Pourquoi avons-nous l’impression qu’à travers tous les écrits et les enseignements acquis, c’est «l’histoire conflictuelle» qui est privilégiée et mise en valeur? Nous devons plutôt mettre l’accent surtout sur les occasions où l’islam et la chrétienté se sont rencontrés amicalement. Il ne s’agira pas de tout comprendre et de tout pardonner, mais d’essayer de rechercher et ensuite admettre les motivations et les réactions de refus et de peur ainsi que les aspirations des deux parties aux tournants et aux carrefours de leur grande histoire, et d’en faire jaillir une annonce de rapprochement.
Pendant les derniers 1200 ans, l’histoire des deux principales religions du monde, toutes les deux «gens du livre», a été caractérisée par des conflits sanglants. Ces conflits étaient en grande partie suscités par l’expansion territoriale. Les luttes entre les deux croyances n’ont dégénéré que plus tard en guerres de religion.
Cependant, l’idée erronée d’une mission religieuse d’anéantir l’autre a été un des thèmes moteurs dans leurs relations conflictuelles. Cela a été exacerbé au mieux par une indifférence mutuelle, et au pire par une ignorance volontaire de la culture, des valeurs religieuses et de l’idéologie politique de l’autre; chacune des deux parties, pourtant, a vécu en harmonie avec l’autre à différentes époques et à différents endroits de la planète.
L’histoire de l’évolution des technologies militaires et des progrès de la navigation, de la science géographique, des sciences pures ne put être écrite sans le partage du savoir avec l’autre. La Renaissance n’aurait pu advenir sans la connaissance arabe dans les domaines des mathématiques, de la médecine, de la musique, de la chimie, de l’astronomie, de la littérature, de la philosophie. Si l’Occident a beaucoup puisé dans ce thésaurus, la question essentielle restera la suivante: combien l’Occident a-t-il payé en retour?
Pendant ces dernières années, beaucoup d’esprits libres occidentaux se sont excusés auprès du monde musulman pour les atrocités commises au cours des siècles, telles que le massacre de Jérusalem aux temps des croisades et les séquelles de la mutinerie hindoue.
Combien d’Européens savent-ils que les croisades étaient largement constituées de bandes de voyous poussés par l’appât du pillage et la promesse d’une indulgence plénière qui viendrait racheter leurs péchés passés et à venir?
D’autre part, le silence du monde musulman sur des actes répréhensibles envers les chrétiens est assourdissant. Peu d’entre eux sont au courant des actes des barbaresques qui écumaient les mers, les côtes de la Méditerranée et de l’Atlantique, saccageant les villes et tuant ou enlevant les femmes et les enfants, ou des guerres destructrices menées contre les autres par les Mamelouks.
En parallèle à la croyance établie que l’Occident est toujours à la recherche de conquêtes territoriales, il faut avouer que, d’un autre côté, le vaste territoire conquis par l’islam ne le fut pas accidentellement. Si les deux parties ont recherché l’expansion et l’agrandissement de leurs territoires, les conquêtes musulmanes durant le siècle qui a suivi la mort du Prophète furent purement spectaculaires.
L’islam considère toujours que les objectifs politiques de l’Occident sont une continuation des croisades. La qualification des États-Unis d’Amérique de grand Satan est la preuve que les problèmes politiques du monde sont toujours considérés de chaque côté du fossé islamo-chrétien en termes de conflits religieux.
Chou En-lai, interrogé sur les conséquences de la Révolution française, répondit qu’il était encore trop tôt pour les évaluer. L’histoire jette une ombre très étendue sur le comportement des peuples, et les événements qui ont eu lieu il y a mille ans continuent à façonner et à régenter nos problèmes actuels. Cependant, les perspectives fascinantes de certains paradigmes de l’histoire commune de ces cultures laissent présager d’un avenir teinté d’optimisme.
Hareth BOUSTANY