Khouloud et Nidal Darwiche, le premier couple à avoir contracté un mariage civil au Liban. Photo Joseph Eid/AFP
"Par notre consentement et sans aucune contrainte, égaux devant la loi, et conformément au préambule de la Constitution et l'attachement de celle-ci à la Déclaration universelle des droits de l’homme, notamment son article 16, nous déclarons que l’homme a accepté la femme comme épouse et que la femme a accepté l’homme comme époux...".
Le 19 novembre 2012, Khouloud Succariyeh et Nidal Darwiche, un jeune couple chiite et sunnite, ont scellé leur union civile au Liban. Cette union a été "signée par un notaire, conformément au préambule de la Constitution et au décret 60 L.R. de 1936".
Ce décret, qui remonte au mandat français, reconnaît et accorde des droits civils aux personnes qui ne sont affiliées à aucune communauté religieuse au Liban. Ayant rayé la mention de leur communauté religieuse du registre d'état civil, les jeunes mariés ont pu profiter de ce décret pour sceller leur union.
Une première au Liban, l'union de Khouloud et Nidal a créé une onde de choc. Des encouragements des uns aux réticences des autres, le mariage de ce jeune couple n'est pas passé inaperçu. Mais c'est surtout dans les plus hautes sphères du pouvoir que l'affaire a pris de l'ampleur.
Premier à se déclarer favorable à l'instauration du mariage civil, le président de la République Michel Sleiman a demandé au ministre de l’Intérieur Marwan Charbel de s’assurer de la légalité du contrat de mariage de Khouloud Sukkariyeh et Nidal Darwiche. M. Charbel, dont le ministère a refusé de reconnaître cette union, a pour sa part transmis ce cas inédit au Liban à l’autorité consultative du ministère de la Justice. "Tant qu’il n’existe pas de loi pour gérer ce genre de mariage, tout dossier similaire (à celui de Khouloud et Nidal) sera également rejeté", avait-il alors déclaré.
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Puis la lumière fut ! Lundi, la haute instance consultative a avalisé le mariage contracté par Khouloud et Nidal.
"Ma joie est immense!", déclare Khouloud, 30 ans, dans un entretien téléphonique avec Lorientlejour.com. "Le ministre de l'Intérieur assurait que notre mariage devrait être légal, et voilà, il l'est!". Et la jeune femme de souligner : "Nous savions dès le début que notre union était légale, mais aujourd'hui elle est officiellement reconnue comme telle".
Pour elle, si le fait de rayer la mention de la communauté religieuse du registre d'état civil facilite désormais la procédure de la légalisation d'une union civile, il ne faut pas hésiter à le faire.
"Personnellement, je ne crois pas que tout le monde ferait cela. Mais j'en appelle à tous ceux qui croient au Liban en tant que patrie, à faire comme nous. Les confessions ne nous ont jamais rien amené et ne nous ont jamais donné nos droits", assure la jeune mariée, directrice du département de langue anglaise dans un institut à Beyrouth.
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Si Nidal est aussi content que Khouloud, il ne partage pas son optimisme.
"Bien sûr que je suis content. C'est mon droit et je l'ai eu, affirme le jeune homme de 29 ans dans un entretien téléphonique avec Lorientlejour.com. Nous avons opté pour une stratégie intelligente et bien étudiée et nous savions dès le départ que notre union était légale et que c'est de notre droit qu'elle soit reconnue".
Ce responsable de l'accueil dans un club sportif est néanmoins sceptique.
"Le ministre de l'Intérieur pourrait être soumis à des pressions" qui ne relèvent pas du volet juridique de l'affaire, craint Nidal, en allusion aux pressions politiques et religieuses dans un Liban comprenant 18 communautés, et où les mariages, divorces et questions d'héritage sont du ressort des tribunaux religieux propres à chaque communauté.
Le mufti de la République, Mohammed Rachid Kabbani, avait d'ailleurs donné le ton en affirmant que "tout responsable musulman qui approuverait la légalisation du mariage civil au Liban serait considéré comme apostat et traître à la religion musulmane".
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La balle est donc dans le camp de Marwan Charbel. Ce dernier a assuré au quotidien libanais an-Nahar ne pas avoir encore reçu l'avis de la haute instance consultative du ministère de la Justice. M. Charbel a néanmoins ajouté que cet avis "n'est pas contraignant". "Je ne signerai aucune décision qui pourrait faire l'objet d'un recours en annulation", a encore déclaré le ministre qui se dit toutefois être personnellement favorable au mariage civil.
Sollicité par Lorientlejour.com, le ministre n'était pas joignable.
"Je suis un homme non confessionnel. Je ne crois en aucune confession et en aucun politicien. Je ne crois qu'à ma liberté personnelle, martèle Nidal Darwiche. Nous attendrons la décision finale du ministre Charbel, en fonction de quoi nous prendrons les mesures adéquates".
Pour mémoire
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Le 19 novembre 2012, Khouloud Succariyeh et Nidal Darwiche, un jeune couple chiite et sunnite, ont scellé leur union civile au Liban. Cette union a été "signée par un notaire, conformément au préambule de la Constitution et au décret 60 L.R. de 1936".
Ce décret, qui remonte au mandat français, reconnaît et accorde des droits civils aux personnes qui ne sont affiliées à aucune communauté religieuse au Liban. Ayant rayé la mention de leur communauté religieuse du registre...
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10 h 48, le 12 février 2013