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Liban

Sélim Abou, un anthropologue de l’universel

Présentation et signature du livre de Sélim Abou s.j., « Le temps de la reconnaissance ». La progression dans l’humain et la convivialité de deux communautés indiennes d’Argentine.

Sélim Abou. Chacune de ses publications est une fête pour l’intelligence.

D’avoir inclus dans le titre de son dernier ouvrage, le douzième, à l’exclusion des ouvrages collectifs dont il a été le maître d’œuvre, le concept éminemment hégélien de reconnaissance est particulièrement parlant. Sélim Abou est d’abord philosophe, nourri, entre autres, de la pensée de Kant et de Hegel, dont il enseigna les conceptions philosophiques, d’abord à l’École supérieure des lettres de Beyrouth, filiale de l’Université Lyon II, puis durant de nombreuses années au département de philosophie de la faculté des lettres et des sciences humaines de l’USJ.
Philosophe et penseur des droits de l’homme (Cultures et droits de l’homme, Paris Hachette, 1992), Sélim Abou en prend la défense tant dans ses écrits que dans ses discours de la Saint-Joseph, durant toute la durée de son mandat de recteur de l’USJ, avec une insistance particulière sur le respect absolu de la dignité de l’être humain et sur la liberté des personnes et des peuples.
Cela fait de lui ce que j’ai appelé moi-même dans un hommage à son œuvre à l’occasion de son soixante-
dixième anniversaire (Les lieux de l’intersubjectivité, Hommage à Sélim Abou, Paris, l’Harmattan, 1998, p.37-44), un anthropologue de l’universel. Son objectif est de détecter dans les particularités du culturel la dimension universelle propre à l’humain, qui véhicule, toujours, quelles qu’en soient les conditions, des valeurs transcendantales.
Aujourd’hui à quoi nous invite Sélim Abou, dans ce très bel album publié par les Presses de l’Université Saint-Joseph en 2013 ? À rien d’autre qu’à participer, avec lui, à rendre hommage aux familles « Mbyas Guaranies » fondatrices des deux localités de Fracran et Peruti, dont certains membres, à leur tour, lui ont exprimé leur gratitude à l’occasion de son quatre-vingtième anniversaire, en des termes particulièrement touchants.
Depuis de nombreuses années, tout séjour de l’auteur en Argentine est, en quelque sorte, un Retour au Parana (Paris, Hachette, 1993) tant il se sent attaché à l’observation de la progression dans l’humain et dans la convivialité opérante du peuple guarani, spécialement dans les deux localités qu’il a voulu observer et étudier. Ici la reconnaissance, dans la pleine acception du terme, doit être comprise, d’abord, comme la confirmation des Guaranis dans leur stature d’êtres humains, processus de subjectivation, concept central en psychanalyse aujourd’hui, et qui assure à la personne la trame de sa dignité ; reconnaissance par les autorités locales de la singularité de leur culture et de sa fécondité ; reconnaissance tant attendue de Sélim Abou, par cette nouvelle publication qui inclut l’ancienne et nous fournit, en complément abondant, pour le plaisir des yeux et de l’esprit, cet album de famille, témoin de la proximité du travail de recherche et de la qualité de l’anthropologie participative. Que l’album s’ouvre sur cette profusion hydraulique des chutes de l’Iguazu, rien d’étonnant puisqu’elle coïncide avec le flux de générosité, surtout humaine, contenue dans le livre.
Le plaisir des yeux s’articule d’abord au plaisir de l’écriture et de la lecture. Puis Sélim Abou, en bon pédagogue, nous introduit dans la cohérence de la construction de son livre. Les 121 pages de la première partie nous retracent, à partir de son travail précédent, l’histoire de l’insertion des Guaranis dans la province de Misiones avec toutes les vicissitudes que comporte d’habitude une telle implantation, surtout à une époque où l’esprit colonisateur, chargé de préjugés négatifs relatifs aux populations autochtones, pesait de tout son poids sur la conception même de l’être humain et des populations traditionnelles démunies. Mais une fois la « nouvelle étape » annoncée, il nous introduit dans une deuxième partie (122-216), consacrée à la nation mbya guaranie au XXIe siècle. C’est dans cette partie que le lecteur découvre l’effet de l’accompagnement de Marisa et de Sélim dans l’ascension de Pozo Azul, Peruti et Fracran vers l’humain et le social organisé déterminant une sorte d’accès à la modernité : il y est question de l’évolution de la scolarisation, de la professionnalisation et de l’emploi, de la nutrition et de la santé comme de la propriété communautaire des terres mbyas, innovation certaine dans le domaine de l’acquisition et de la conservation du patrimoine.
Sélim Abou nous livre dans l’épilogue de son ouvrage (217-223) sa réflexion profonde sur les diverses modalités de la reconnaissance des Mbyas guaranais et nous montre comment ils se sont approprié et la citoyenneté dans sa plénitude, et la conscience de leur identité ou de leur différence en même temps que l’apport de leur culture à l’ensemble de leur environnement argentin.
En participant à la séance de présentation et de signature de ce denier ouvrage de l’auteur, nous vivrons un moment de fête en rendant hommage aux peuples décrits et soutenus dans leur démarche d’humanisation, comme nous honorerons Sélim Abou pour l’ensemble de son œuvre, si diverse, si dense et si riche, et son infatigable sens et goût de la recherche et de l’écriture, et cela à la veille de ses quatre-vingt-cinq ans.

(*)« Le Temps de la reconnaissance », Sélim Abou s.j. , Presses de l’Université Saint-Joseph. Signature aujourd’hui 12 mars, à 18 heures, à l’auditorium François Bassil, Campus de l’innovation et du sport, rue de Damas. Pour la vente en ligne, taper : PUSJ.
D’avoir inclus dans le titre de son dernier ouvrage, le douzième, à l’exclusion des ouvrages collectifs dont il a été le maître d’œuvre, le concept éminemment hégélien de reconnaissance est particulièrement parlant. Sélim Abou est d’abord philosophe, nourri, entre autres, de la pensée de Kant et de Hegel, dont il enseigna les conceptions philosophiques, d’abord à l’École...

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