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À La Une - Liban

Ali Tlaïss, l’autisme en couleurs

Être autiste et artiste : c’est le formidable destin de Ali Tlaïss, dont les peintures sont exposées au Gray Hotel jusqu’à vendredi.

Le jeune Ali Tlaïss devant ses toiles à l’hôtel Le Gray. Photo Marwan Assaf

À la Lebanese Autism Society, ses toiles colorées sont partout : accrochées dans la salle d’attente, massées au milieu des béchers de la classe de biologie et entassées dans le couloir. Ali Tlaïss est la fierté de cette association qui s’occupe d’enfants et d’adolescents autistes au sein du Collège des Frères à Gemmayzé (Beyrouth). À 22 ans, cet autiste léger prépare sa troisième exposition de peintures, « Enchanting Autism Forest », dont le vernissage a eu lieu hier au Gray Hotel.


Ali peint à la vitesse de l’éclair, avec un plaisir évident mêlé à une grande concentration. En deux mois, il a produit plus de vingt-cing tableaux, travaillant d’arrache-pied toute la semaine de 8 heures à 13 heures. Au programme cette année : des arbres sous toutes leurs formes, peints dans une gamme colorée très vive et dans un style impressionniste naïf.


« Son geste est mécanique, c’est comme une machine, il ne se lasse pas », souligne sur un ton amusé Rita Saab-Moukarzel, sa tutrice depuis 2011. En 2010, cette enseignante dans plusieurs écoles d’art et présidente du syndicat des professionnels du graphisme et de l’illustration assiste à un concours de figurines au centre pour autistes. Rien de bien marquant côté sculptures... mais les tournesols « à la Van Gogh » que Ali a peints, accroché au-dessus d’un bureau, attirent son regard. « Je me suis dit que là, il y avait un talent à développer », raconte-t-elle.
Alfa, l’opérateur de télécommunications, qui travaille depuis 2006 avec la Lebanese Autism Society dans le cadre de son programme de responsabilité sociale de l’entreprise (RSE), embauche alors Rita pour propulser Ali sur le devant de la scène artistique en assurant le financement de ses travaux. « Les autistes communiquent par d’autres moyens que la parole. La peinture, c’est un moyen pour que leur monde rentre en contact avec le nôtre », explique Aline Karam, la responsable de la communication du groupe.

« Pointillisme »
Rita Saab-Moukarzel, très dynamique, procède alors par étapes. Elle fait passer Ali du crayon à mine à l’acrylique, du papier à la toile, puis l’encourage à produire des formats de plus en plus grands. « Il a évolué très rapidement », souligne-t-elle. Les toiles de Ali exposées en 2011 sont un mélange de portraits souriants, de bâtiments et de paysages naturels, un sujet qui est devenu récurrent dans ses toiles depuis 2012.
Pour le style, c’est du « pointillisme ». « C’est ce style qui lui convient le mieux car les gestes répetitifs propres à l’autisme deviennent ici positifs », raconte sa tutrice. Si elle le « guide et le canalise » dans ses travaux, Ali a développé « sa propre technique », qui consiste à « superposer quatre fois les couleurs ».
Ses toiles dénotent une connaissance des œuvres impressionnistes, de Picasso et d’Andy Warhol, des artistes que lui présente Rita Saab-Moukarzel lors de petits cours d’histoire de l’art.
Mais son propre vécu est sa principale source d’inspiration. Les sols recouverts de pétales de rose qu’il peints à foison font écho au jardin de son enfance à Baalbeck. La pinède, au cœur de l’exposition qui a été lancée hier, lundi, est le décor dans lequel il aime se balader. « Ali retranscrit la première image qu’il a en tête, c’est un jet impulsif, instinctif, direct », relève Rita.

Une toile au Sérail
Ses toiles rencontrent un grand succès. Lors de sa première exposition à la galerie Mark Hachem en 2011, il vend 75 % de ses tableaux. Les recettes s’élèvent à presque 25 000 dollars, pour des prix allant de 500 à 2 500 dollars. Il est exposé à Paris, lors de la FIAC (Foire internationale de l’art contemporain), avant de participer en 2012 à la Beirut Art Fair, la grande foire libanaise de l’art contemporain. « Des galeries à Singapour veulent maintenant l’exposer », raconte avec fierté Aline Karam. Signe symbolique important, le ministère des Affaires sociales puis l’ancien Premier ministre Najib Mikati ont tous les deux acheté une de ses toiles. « Qui aurait cru qu’il y aurait un jour une toile de Ali au Sérail ! », relève Aline Karam.


La peinture a eu de nombreux effets positifs sur l’autisme de Ali. « Il a désormais une très bonne conversation, beaucoup plus élaborée qu’avant », raconte Rita Saab-Moukarzel. Dans son atelier, il discute et rigole avec les femmes qui l’entourent et présente ses travaux avec fierté, en décrivant la palette de couleurs qu’il a utilisées.
« C’est une thérapie par l’art », affirme Aline Karam, qui raconte que « sa famille est fière de lui ». Surtout, ce programme fait de Ali « un citoyen comme les autres » en lui permettant de devenir financièrement « indépendant ». La moitié des recettes des ventes lui est reversée, une somme qui lui permet notamment de « financer ses études ». L’autre moitié revient à la Lebanese Autism Society. Une somme qu’elle compte utiliser pour promouvoir de nouveaux talents autistes. « En cuisine et en photographie, on a des enfants très prometteurs », assure Arwa el-Amine Halawi, la présidente de l’association.

Informations pratiques
Le vernissage d’« Enchanting Autism Forest » s’est déroulé hier dans le Hall Atrium de l’hôtel Le Gray, en présence de Ali. L’exposition se poursuivra jusqu’au vendredi 19 juillet. Les toiles seront ensuite exposées à la Beirut Art Fair en septembre.

 

 

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