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Économie

Le déficit du financement à long terme des économies en voie de développement

Par Mahmoud MOHIELDIN

Mahmoud Mohieldin est directeur général de la Banque mondiale.

Depuis la crise financière mondiale, le terme « d’opérations bancaires » est presque devenu un juron. Mais alors que les banques ont sans aucun doute la capacité d’infliger de graves dommages aux économies et aux moyens de subsistance, un système financier bien géré offre des avantages significatifs. Un nombre croissant de preuves, mis en évidence dans le récent Global Financial Development Report de la Banque mondiale, montre que les marchés et les établissements financiers ont une profonde influence sur le développement économique, la lutte contre la pauvreté et la stabilité des économies dans le monde entier, et qu’une évaluation pragmatique du rôle de l’État en matière financière est justifiée.
Au premier abord, la caractéristique la plus insolite de la crise financière est que les économies développées ont été beaucoup plus fortement et plus directement influencées que les économies en voie de développement, dont bon nombre ont tiré les leçons des crises précédentes, ont assaini leurs finances, fait des progrès sur les réformes structurelles et amélioré leur surveillance et leur réglementation. Mais cette distinction oublie l’aspect le plus important : la qualité des problèmes politiques bien plus que le niveau de développement économique. Certains systèmes financiers des économies développées (par exemple en Australie, au Canada et à Singapour) ont révélé une capacité d’adaptation remarquable, tandis que d’autres ont eu des problèmes.
En même temps, l’accent mis sur la réforme financière dans les économies développées, bien que garanti, a contribué à l’autosuffisance des économies en voie de développement. Par exemple, un grand nombre parmi elles font face à leur propre version du problème « trop gros pour faire faillite » que la crise a accentué, mais rares sont celles qui se sont efforcées de le résoudre.
En outre, les mesures prises pendant la crise ont peut-être contribué à atténuer la contagion financière, mais certaines ne prennent pas en charge un solide développement à long terme du secteur. De nombreuses économies en voie de développement ont résisté à la crise au prix d’une intervention massive directe de l’État, alors que leurs secteurs financiers manquent d’ouverture et d’accès.
La crise financière a eu un impact particulièrement important sur l’offre de financement à plus longue échéance. Dans une certaine mesure cela est compréhensible, compte tenu de l’accent mis sur les liquidités à court terme et la circulation de capitaux. Mais la disponibilité brusquement diminuée des placements à plus long terme intensifie la vulnérabilité du secteur financier. Tandis que la part des économies en voie de développement dans l’économie mondiale a augmenté de près de 33 % à 50 % par rapport à la dernière décennie, les économies développées continuent à dominer l’approvisionnement en placements à long terme. La disparité entre l’horizon du temps de placement disponible et celui des investisseurs et des entrepreneurs, en particulier ceux des économies en voie de développement, est une source de vulnérabilité qui agit comme un obstacle à la croissance. Plusieurs facteurs ont affaibli le désir de prolonger le crédit à long terme chez les investisseurs. La crise financière a réduit la tolérance au risque des financiers privés, rendant les expositions à long terme peu attrayantes. Les flux nets de capitaux privés, notamment pour les pays en voie de développement, sont devenus plus volatils.
Les capitaux privés, qui représentent plus de 90 % du capital, dirigés vers les pays en voie de développement, restent la principale source de financement à long terme. Mais la disponibilité du capital à long terme semble avoir été altérée, alors que les pourvoyeurs traditionnels de capitaux propres en projets d’infrastructure par exemple sont moins capables ou moins désireux d’investir. Les financements par les banques ont été limités par le désendettement, surtout de la part des banques européennes. Le nouveau train de réformes mondiales d’opérations bancaires Bâle III peut encore augmenter les coûts de placement pour quelques emprunteurs, tout en réduisant la disponibilité financière, en particulier pour la dette à plus long terme. Les investisseurs institutionnels, comme les fonds de pension et les compagnies d’assurance vie, avec plus de 70 billions de dollars d’actifs, sont une importante source supplémentaire de capital à long terme. Alors que ces investissements dans des actifs productifs à long terme comme l’infrastructure sont essentiels pour générer le revenu exigé par ces investisseurs, moins de 1 % des actifs des fonds de pension sont alloués directement aux projets d’infrastructure.
En attendant, l’épargne nette des économies en voie de développement augmente et les faibles rendements des économies développées fournissent une incitation aux investisseurs pour injecter davantage de ressources dans l’investissement rentable dans ces pays. Récemment, plusieurs banques ont été en mesure d’émettre des obligations à long terme à des taux abordables.
Une autre voie prometteuse est la croissance des marchés obligataires en monnaie locale. Ces marchés peuvent devenir une importante source de financement pour les investissements nationaux à long terme, notamment en infrastructure, en réduisant le risque de change pour les emprunteurs et les investisseurs. Mais un développement solide et durable de ces marchés est impossible sans réformes institutionnelles et réglementaires assurant un environnement attrayant, ainsi que de renforcement des capacités des secteurs public et privé afin de faciliter le développement du marché. La volonté des investisseurs de procurer des capitaux à long terme pour le développement des infrastructures, la création d’emplois et la croissance économique, dépend de leur perception des différents types de risque. Les décideurs peuvent agir sur ces perceptions en améliorant la gouvernance du secteur public par une gestion macroéconomique saine, par la promotion d’un cadre juridique transparent et favorable pour les activités du secteur privé, par le renforcement des capacités de gestion de la dette et par la protection des investisseurs contre l’expropriation.
S’éloigner d’une approche uniformisée de réforme financière implique la mobilisation du temps et des efforts nécessaires pour comprendre l’économie politique, ainsi que de mettre en place des partenariats avec des représentants du gouvernement, de la société civile et du secteur privé. De telles solutions sur mesure sont essentielles pour renforcer la performance économique dans les pays développés tout comme dans les pays en voie de développement.

Traduit de l’anglais par Stéphan Garnier.
© Project Syndicate, 2012
Depuis la crise financière mondiale, le terme « d’opérations bancaires » est presque devenu un juron. Mais alors que les banques ont sans aucun doute la capacité d’infliger de graves dommages aux économies et aux moyens de subsistance, un système financier bien géré offre des avantages significatifs. Un nombre croissant de preuves, mis en évidence dans le récent Global Financial...

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