

(Lire aussi : Les milieux politiques français pensent que le Liban peut encore éviter le pire)


Comment faire face à cette nouvelle vague terroriste ? Comment le Liban peut-il confronter ce plan criminel qui vise à importer le conflit syrien pour embraser le pays ? Selon des hôtes du président de la République, Michel Sleiman, ce dernier appelle encore et encore le Hezbollah à retirer ses hommes de Syrie et à retourner au Liban, afin qu’il puisse bénéficier de nouveau d’une couverture légale et légitime, fait impossible tant que son aventure syrienne se poursuit. Pour le chef de l’État, la feuille de route est claire comme de l’eau de roche : le Hezbollah doit retirer ses combattants de Syrie, faciliter la formation d’un cabinet neutre et apolitique qui puisse se focaliser sur les soucis des citoyens, contribuer à la relance de la table de dialogue pour y soulever toutes les questions problématiques, et refaire acte d’allégeance à la déclaration de Baabda, que plusieurs responsables au sein du Hezbollah ont publiquement désavouée ces derniers jours. Le président Sleiman appelle toutes les parties à renouer les liens et dialoguer, loin de la politique du boycott, et à œuvrer pour revitaliser les institutions et rétablir la primauté de la règle de droit. La formation du cabinet est devenue une urgence dans ce cadre, et les parties devraient mettre de côté leurs conditions rédhibitoires et ôter tous les obstacles qui empêchent encore le Premier ministre désigné de mener à bien sa mission.


Le Hezbollah changera-t-il ses positions d’un iota après l’attentat de Roueiss ? Retirera-t-il ses combattants de Syrie ou poursuivra-t-il son équipée auprès du régime syrien ? Selon un ministre, qui s’exprimait avant le discours télévisé de Hassan Nasrallah hier soir, il est peu probable que le parti chiite prenne l’initiative de se retirer de Syrie... puisque la décision ne lui appartient pas, mais se trouve entre les mains de Téhéran et des pasdarans. Tout pari sur une telle démarche est de l’ordre du vœu pieu. Le Hezbollah ne peut faire face à la machine infernale dans laquelle il s’est retrouvé qu’en prenant encore plus de mesures sécuritaires préventives et en augmentant sa surveillance de la banlieue sud, ce qu’il avait déjà commencé à faire il y a quelques jours en installant des barrages dans certaines régions aux abords de la banlieue pour contrôler les papiers d’identité des passants.


L’engrenage, quoi.

 

 

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