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À La Une - Rencontre

Leila Seurat, « le cheval, une leçon de vie »

C’est une jeune fille décidée, tenace et combative, à la fois disciplinée et rebelle, qui a représenté le Liban au concours équestre Gucci Paris Masters du 30 novembre au 2 décembre, dans le cadre du prestigieux Salon du cheval. Auprès des soixante meilleurs cavaliers du monde et devant 50 000 spectateurs, Leila Seurat a été classée 6e dans l’épreuve contre la montre CSI.

Durant la remise des prix au Gucci Paris Masters.


Elle mène de front son doctorat à Sciences-Po Paris et une carrière équestre aux couleurs du Liban, qu’elle souhaite hisser au top niveau. À 28 ans, Leila Seurat gère cette « double vie » avec toute l’énergie qu’il faut, une passion contrôlée et une concentration tant dans les mots que dans les gestes. Sa mère Marie, qui a guidé ses premiers pas dans la vie et dans cette discipline, la décrit en ces termes très justes : « Le parcours de ma fille est certes intéressant, d’autant plus que concourir à ce niveau-là et rédiger un doctorat sont antinomiques. Le premier, praticable en extérieur, nécessite d’avoir le torse droit, les épaules ouvertes et un regard mobile et tonique. L’autre impose des rideaux tirés, une tête penchée en avant et les yeux fixés sur un clavier d’ordinateur. »
Leila Seurat est née au Liban, à l’hôpital Rizk, « par un jour d’intenses bombardements ». « Une heure ou deux après ma naissance, confie-t-elle, j’ai dû être évacuée avec “mes collègues” nouveau-nés dans les sous-sols. Je crois que c’est ce premier épisode à Beyrouth qui m’a rendue tenace et combative. » Le deuxième épisode, guère moins facile, fut la mort de son père Michel Seurat, sociologue et chercheur au CNRS, qui fut enlevé au Liban le 22 mai 1985. L’annonce de sa mort eut lieu le 5 mars 1986. Elle a moins de deux ans. « Ma mère avait décidé, manu militari, de quitter le pays, poursuit-elle. Les conditions de notre installation à Paris étaient pour le moins chaotiques. » Elle se fera sur une période de 12 mois, entre Beyrouth, Paris, Damas, des hésitations et de nombreux changements de villes et d’adresses. « Puis enfin, lorsque la décision d’élire domicile à Paris s’est imposée, on a pu souffler. C’est avec le recul que je suis capable aujourd’hui de comprendre ce qui a fait que j’ai “accroché” avec l’équitation. »

Une passion contrôlée
« La première fois que ma mère m’a fait “monter”, c’était dans l’écurie de Émile Haddad à Mkallès, située sur le viaduc romain de “Anater Zbeidé”, se souvient Leila. L’endroit était paradisiaque et la ponette s’appelait Esméralda. Elle était laide, hirsute, avec des yeux porcins, et en plus elle mordait! Quelques secondes plus tard, coup de cul, je me suis retrouvée par terre ! Ma mère, sans panique, s’est avancée calmement pour me ramasser et me prendre dans ses bras. »
La suite se fera sans grands dégâts. Leila et ses différentes montures apprennent à s’apprivoiser et la jeune fille à développer une passion et une technique pour le sport équestre. « Au fur et à mesure, l’équitation me structurait. » Après le bac, la jeune fille est prise à hypokhâgne. « Slalomer entre les concours hippiques et l’hypokhâgne n’était pas évident du tout. Je réussissais à cloisonner hermétiquement mes deux vies. Mais ma réussite n’a pas été totale car je n’ai pas été prise en khâgne. Il fallait s’y attendre. » Elle choisit alors de préparer une licence d’histoire à la Sorbonne, « ça me semblait plus facile et ne nécessitait pas un grand investissement intellectuel de ma part ». Sa double vie se déroule mieux, entre l’équitation, activité devenue presque à plein-temps, et une maîtrise d’histoire sur Raymond Aron et le conflit au Proche-Orient. « J’ai représenté le Liban dans des concours internationaux juniors, coachée par Francis Rebel, qui connaît bien le Liban. À l’époque des épreuves jeunes cavaliers, je travaillais avec Bertrand de Bellabre. Puis il a fallu que je quitte la France pour Damas et l’IFPO pour parfaire mon arabe, condition essentielle pour entreprendre un master à Sciences-Po Paris. À Damas, j’ai continué bien sûr de monter. »
Retour à Paris un an plus tard et rédaction d’un second mémoire, toujours sur la Palestine, en même temps que la jeune femme participe à de nombreux concours hippiques et une sélection aux championnats de France des cavalières en 2008, auxquels elle n’a pu participer pour cause de... cheval boiteux. « C’est ça les chevaux, souligne-t-elle, légèrement frustrée, et pour cause. Les cavaliers qui n’ont pas un piquet de 3 ou 4 chevaux, avant les grandes échéances, nous passons notre temps à allumer des cierges et prier ! »
Et d’ajouter : « Je n’ai toujours pas un piquet de trois chevaux, mais j’ai un sponsor qui me permet de participer à tous les beaux concours. Je crois que la BankMed est la seule institution locale qui sponsorise l’équitation. Hélas, ce sport stagne au Liban, faute de moyens. J’ai deux très bons chevaux, Ningesser D’Ogier Medbank et Rosko Ar Park Bankmed, mais ni l’un ni l’autre n’est un cheval de vitesse. On dira d’eux des Rolls et pas des Maserati ! L’acquisition d’un cheval est comme la rencontre amoureuse. Il y a une magie qui s’opère, puis on s’en remet à Dieu. »
Après une expérience malheureuse qu’elle préfère oublier avec l’entraîneur Manuel Malta da Costa, Leila Seurat a rejoint les écuries du Grand Veneur où elle est coachée par Adeline Wirth, grande figure de l’équitation en France. Les hivers, lorsque cette dernière s’en va à Palm Beach, c’est Édourad Couperie qui prend le relais. « Je suis donc en de bonnes mains. Et depuis, mes progrès ont été constants. Cette saison, rares étaient les épreuves où je n’ai pas décroché des prix. »

Un concours très médiatisé
Sa grande échéance cette saison aura été le « Gucci Masters ». Incontournable événement équestre international qui s’est déroulé dans le cadre du Salon du cheval, sponsorisé par la maison Gucci, il a permis aux 50 000 spectateurs d’observer des cavaliers hors pair, dont le n° 1 mondial Rolf-Goran Bengtsson ou encore Edwina Tops-Alexander, meilleure cavalière internationale. « Les places ont été difficiles à obtenir, et je suis très heureuse de constater que le Liban y a été sélectionné et a figuré parmi toutes ces grandes nations équestres. » Dans la page people, l’épreuve Style & Compétition for AMADE, orchestrée par Charlotte Casiraghi qui associe, pour une juste cause, les cavaliers de haut niveau à des amateurs, a permis de collecter des fonds remis à l’Association mondiale des amis de l’enfance, fondée en 1963 par Grace de Monaco et présidée par Caroline de Hanovre. La piste du Gucci Paris Masters a également proposé des épreuves CSI 2* et CSI 1*, auxquelles ont participé des concurrents amateurs et d’autres plus célèbres, comme l’ex-championne de tennis Martina Hingis, la princesse Charlotte Casiraghi, ambassadrice de la maison Gucci, l’imitateur Nicolas Canteloup, ou encore les animateurs de télévision Benjamin Castaldi et Julien Courbet...
Fière de sa participation et de sa victoire, même timide – elle a été classée 6e dans l’épreuve du masters grand slam barème A contre la montre CSI –, Leila Seurat poursuit avec bonheur cette double vie qui lui va bien. « Pour l’année prochaine, confie-t-elle, les choses vont se compliquer légèrement. » Il lui faudra une certaine logistique pour, d’une part, préparer sa soutenance de thèse – elle rédige une thèse de doctorat à Sciences-Po Paris sous la direction de Bertrand Badie sur la politique étrangère du Hamas –, et, en parallèle, participer aux Jeux de la Méditerranée qui auront lieu à Mersin, en juillet 2013, en individuel ou par équipe. Avec, sans doute, la possibilité de mettre son doctorat entre parenthèses pendant quelques mois, le temps de se préparer à cette échéance.
Elle mène de front son doctorat à Sciences-Po Paris et une carrière équestre aux couleurs du Liban, qu’elle souhaite hisser au top niveau. À 28 ans, Leila Seurat gère cette « double vie » avec toute l’énergie qu’il faut, une passion contrôlée et une concentration tant dans les mots que dans les gestes. Sa mère Marie, qui a guidé ses premiers pas dans la vie et dans cette...

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