Les chrétiens du petit quartier de Mehrabad finissent une année tourmentée sur les genoux. Harcelés par leurs voisins musulmans, ils sont de surcroît contraints de faire profil bas à Noël. C’est en effet dans ce quartier en périphérie d’Islamabad que vivait Rimsha, une jeune chrétienne, jusqu’à ce qu’elle soit accusée d’avoir brûlé des « pages du Coran ». Ce crime est passible de la prison à vie selon la loi sur le blasphème en vigueur Pakistan, pays musulman sunnite conservateur où les minorités – chrétiens, chiites, hindous, ahmadis – se disent régulièrement discriminées.
Une foule furieuse avait pris d’assaut la modeste demeure de la famille de Rimsha.
Et des chrétiens avaient fui le quartier craignant un « autre Gojra », ville du centre du pays où de jeunes musulmans radicaux avaient brûlé vifs sept chrétiens et incendié des maisons en 2009 après la propagation d’une simple rumeur de blasphème. La police pakistanaise a finalement accusé un imam du voisinage d’avoir fabriqué « l’affaire Rimsha » dans le but de chasser les chrétiens de Mehrabad.
La justice a ensuite abandonné les charges contre la jeune fille qui fêtera Noël avec sa famille dans une résidence surveillée. Dans les faubourgs de Mehrabad, la maison de Rimsha est aujourd’hui cadenassée.
Et la centaine de familles chrétiennes toujours sur place n’a décidément pas le cœur à la fête à l’approche de Noël.
« L’autre jour nous parlions de la façon dont nous allions décorer notre arbre de Noël lorsque des musulmans nous ont apostrophés et se sont moqués de nous en disant : “vous en parlez, mais vous n’oserez jamais sortir votre arbre” », soupire Amjad Shehzad, un peintre en bâtiment.
Les chrétiens représentent environ 2 % de la population au Pakistan, pays né de la partition des Indes britanniques en 1947.
Or nombre de chrétiens pakistanais sont des descendants des basses castes indiennes aujourd’hui réduits aux petits boulots.
« Nous avons peur, nous sommes effrayés, nous ne pouvons pas nous réunir ici, parler fort, célébrer publiquement, car nous sommes menacés », affirme Ashraf Masih, balayeur et père de neuf enfants, dans sa masure de deux pièces non chauffée alors que le froid glace les os ces jours-ci dans la capitale. « Si l’on se réunit pour célébrer, les propriétaires de nos maisons, des musulmans, vont débarquer pour nous demander ce que nous faisons », soutient-il.
Dans les ruelles de Mehrabad, l’accusateur de Rimsha, Hammad Malik, un voisin musulman, déambule librement, assurant que la jeune fille et sa famille peuvent reprendre leur vie ici sans craindre pour leur sécurité.
« Si quelqu’un lève la main sur eux, je vais les protéger », confie-t-il, affirmant ne pas regretter ses accusations qui ont changé à jamais la vie de la jeune chrétienne et de sa famille.
« J’ai fait mon devoir pour sauver des pages du Coran, je n’ai honte de rien », assure-t-il.
(Source : AFP)
Pour mémoire:
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commentaires (6)
ON SE SERAIT CRU DANS CERTAIN QUARTIERS AU LIBAN !
ANTOINE-SERGE KARAMAOUN
12 h 56, le 23 décembre 2012