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Législatives 2013 : les électeurs libanais ont la parole - Législatives 2013 : les électeurs libanais ont la parole

« La classe politique doit céder la place aux jeunes », affirme Moussa Diba, de Marjeyoun

Troisième volet de notre série* en partenariat avec la Fondation Samir Kassir sur les attentes des électeurs libanais : la famille Diba, à Marjeyoun, au Liban-Sud.

« L’État libanais est à peine présent ici. Nous manquons de tous les services », déplore la famille Diba, de Marjeyoun, au Liban-Sud.

Marjeyoun, le « pré des sources ». À une dizaine de kilomètres seulement de la frontière israélienne, cette ville du Liban-Sud trône dans un majestueux écrin : à l’est, Jabal al-Cheikh et ses sommets enneigés ; à l’ouest, le château de Beaufort qui, du haut de ses 1 000 ans, surplombe la rivière du Litani et la montagne de Jabal Amel ; au nord, les sommets de Rihane, Niha et du reste de la chaîne du Mont-Liban ; au sud, une plaine verdoyante qui s’étend jusqu’au Golan.
Une diversité naturelle et paisible comme un écho de la diversité communautaire de la ville, formée de chrétiens, en majorité, mais aussi de chiites et de druzes.


En ce dimanche matin, Marjeyoun semble paresser sous un chaleureux soleil d’hiver. Dans cette ville de 3 000 habitants, les routes sont vides, les trottoirs désertés et toutes les boutiques fermées, à l’exception du supermarché Diba, dans le centre. Non loin du supermarché, que « tout le monde connaît à Marjeyoun », une maison plus que centenaire, célèbre pour avoir abrité, entre 1929 et 1931, un certain Charles de Gaulle. Aujourd’hui, la maison est occupée par la famille de Imad Diba, ingénieur électricien, « un homme fier au sourire rare », comme le décrit le grand reporter américain Anthony Shadid, originaire de Marjeyoun, dans son dernier livre House of Stone.


En ce dimanche, Imad, 57 ans, est entouré de sa femme, Najwa, de son neveu, Joseph, et de son fils Moussa.
Comme beaucoup de jeunes diplômés libanais, Moussa, 21 ans, est à la recherche d’un emploi à l’étranger. « Dans le Golfe ou en Afrique », précise-t-il.
Imad et Najwa le soutiennent, bien que peu enthousiastes à l’idée de voir leur fils plier bagage. « Ici, il ne reste plus que les vieux, se lamente Najwa. Il n’y a pas de place pour les jeunes à Marjeyoun. Ils ont tous quitté la ville et la plupart d’entre eux ne reviendront probablement plus jamais vivre ici. »


Imad et Najwa ont aussi deux filles. L’une est mariée et vit au Qatar, l’autre travaille dans une banque à Beyrouth et réside à Fanar (Mont-Liban), à 115 kilomètres de sa famille.


« Même aux heures les plus sombres, je n’ai jamais quitté Marjeyoun, affirme Imad Diba. Cet attachement, je l’ai hérité de mes grands-parents et de mes parents, et j’essaie de le transmettre à mes enfants. » « Nous aimons notre terre et nous faisons tout notre possible pour y rester, poursuit-il. Nous travaillons très dur pour offrir la meilleure éducation possible à nos enfants. Mais, en fin de compte, ce sont les pays du Golfe qui en profitent. »


Marjeyoun, qui a subi siège, occupation et guerres israéliennes de 1975 à 2006, abrite aujourd’hui le quartier général du contingent espagnol des Casques bleus de la Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul). « L’État libanais est à peine présent ici, déplore Imad Diba. Nous manquons de tous les services. »


Outre les problèmes récurrents dans toutes les régions libanaises, comme les coupures d’électricité et la cherté de vie, Mareyoun souffre de manques propres à elle. « Nous avons besoin de sécurité, de stabilité, d’emplois », lance Najwa, responsable dans une école privée à Marjeyoun.


Sur l’éducation précisément, Najwa affirme que « la situation est grave ». « Dans l’école où je travaille, environ 80 familles sont dans l’incapacité de couvrir les frais de scolarité de plus en plus élevés (près de cinq millions de livres libanaises par an, soit plus de 3 300 USD/an). Ces familles auraient préféré inscrire leurs enfants dans les écoles publiques et ne payer que 200 000 livres (133 USD), mais le niveau d’éducation dans ces établissements est lamentable. Même les enseignants du public préfèrent inscrire leurs enfants dans les établissements privés », assure la jeune mère.


Autre problème majeur : les infrastructures. « Toutes les infrastructures en place datent du mandat français, explique Imad. À la veille de chaque élection, les candidats multiplient les promesses, mais n’en réalisent aucune. Concernant l’eau, par exemple, un réseau d’approvisionnement a été mis en place, mais il n’est toujours pas relié à notre ville. Tous les jours, nous avons un problème avec les canalisations, qui sont beaucoup trop vieilles. »

 


Mais pour les Diba, le principal défi auquel Marjeyoun est confronté est le manque d’emplois. « Si l’État investissait dans des projets de développement pour encourager la création d’emplois dans la région, notre situation serait bien meilleure, affirme Imad. Lorsque j’étais membre de la municipalité, il y a quelques années, j’avais proposé la mise en place d’un centre d’inspection mécanique dans la région car le centre le plus proche se trouve à Saïda, à 57 kilomètres de Marjeyoun. Ce qui veut dire que les résidents de Chebaa doivent passer deux heures sur les routes pour atteindre le centre d’inspection le plus proche. » « C’est un projet vital qui créerait entre 100 et 150 emplois, et qui bénéficierait non seulement à la ville de Marjeyoun, mais aussi à tout le sud du Liban », poursuit l’ingénieur de 57 ans.


Autre problème : l’accès aux universités. « Trois bus remplis d’étudiants font deux fois par jour le trajet de Marjeyoun à Nabatiyeh ou à Saïda où se trouve l’université la plus proche », assure-t-il.


Avec une fille et un fils à Beyrouth, les Diba, comme de nombreuses familles de la région, ont vu leurs dépenses considérablement augmenter ces dernières années. « Il faut couvrir les factures d’eau, d’électricité et de générateur, en plus des frais de déplacements et d’assurances pour nos enfants », explique Najwa. « C’est difficile, confie-t-elle, surtout que nous allons un jour atteindre l’âge de la retraite et que nous ne serons plus capables de travailler ». « Les vieux, dans ce pays, sont délaissés, poursuit-elle. Ils comptent sur leurs enfants parce qu’ils ne reçoivent aucune aide de l’État. ».


Même s’il trouve un emploi à l’étranger, Moussa espère revenir un jour à Marjeyoun, « pour les parents, pour la terre ». « Je serais certainement resté ici s’il y avait des opportunités de travail, dit-il. Ce ne sont pas les problèmes sécuritaires qui me terrifient, je m’y suis habitué ».


Moussa, qui vient de fêter ses 21 ans et est donc en âge de voter, affirme qu’il compte mettre un bulletin blanc dans l’urne aux prochaines législatives prévues en juin. « La classe politique actuelle doit céder la place aux jeunes pour permettre à ce pays de se développer, affirme le jeune diplômé en publicité et marketing. Les jeunes seront peut-être capables d’améliorer les choses. Il faut en finir avec l’héritage politique. »


« Personne à Marjeyoun n’a envie de voter, ces élections n’intéressent personne, assure pour sa part Imad. Nous vivons dans l’insécurité et la guerre depuis notre naissance dans ce pays. Le peuple en a marre... »

 

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