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Législatives 2013 : les électeurs libanais ont la parole - Législatives 2013 : Les électeurs libanais ont la parole

Le confessionnalisme, source de tous les maux du Liban, selon les Beydoun de Beyrouth

Quatrième volet de notre série* en partenariat avec la Fondation Samir Kassir sur les attentes des électeurs libanais : la famille Beydoun, de Beyrouth.

Hachem Beydoun (67 ans), chirurgien-dentiste, et son épouse, Sana’ Kleilate (57 ans), de Beyrouth.

Avec ses immeubles hauts et plus ou moins anciens, ses rues bien trop étroites pour le flot quotidien de voitures, l’absence quas totale de maisons traditionnelles et d’arbres, le bruit des klaxons, les commerces, le béton, le béton et encore le béton, Zarif est un quartier typique de la capitale libanaise. Situé non loin du quartier huppé de Verdun, Zarif abrite essentiellement des foyers de classe moyenne.


C’est à Zarif qu’habitent Hachem Beydoun (67 ans), chirurgien-dentiste, et son épouse, Sana’ Kleilate (57 ans), responsable du dossier santé au sein de l’ONG Ajialouna. Le couple a trois enfants. Le plus jeune, âgé de 23 ans, suit de hautes études aux États-Unis. La fille aînée de 35 ans est mariée, le second fils de 33 ans habite toujours le domicile familial mais plus pour longtemps, puisqu’il se marie prochainement. Les enfants ont fréquenté les meilleures écoles privées et de grandes universités.


La porte de la famille Beydoun s’ouvre sur un appartement agréable, plutôt bourgeois, à la décoration traditionnelle. Si le couple a acquis cet appartement en 1984, les Beydoun sont des Beyrouthins pure souche qui ont résidé toute leur vie dans la capitale, d’où ils sont tous deux originaires.


L’accueil est chaleureux et le contact franc. Les Beydoun ont des idées bien tranchées. Dans la conversation, on entre de plain-pied dans la politique. Le débat sur la loi électorale ? « Si le projet dit du Rassemblement orthodoxe passe, je crois que tout le Liban sera poussé à l’émigration », affirme Hachem Beydoun. Quel type de projet devrait-on adopter selon lui ? « Une loi fondée sur le système proportionnel et sans quotas confessionnels, dit-il. C’est la seule loi qui pourra souder les différentes communautés. »


Confessionnalisme est un mot qui revient souvent dans la conversation, et les Beydoun le considèrent comme l’origine de tous les maux du Liban.
Aujourd’hui, déplore le chirurgien, le confessionnalisme, qu’il qualifie de « cancer », « imprègne les esprits de plus de 80 % des Libanais ».
« Avant la guerre de 1975, personne ne se souciait de la communauté à laquelle appartient l’autre, souligne, de son côté, Sana’ Beydoun. Aujourd’hui, le confessionnalisme s’infiltre dans tous les détails de la vie. »
Le couple fait assumer, à l’unisson, la responsabilité de cet état de fait à l’ensemble de la classe politique, et notamment aux plus hautes autorités.


Qu’est-ce qui pourrait modifier cette situation ? « Que les hauts responsables aient de meilleures intentions », répond Hachem Beydoun. Plus précise, Sana’ Beydoun ajoute : « Ils devraient aimer le Liban et aucun autre pays. Aujourd’hui, chacun d’entre eux travaille pour le compte d’une partie étrangère. » Le couple soutient avec force l’application du mariage civil au Liban, estimant qu’il contribuerait à calmer les tensions confessionnelles, « mais dans une génération probablement ».

 

 

 


« Le Libanais est habitué à se débrouiller »
Au-delà du confessionnalisme qui représente pour eux le problème central du Liban, Hachem et Sana’ Beydoun font face à des difficultés plus spécifiques. Malgré la vie aisée qu’ils ont vécue jusqu’à présent, leur pouvoir d’achat a baissé ces dernières années, et ils doivent dorénavant faire le compte de chaque dépense. « Nous constatons que la crise économique sévit tout autour de nous, souligne le chirurgien. La situation du pays se détériore depuis 1997, mais elle est particulièrement dramatique depuis deux ans. »


L’évolution de Beyrouth, leur ville, ne les satisfait pas non plus, entre les embouteillages incessants, les problèmes de parking, l’avancée du béton accompagnée de la disparition des maisons anciennes, l’insécurité grandissante avec la multiplication des vols à l’arraché, la concentration des professionnels dans la capitale alors que les régions en sont quasi dépourvues, la hausse des loyers et des prix des appartements... Quant aux espaces verts, mieux vaut ne plus y penser, selon Sana’ Beydoun.


Dès lors, qu’attendent-ils d’un candidat aux législatives libanaises ? Les Beydoun veulent de nouvelles figures, des jeunes ayant à cœur l’intérêt public et une spécialisation leur permettant de trouver des solutions aux problèmes de la population : amélioration des prestations économiques et du niveau de vie général, électricité, santé, retraites... Le couple n’a pas prévu de plan retraite.


Toutefois, à la question de savoir comment les électeurs libanais peuvent contribuer à un quelconque changement, le découragement transparaît immédiatement dans les propos des Beydoun. « Finalement, à quoi cela servirait que de telles personnes soient élues ?
dit Sana’ Beydoun. Certains de nos députés sont jeunes et compétents, mais le Parlement ne se réunit jamais ! »


Le changement, selon Hachem Beydoun, devrait venir du haut de la pyramide. Quant à savoir comment le changement pourrait se réaliser, il n’en a aucune idée.
« Vous savez, quelle que soit la situation, nous avons appris à nous débrouiller, comme tous les Libanais », souligne Sana’ Beydoun, qui reconnaît que les Libanais, les Beyrouthins en particulier, se plaignent beaucoup en privé, mais rechignent à descendre dans la rue pour défendre leurs convictions, préférant s’adapter à tout.
Les Beydoun, eux, n’hésiteraient pas à encourager leurs enfants à émigrer, tout en se disant très attachés au Liban et surtout à la capitale, en dehors de laquelle ils ne sauraient vivre. Les Libanais n’en sont pas à un paradoxe près...

 


* À propos du projet
Quelles sont les attentes des électeurs libanais ? À quelques semaines des législatives, la Fondation Samir Kassir et L’Orient-Le Jour, soutenus par l’ambassade du Canada, passent de l’autre côté du miroir politique pour donner la parole aux citoyens. Ceux-ci sont incarnés par dix familles, un échantillon représentatif des régions, confessions et éventuelles sympathies politiques locales. Dix familles qui ont confié à nos journalistes, le temps d’un café chez elles, leurs problèmes quotidiens, les défis qu’elles doivent surmonter et ce qu’elles attendent de la classe politique pour une vie meilleure au Liban. Les résultats et conclusions de cette série seront compilés, synthétisés, analysés et transmis aux responsables politiques.

 

 

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