Rechercher
Rechercher

À La Une - Édition

« Le nectar amer de la vérité nue, sans filtre... »

Un livre provocateur dénonce l’antisémitisme latent et très généralisé des Allemands.

Né à Tel-Aviv en 1957, Tuvia Tenenbom, directeur du Théâtre juif de New York, aime provoquer. Johannes Eisele/AFP

Tuvia Tenenbom, directeur du Théâtre juif de New York, aime provoquer et le prouve avec sa dernière bombe : un livre, publié par l’un des éditeurs les plus en vue d’Allemagne, dans lequel il soutient que le pays est encore secrètement antisémite. La maison Suhrkamp a publié ce mois-ci ce carnet de route intitulé Seul parmi les Allemands (Allein unter Deutschen), un livre défendant l’idée que la plupart des Allemands méprisent profondément les juifs malgré – ou à cause de – 70 ans d’expiation de l’Holocauste. L’ouvrage a suscité l’intérêt fiévreux des médias allemands. Certains, pour parler de l’auteur, évoquent Woody Allen, Michael Moore et surtout Sacha Baron Cohen avec son personnage satirique Borat, pour sa capacité à susciter des réactions étonnamment violentes chez des personnes apparemment civilisées.
M. Tenenbom, né à Tel-Aviv en 1957, a voyagé plusieurs semaines à travers l’Allemagne pendant l’été 2010 et a rencontré célébrités, gérants de magasin, professeurs et étudiants, militants d’extrême-gauche ou néonazis. « Huit sur dix », voilà la proportion d’Allemands qui expriment « de manière latente ou inconsciente » des convictions antisémites, a-t-il expliqué à des journalistes à Berlin. Une étude parrainée par le Parlement et publiée cette année, évoque une proportion de deux sur dix. Pour M. Tenenbom, l’antisémitisme se définit comme le fait de croire que les juifs détiennent un pouvoir disproportionné, qu’ils sont obsédés par l’argent et qu’Israël est seul ou en tout cas principalement responsable du conflit avec les Palestiniens. Et il n’a pas fallu longtemps pour faire « tomber le masque » aux Allemands, affirme-t-il. « Si je vous appelle et dis : Madame, que pensez-vous des juifs ? Vous allez dire : “Oh ils sont sympas, ce sont de bonnes personnes” », dit-il. « Mais si vous parlez à des gens, avec une bière, du vin, un petit peu de schnaps, une autre bière, ou quoi que ce soit d’autre qu’ils apprécient, alors il y a autre chose qui sort : ces horribles juifs qui contrôlent ce pays », ajoute-t-il.
Pour ce fils de survivants de l’Holocauste qui écrit également dans des journaux allemands, italiens et israéliens, l’Allemagne n’est certes pas le seul pays d’Europe à avoir un problème avec les juifs mais, selon lui, son histoire en fait une exception. « Il y a 70 ans, l’Allemagne est le pays qui est allé le plus loin dans l’antisémitisme », affirme-t-il. « En 1945, le pays a été réduit en cendres, n’était plus rien, l’Allemagne s’est reconstruite, jusqu’au sommet. Aujourd’hui, c’est le pays le plus puissant, le plus riche d’Europe », explique M. Tenenbom. « Et mon espoir, c’est que l’Allemagne se reconstruise aussi sur cette question de l’antisémitisme et que de ce pays vienne la lumière pour les nations », ajoute-t-il. Il soutient que le « politiquement correct » n’est non seulement pas parvenu à dissimuler leurs vrais sentiments, mais qu’il leur a en outre permis de s’amplifier. « Il sera bien plus facile de faire la paix entre Israéliens et Palestiniens ou entre Arabes et juifs que d’éradiquer la haine du juif des Allemands », écrit-il.
Dans le pays, le livre a reçu un accueil critique... mitigé. L’hebdomadaire Der Spiegel, qui lui a consacré un long article, y voit « une galerie étrangement divertissante de portraits de bêtes curieuses allemandes » et constate que « Tenenbom veut que son livre soit vu comme un avertissement très sérieux et un acte d’accusation ». Le quotidien de centre gauche Süddeutsche Zeitung reproche aussi à M. Tenenbom d’avoir réalisé des portraits « de tout ce que l’Allemagne peut offrir en termes de bizarre ». Pour le quotidien Abendblatt d’Hambourg, il est « saisissant d’entendre un étranger vous dire ce que vous savez déjà » et les exagérations de M. Tenenbom sont « un moyen d’aller au fond des choses », tandis que pour le journal juif Jüdische Allgemeine, ce carnet de route contient « le nectar amer de la vérité nue, sans filtre ».

©AFP
Tuvia Tenenbom, directeur du Théâtre juif de New York, aime provoquer et le prouve avec sa dernière bombe : un livre, publié par l’un des éditeurs les plus en vue d’Allemagne, dans lequel il soutient que le pays est encore secrètement antisémite. La maison Suhrkamp a publié ce mois-ci ce carnet de route intitulé Seul parmi les Allemands (Allein unter Deutschen), un livre défendant...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut