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Liban - Patrimoine

L’orgue retentira de nouveau sous les voûtes de la basilique de Harissa

Les travaux bâclés réalisés par une société de construction avaient mis en péril la solidité de l’ouvrage. Fermée depuis trois ans pour une rénovation de grande ampleur, menée par le bureau 4b-Architects Saïd Bitar, la basilique de Harissa ouvrira prochainement ses portes.

Une vue générale de la basilique de Harrissa qui domine Jounieh.

Fleuron de l’architecture moderne religieuse du Liban, la basilique de Harissa est un élément patrimonial à double titre : elle a été conçue par l’une des figures majeures de l’architecture au Liban, Pierre el-Khoury, et elle est l’un des plus vivants foyers de la dévotion chrétienne durant le mois de Marie.


Il y a trois ans, ce monument emblématique qui domine la baie de Jounieh a commencé à donner des signes alarmants de dégradation, mettant en péril sa pérennité et la sécurité du public : des murs qui craquelaient, de gros morceaux de béton qui tombaient et l’eau de pluie qui ruisselait de partout. Appelé au secours, le bureau 4b-Architects Saïd Bitar établit un atterrant diagnostic des dommages qui affectent l’édifice. Un constat corroboré par une société d’ingénierie française.

La toile bleue
Qu’est-ce qui a pu altérer un bâtiment aussi imposant et qui, rappelons-le, n’a pas plus de 30 ans d’âge ? L’architecte Joe Bitar est clair : « L’entreprise chargée autrefois de la construction de l’ouvrage s’est plantée dans l’exécution des plans. La qualité du béton était défectueuse et on a remarqué l’absence totale d’armatures d’acier pour soutenir un édifice de 40 à 50 mètres de hauteur avec 40 mètres de portée », explique-t-il. Le vent marin a aussi contribué à l’érosion du béton, fragilisant l’état de la basilique, qui n’a tenu que « grâce à la force de la Sainte Vierge », aime à répéter un curé.


En effet, « on s’est retrouvé avec d’immenses fissures, des portiques qui menaçaient de s’écrouler et toute la structure qui bougeait », révèle Joe Bitar, dont l’équipe a entrepris un vrai travail de fourmi pour reconstruire la basilique « exactement comme l’a voulu Pierre el-Khoury ». Oui, une reconstruction. Car il s’agissait de « refaire le travail de zéro, en remplaçant intégralement le béton existant par un autre à très hautes performances (BHP) », souligne-t-il.
Pour ce faire, un impressionnant échafaudage a été mis en place faisant disparaître entièrement l’intérieur de la basilique sous une toile d’araignée de barres cylindriques. Les hommes suspendus en l’air démontaient morceau par morceau le vieux béton, reposaient élément par élément le nouveau BHP avant de le protéger d’une peinture spéciale. Une longue et minutieuse opération qui a fait l’objet d’un documentaire réalisé par Sara Hatem, lauréate du prix Ciné-court 2012 organisé par la ville de Roanne. Le film, actuellement en montage à Paris, est prévu pour cet été. Il sera intitulé La Toile bleue de la basilique.

Paraboloïdes
Quant à l’ancienne verrière dont la découpe du vitrage était en petits carrés, avec de simples profilés en alliages d’aluminium, elle a été remplacée par de grandes structures en verre suspendues par des câbles. Ces verres, sans cadre et aux proportions de paraboloïdes de dimensions différentes conçus spécialement par la société Glass Line Industries, ont été disposés en écailles de poisson, puis reliés entre eux par des feuilles d’inox qui garantissent l’étanchéité, indique encore l’architecte. Il précise que pour produire cet ensemble, « il a fallu tout dessiner en 3D et tout faire découper à l’informatique, c’est-à-dire avec des systèmes de robots ».
La rénovation de la basilique ne s’est pas limitée à une mise aux normes de sécurité de tous les matériaux. Il convenait de mettre au point un éclairage qui rendrait tout son éclat à la façade extérieure, en obéissant à certains critères très stricts comme la répartition des lumières, les points d’accroche possibles, le coût de l’installation, l’entretien et le résultat à obtenir...


Après plusieurs essais, il a été décidé d’éviter les couleurs vives et les luminances excessives pour « garder au lieu sa pureté ». Mais il a été jugé bon d’accentuer exceptionnellement deux éléments majeurs, la statue de la Vierge et la Croix. En revanche, un portique sur deux sera illuminé « car, en implantant des points lumineux sur l’ensemble, l’intensité de la lumière était si forte que de Jounieh on ne voyait plus rien. L’idéal était donc d’avoir une lumière, puis une ombre et ainsi de suite... On a ensuite trouvé plus intéressant de démarrer avec une lumière blanche et de remonter au fur et à mesure avec un bleu ciel qu’on a choisi sur mesure, et qui rappelle la toge de la Vierge ». D’autre part, pour permettre une maintenance aisée et de faible coût, et surtout éviter d’avoir à grimper sur la paroi courbe de la verrière pour changer ou nettoyer les lampes, les vitres seront balayées d’un éclairage venant « d’en bas et de l’intérieur ».


Et voilà. Le tour est joué. Mais à quel prix... Reste à espérer que les leçons de cette mésaventure soient tirées et bien apprises par ceux qui souhaiteraient entamer quelque construction que ce soit au Liban. Un vœu (très) pieux?

 

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