La crise syrienne aura bientôt deux ans et rien n’indique que le président Bachar el-Assad est sur le départ, en dépit des rumeurs sur l’imminence de sa chute, diffusées par les médias. Au contraire. Ce qui a filtré des dernières négociations entre l’émissaire onusien Lakhdar Brahimi et les représentants de la Russie et des États-Unis montre qu’elles butent justement sur le sort de Bachar el-Assad. Plus même, selon les informations publiées dans la presse et jamais démenties, Brahimi aurait voulu obtenir d’Assad ou de ceux qui l’appuient un engagement ferme sur le fait qu’il ne présentera pas sa candidature à la présidentielle de 2014. L’information paraît énorme car elle signifie deux choses : non seulement qu’il serait acquis que le président syrien sera encore en place en 2014, alors qu’on ne cesse dans les médias d’annoncer sa défaite, et, d’autre part, qu’il restera suffisamment fort et populaire au printemps 2014 pour inquiéter d’autres candidats probables, alors que les déclarations occidentales le présentent comme ayant perdu la quasi-totalité du soutien de son peuple. Une personnalité libanaise qui suit de près le dossier syrien révèle à cet égard que les Russes et les Américains ont commencé à discuter sérieusement de l’issue de la crise syrienne. Ce qui constitue un élément positif pour la suite des événements, puisque ce n’est plus un secret pour personne que la crise syrienne est devenue un enjeu international et un sujet de tiraillements entre les États-Unis et leurs alliés, d’une part, et les Russes et leurs alliés, d’autre part.
Certes, cela ne signifie nullement qu’un accord est conclu, mais seulement que les négociations commencent à être sérieuses. De plus, les déclarations répétées du ministre russe des AE montrent aussi que le président syrien reste une carte maîtresse. Ce qui porte à croire qu’il n’est pas sur le point de partir, que son armée reste solide ainsi que l’appareil de l’État. Ce qui est en soi une victoire, estime la personnalité libanaise, face à l’énormité des moyens mis à la disposition de ses opposants. Au point que les États-Unis et leurs alliés commenceraient à revoir leurs positions. Ils ont en effet appuyé autant qu’ils le pouvaient l’opposition, dans sa diversité, mais près de deux ans après le déclenchement des troubles, celle-ci n’est pas encore en mesure de marquer une victoire déterminante, de nature à renverser le rapport de force. Plus grave même, l’opposition n’est toujours pas unie. De plus, les groupes efficaces sur le terrain sont essentiellement des islamistes fanatiques et sont en train de faire perdre à l’opposition sa crédibilité et l’appui populaire dont elle bénéficiait au départ. D’ailleurs, dans les régions qu’elle contrôle (notamment au nord du pays, à la frontière avec la Turquie), elle n’a pas réussi à rassurer la population qui fuit en général non seulement les zones de combat, mais aussi les secteurs sous contrôle des islamistes fanatiques. Sauf imprévu, et surtout s’il n’y a pas une intervention militaire étrangère, la situation devrait donc rester telle quelle, avec malheureusement toujours plus de sang versé, jusqu’à ce qu’un accord international soit conclu.
(Reportage : Liban : Désespérés, les Syriens n’écoutent plus que les astres...)
Si cette approche peut paraître cynique pour les Syriens, elle est aussi difficile à avaler pour les Libanais, dont les deux grands camps rivaux ont misé sur les développements en Syrie pour adopter des positions politiques internes. La personnalité qui suit de près le dossier syrien précise à cet égard que désormais, les deux camps songeraient sérieusement à trouver un compromis sur la loi électorale, puisque, selon toute probabilité, le statu quo continuera à régner en Syrie en juin prochain. Ce compromis devrait reposer sur l’équation suivante : la loi future devrait être suffisamment souple pour ne pas garantir la victoire d’un camp sur l’autre. C’est la fameuse notion du « flou positif ».
De même, au fur et à mesure que le régime montre qu’il est là pour rester, le dossier syrien va commencer à devenir secondaire dans la bataille électorale au profit d’un retour à la polémique sur les armes, doublée de l’ouverture du procès des assassins du Premier ministre Rafic Hariri en mars. Mais le plus terrible, estime cette personnalité, est que le dossier des déplacés syriens au Liban n’est pas près d’être clos. Au contraire, il risque de devenir de plus en plus pesant, que l’instabilité se prolonge ou non. En effet, même si un accord est conclu (qui reposera forcément sur un compromis politique), cela ne signifie pas que tous les déplacés syriens vont rentrer chez eux. Certes, il devrait y avoir forcément une sorte d’amnistie générale, mais ceux qui ont trop de sang sur les mains et leurs familles ne pourront pas rentrer en Syrie, tout comme une partie des Palestiniens du camp de Yarmouk. La Turquie, l’Irak et la Jordanie n’en voudront pas non plus et ils n’auront d’autre abri que le Liban, pays accueillant s’il en est. D’ailleurs, dès à présent, la Turquie a fixé un plafond pour le nombre des déplacés syriens chez elle, l’Irak refuse de les accueillir et la Jordanie les cantonne dans une région éloignée à la frontière avec la Syrie où ils sont soumis à une surveillance stricte.
Seul le Liban peine, pour différentes raisons – certaines politiques et confessionnelles, d’autres administratives –, à les contrôler et à mettre des limites à son hospitalité. Ce qui n’est pas du meilleur augure pour l’avenir. Que la crise syrienne se prolonge ou non, qu’une des deux parties au conflit gagne ou non, le Liban aura son lot de déplacés qu’il devra gérer. L’expérience palestinienne n’est pourtant pas encourageante et même si, pour l’instant, la situation interne reste sous contrôle et une déstabilisation généralisée n’est pas envisagée, le Liban demeure sur la sellette...
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commentaires (3)
Aide ou pas Aide, cette histoire va s'éterniser. Il faut y penser sérieusement dès maintenant.
SAKR LEBNAN
06 h 04, le 19 janvier 2013