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À La Une - Liban

"Le jardin des Jésuites n'est pas à vendre"

Quelque 300 personnes ont manifesté contre un projet de construction d'un parking souterrain sous le jardin à Jeitaoui.

"Nous n'allons pas payer le prix de votre mauvaise planification", lit-on sur cette pancarte brandie par une manifestante, samedi, lors d'un rassemblement dans le Jardin des Jésuites à Jeitaoui. Photo Charlie Duplan.

Dans le jardin des Jésuites, samedi après-midi, à Jeitaoui, l'heure était à la protestation. Quelques 300 personnes se sont en effet rassemblées dans ce quartier populaire de Beyrouth pour protester contre un projet de la municipalité de Beyrouth visant à construire un parking souterrain sur quatre niveaux sous le jardin des Jésuites. 

 

"Le jardin des Jésuites n'est pas à vendre", "Oui au parking, oui aux espaces verts, mais non à la destruction du jardin", ou encore "Abolir la pollution et non les arbres (cut pollution not trees)", pouvait-on lire sur les pancartes brandies par les riverains et activistes de la société civile venus faire entendre leur voix sous la surveillance d'une dizaine de policiers.


"Il faut préserver le jardin, rare espace vert de la ville et faire un parking ailleurs, s'insurge Hanine Ghaddar, une résidente de Jeitawi. Ce projet n'est pas une solution", assure-t-elle.

 

Charles Hayek, directeur adjoint de l'association Biladi qui se bat pour la préservation et la promotion du patrimoine libanais, rappelle que l'association organise depuis près de dix ans des sorties dans le jardin des Jésuites. "C'est un outil pédagogique pour les jeunes et un espace de récréation et de paix pour les vieux", estime-t-il, se disant content et satisfait de cette mobilisation. Parallèlement à la manifestation, Biladi a organisé un tour guidé pour présenter les vestiges de mosaïques du parc.  

 

Cette manifestation est très importante puisqu'elle est l'occasion d'"envoyer un message très clair à la municipalité de Beyrouth", renchérit Wissam Mehanna, un responsable de Greenpeace. "La priorité est de dire non au parking et de sauver le jardin des Jésuites, déclare l'activiste. Mais c'est également l'occasion de dire que nous ne nous contentons pas de dire non, nous proposons aussi une solution", poursuit-il. Selon lui, beaucoup d'immeubles qui tombent en ruines et de terrains abandonnés dans la région peuvent être utilisés pour construire un parking.

 

 

"Sauvez le jardin des Jésuites", scandent les manifestants. Photo Anne Ilcinkas.

 

 

"Nous n’avons jamais voulu supprimer ce jardin, il sera reconstruit en plus beau encore", a assuré à L'Orient-Le Jour Hagop Terzian, un membre de la municipalité de Beyrouth. "L'aire de jeux pour enfants sera refaite de manière plus contemporaine, et les vestiges (mosaïques et vestiges d’une église byzantine) présents dans le jardin et recensés par la Direction générale des Antiquités seront replacés, après les travaux, au même endroit mais de façon plus moderne", a également garanti son collègue Rachid Achkar.

 

(Repère : Jardin des Jésuites : Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur la polémique...)

 

"Autour du jardin, les voitures sont garées des deux côtés de la route faute de places de parking ; du coup les camions de Sukleen (la compagnie chargée du ramassage des ordures ménagères) n'arrivent pas à passer pour récupérer les poubelles, a expliqué M. Achkar pour justifier le projet. Les riverains doivent donc payer deux fois, une fois pour les taxes en vue du ramassage des ordures et une autre fois pour le petit camion qui récupère les déchets pour les amener à la benne à ordure de Sukleen".

 

Ne suffisait-il pas, dès lors, d'interdire aux voitures de se garer d'un ou des deux côtés de la route?

"Si l'on interdit aux gens de se garer sur les bords d’une route, il faut leur proposer des alternatives. Les emplacements de parking qu’on retire de l’exploitation au bord des routes seront compensés par les emplacements disponibles dans le parking sous le jardin, ce qui permettra l’aménagement des routes. Et si l'on arrive à mettre en place des transports en commun, l'utilisation des voitures sera sensiblement réduite. Ce parking permettra de dégager les routes et trottoirs, et nous aurons ainsi des rues beaucoup plus agréables pour la population", a argumenté le responsable.

 

"Il faut préserver le jardin, seul espace vert de la ville et faire un parking ailleurs". Photo Anne Ilcinkas.

 

 

Les opposants au projet, eux, ne le voient pas de cet œil. "À en croire Rachid Achkar, ouvrir la voie devant les camions de Sukleen serait la raison principale pour construire un parking sous le jardin des Jésuites à Jeitaoui ! a ainsi répondu Jihad Kiamé, architecte urbaniste et habitant du quartier de Jeitaoui. Or nous autres, habitants du quartier, sommes très satisfaits du fait que les bennes d’ordures soient placées en dehors de l’espace du jardin, du côté du boulevard Charles Malek. Cela permet d’épargner à cet espace des nuisances terribles liées au trafic et aux odeurs."

D’autre part, en réponse à l’argument de la municipalité portant sur le règlement du problème de trafic et de parking, l’urbaniste met l'accent sur le potentiel d’accroissement du taux de CO2 et sur l’embouteillage dans les rues étroites qui vont mener au futur parking.

 

Pour M. Kiamé, il est impossible qu’un "meilleur" jardin puisse être reconstruit sur un parking. "On veut nous faire croire qu’un jardin à fonds perdus peut être remplacé par un bac à plante sur du béton", a-t-il déclaré.

"On ne peut continuer à répondre à la demande croissante en matière de trafic par de nouvelles routes et de nouveaux parkings qui resteront insuffisants, a poursuivi M. Kiamé. La seule solution moderne est de développer le transport en commun. (...) Les habitants avisés des dangers d’un projet maladroitement improvisé revendiquent autre chose : des transports collectifs décents, une sécurité routière, une qualité d’air, de la tranquillité... "

 

(Lire aussi: Jardin des jésuites : "Nous faisons ce que nous pensons être le meilleur pour Beyrouth")

 

Aujourd'hui, selon le responsable municipal, Rachid Achkar, "nous en sommes au stade des sondages. Une équipe est venue vendredi dernier prélever des échantillons pour connaitre la nature du sol. Cela rentre dans le cadre d'une étude confiée au bureau d’études Team International par le Conseil du développement et de la reconstruction (CDR)".

Une fois les études terminées, un appel d’offres sera lancé pour la réalisation des travaux, qui devraient durer entre un an et un an et demi, selon la municipalité.

 

Si cette polémique a pris une telle ampleur, c'est notamment en raison du manque de communication, qui a irrité au plus haut point riverains et associations. Raja Noujaim, représentant de l’Association pour la protection du patrimoine libanais (APPL), a ainsi demandé un "débat public" impliquant des experts et des militants de la société civile.

 


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