Ezequiel Uricoechea, savant, humaniste et philologue colombien, est décédé à Beyrouth en 1880, à l’âge de 46 ans.
Docteur en médecine de l’Université de Yale (États-Unis) en 1852, docteur en philosophie de l’Université de Göttingen (Allemagne) en 1854 où il fut admis sur recommandation du célèbre savant Alexandre Humboldt, il approfondit ses connaissances dans les sciences et les arts auprès de différentes universités européennes. De retour en Colombie en 1857, il fut nommé professeur de chimie et de minéralogie, collabora à plusieurs revues et fonda la Société des naturalistes colombiens.
Venu à Paris en 1868, il devait y résider jusqu’en 1878 avant de s’installer à Bruxelles et d’effectuer de nombreux déplacements dans toute l’Europe pour des raisons scientifiques et pédagogiques. Après avoir publié de nombreux ouvrages originaux sur les langues indigènes (chibcha en 1871, goajira en 1878...), il s’attela à la traduction de la grammaire arabe de Caspari qui devait paraître à Bruxelles et à Paris en 1880.
Très lié avec Rufino José Cuervo (1844-1911), érudit colombien et auteur du Dictionnaire de la construction et du régime de la langue espagnole, et Miguel Antonio Caro (1843-1909), figure éminente de l’histoire culturelle du pays et dont le souvenir est perpétué jusqu’à présent par l’Institut Caro y Cuervo, centre culturel colombien spécialisé dans le patrimoine, Uricoechea a entretenu une longue correspondance avec Cuervo qui a été publiée à Bogotá en 1976 dans le tome X des publications de l’institut. Dans son éloge prononcé en hommage à Rufino Cuervo à l’Académie colombienne d’histoire le 12 octobre 1912, Marco Fidel Suarez a affirmé qu’Uricoechea et Cuervo ont étudié ensemble la langue arabe à Bogotá(1). Bien que pareille affirmation rapproche encore plus les deux amis, il semble que la première référence faite par Uricoechea dans sa correspondance à la langue arabe date du 2 juin 1872 quand il écrit à Cuervo : « Connais-tu le vocabulaire arabe de Pedro Alcala, Granada 1508 ? Connais-tu le dictionnaire latin-arabe-espagnol de Canês – 3 vols. folio du siècle passé? Ils sont très bien pour nous les arabisants(2). »
D’autres correspondances devaient s’échanger au cours des années suivantes au sujet des recherches et des études en langue arabe entre les deux amis. En 1880, Uricoechea décida de venir à Beyrouth et à Damas pour approfondir ses connaissances de la langue arabe et des sociétés orientales. Victime d’une apoplexie, il décéda à Beyrouth à l’âge de 46 ans loin de sa chère Colombie à l’instar de son ami Rufino Cuervo qui devait décéder à Paris en 1911.
Uricoechea fut inhumé au cimetière de Zeitouné de la paroisse latine Saint-Louis des pères capucins à Beyrouth, et l’acte d’inhumation fait état qu’il était « domicilié à Beyrouth et (qu’il est) mort dans la communion de notre mère la Sainte Église ». Bien des années devaient passer avant que ne soit prise la décision de rapatrier les restes de Uricoechea pour être déposés à l’Institut Caro y Cuervo. Après les formalités d’usage menées à Beyrouth par l’ambassadeur de Colombie à l’époque, le Dr Henrique Molano, une émouvante et grandiose cérémonie se déroula le 16 mai 1970 à Bogotá en la chapelle de la Bordadita du Colegio Mayordel Rosario au cours de laquelle Mgr M. G. Romero devait prononcer devant une assistance colombienne éminente un éloge funèbre de haute émotion à la mémoire de Uricoechea(3).
Rappeler le souvenir d’Uricoechea revient à réaffirmer l’importance des apports culturels dans le relèvement et le renforcement des amitiés entre les nations et les peuples. Les paroles de la diplomatie doivent s’accompagner de témoignages éminents dépassant la fonction pour en faire une mission, et le rappel du savant Uricoechea, le Colombien décédé au Liban, interpelle le cœur, la sensibilité et l’intelligence entre ces deux sociétés.
Georgine CHAËR MALLAT
Ancienne ambassadrice de Colombie au Liban
(1) M.F. Suarez : Obras I Bogotá – Instituto Caro y Cuervo – « Clásicos Colombianos III » - 1958 p. 922.
(2) « Epistotae de Uricoechea ». avec Cuervo et Caro – publications de l’Institut Caro y Cuervo – tome X p. 59 Bogotá 1976.
(3) Institut Caro y Cuervo – « Noticias culturales n° 113 » – 1er juin 1970.