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Nos Lecteurs ont la Parole

Requête adressée au chef du Hezbollah

Par Ronald BARAKAT
Samahet el-sayyed Hassan Nasrallah,
Ma missive est un appel à l’éminent dignitaire religieux que vous êtes pour demander la libération du politologue et historien belge Pierre Piccinin da Prata, qui est un ami, et celle de son compagnon journaliste italien, Domenico Quirico, disparus tous deux dans l’ouest syrien et, d’après les dernières nouvelles, quoique non confirmées, tombés en captivité aux mains de vos hommes qui combattent en Syrie.
Ces deux personnes n’ont jamais porté une arme à feu, mais une arme à encre, mêlée de sang et de larmes puisés aux ruisseaux vermeils et amers d’un peuple martyr qui aspire à sa dignité et à sa liberté.
Mon ami Pierre, à en juger par ses écrits, notamment dans son livre La bataille d’Alep ; chroniques de la révolution syrienne (chez L’Harmattan), n’est pas un fanatique aveugle, mais un intellectuel éclairé, un témoin objectif de la crise syrienne et un humaniste qui ne peut qu’être interpellé par la tragédie humaine, où qu’elle se trouve, dût-elle se trouver dans votre propre camp, à Dieu ne plaise. À ses deux premiers séjours en Syrie, il abondait dans le sens du régime en rendant fidèlement compte de la réalité des manifestations qui n’avaient pas l’ampleur que lui prêtaient les médias occidentaux et arabes, et notamment l’Observatoire syrien des droits de l’homme. Ce n’est qu’à son troisième séjour, en mai 2012, et précisément après les législatives du 7 mai, perçues comme une « mascarade électorale », non seulement par l’auteur et selon ses termes, mais également par l’opinion publique syrienne et internationale (et peut-être aussi la vôtre, intimement) qu’il s’est rendu à la triste évidence. C’est à la faveur de la désillusion qui en a découlé à l’échelle nationale, et après la perte définitive de tout espoir de réforme véritable, que le mouvement populaire s’est étendu pour toucher toutes les régions du pays, et ce d’après le diagnostic de l’historien. C’est ainsi que ce fidèle témoin de l’événement a commencé à rapporter les nouveaux développements sur le terrain, et les abus grandissants à l’encontre de manifestants pacifiques, pour s’attirer l’hostilité du régime qui l’a arrêté à Tall Kalakh, emmené à Homs où il a été malmené, voire torturé, puis transféré à une prison de Damas pour ensuite être relâché avec la sentence de persona non grata dans la Syrie officielle. Mais pas la Syrie rebelle qu’il a visitée à quatre reprises par la suite pour continuer de témoigner des horreurs sur le terrain, notamment à Alep, pour observer les bombardements aveugles des régions résidentielles et les bombardements ciblés des hôpitaux et des boulangeries, pour assister à la torture d’une population prise dans les rets d’une violence sanguinaire, destructrice, inhumaine, pour découvrir, pétrifié, les amas de cadavres déchiquetés, déposés dans le hall de l’hôpital Dar al-Shiffa où il résidait, pour participer aux secours de blessés démembrés, hommes, femmes, vieillards, enfants – pas tous « terroristes » – mêler ses larmes aux leurs, son désespoir à leur espoir d’une Syrie libre et démocratique, associer son cauchemar vécu à leur rêve mortel, pour se rendre définitivement compte de la cruauté humaine et de la vanité d’un monde lâche, complice et hypocrite, qui se targue des droits de l’homme lorsqu’il y va de son bon plaisir ou de son intérêt, un monde qui s’émeut plus des épreuves sportives que des épreuves d’innocents livrés à leur sort tragique. Et pour assister aussi à la bravoure sous toutes ses formes : celle de l’enfant qui assiste son père blessé et vice versa, celle de la mère qui enfante dans l’enfer et se livre au ciel, celle du déserteur qui préfère se faire tuer et gagner son âme plutôt que de tuer l’innocence et se damner, celle de l’infirmier, comme son ami Abdel Rahman, à qui le livre est dédié, qui meurt en secouriste martyr, celle du chirurgien qui opère malgré le risque de voir son bistouri se retourner contre lui, celle du ravitailleur qui rend ses provisions avec son dernier soupir, celle du reporter et du journaliste qui tombent, micro et crayon levés...
S’il vous était donné, samahet el-sayyed, de voir la « surréalité » telle qu’elle est, et non la réalité mensongère telle qu’elle vous est transmise, je suis certain, connaissant votre profondeur spirituelle et votre magnanimité, que vous agiriez autrement, que le Dieu miséricordieux, le Dieu des musulmans et des chrétiens réunis, le Dieu des vrais croyants de tous bords, toutes confessions confondues, le Dieu de la conscience humaine, serait votre seul et unique Guide suprême.
Permettez-moi donc d’interpeller le dignitaire religieux de pure descendance, le turban noir, pour une intervention en faveur de la libération de cet homme et de son compagnon, fussent-ils aux mains de votre parti ou du régime que vous soutenez. Leur seul crime est d’avoir voulu témoigner de la vérité d’un drame au quotidien pour saisir l’histoire, à défaut de la conscience humaine. Au moins eux, ils n’ont pas de sang sur les mains, mais sur les doigts...
Éclaboussés en écrivant.
Samahet el-sayyed Hassan Nasrallah,Ma missive est un appel à l’éminent dignitaire religieux que vous êtes pour demander la libération du politologue et historien belge Pierre Piccinin da Prata, qui est un ami, et celle de son compagnon journaliste italien, Domenico Quirico, disparus tous deux dans l’ouest syrien et, d’après les dernières nouvelles, quoique non confirmées, tombés en...

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Pauvre.... Michel Seurat !

Antoine-Serge KARAMAOUN

13 h 46, le 17 mai 2013

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Commentaires (2)

  • Pauvre.... Michel Seurat !

    Antoine-Serge KARAMAOUN

    13 h 46, le 17 mai 2013

  • Louange à Dieu ! A peine finir ma prière du vendredi, un factotum s’empresse vers moi, portant votre cri de cœur, sachant que mon "inbox" croule sous les courriels de sollicitations de toute sorte. Il y a urgence donc, et comble du bonheur, votre lettre a l’avantage de la clarté, et me touche profondément. Vous plaidez la cause de votre ami, et je vous en félicite. Mais pour mieux instruire son dossier et diligenter quelques hommes de bonne volonté, ce qui est un devoir, permettez-moi d’émettre quelques remarques pour éviter par la suite quelques malentendus. D’abord, "témoigner" en temps de guerre est un métier à haut risque, qui exige de l’expérience professionnelle. Votre ami, a-t-il été une fois dans sa vie, "témoin" d'un mariage, par exemple ? Ensuite, ne dit-on dans le bon parler bruxellois "curieuse neuse", sachant que la curiosité est un vilain défaut. Hein. Que vient-il faire dans cette galère, tout en sachant qu’on va bientôt annexer les territoires qu’on occupe en Syrie ! Bon, souhaitons à votre ami un bon retour parmi les siens, et que vos appels au secours soient entendus. Wal hamdou lilah wa "Barakatou". Wilayat al Fakih sur Méditerranée, El Cid Hassan.

    Charles Fayad

    12 h 33, le 17 mai 2013

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