Nadine Labaki et Talal el-Jurdi dans une bataille de polochons. Photo Hussein Beydoun
Si les hommes viennent de Mars et les femmes de Vénus, pour Neil LaBute, qui le proclame haut et fort dans Reasons to be pretty, le genre masculin est souvent immature et infidèle alors que la gent féminine pêche par sa vanité et sa superficialité. L’auteur et dramaturge Neil LaBute sait décortiquer les rapports humains et passer au scalpel leurs relations.
Dans Reasons to be pretty, adaptée en langue arabe par Jacques Maroun (diplômé de The Actors Studio Drama School de New York), Adel et Stéph, Toufic et Carla sont deux couples qui gigotent au gré du vent de la vie. Durant plus d’une heure, le spectateur assistera à la déconfiture de leurs ménages. L’action démarre par une violente scène de dispute entre Stéph (Nadine Labaki) et Adel (Talal el-Jurdi). Celui-ci ne comprend pas exactement son comportement exacerbé ni la véritable raison de sa colère. Le spectateur non plus. Ce n’est qu’après quelques bonnes minutes de cris et de vociférations qu’on arrive à percevoir que le sujet de la dispute portait sur une remarque mal placée de Adel. Le pauvre bougre a osé trouver une autre femme plus belle que sa compagne et la voilà partie en hurlements puis... pour de bon, la valise à la main.
Cris et châtiments
Le ton est donné et Jacques Maroun a donc visé juste. Cette pièce, mettant l’accent sur l’importance que la société beyrouthine accorde aux apparences et aux atouts physiques, ne pouvait que s’adapter au contexte sociologique libanais. Il y avait là une bonne matière à exploiter et c’est également là que le bât blesse. Avec quatre bons comédiens de la trempe de Talal el-Jurdi (qui à lui seul porte la pièce sur les épaules), de Nadine Labaki (qui fait ses premiers pas sur les planches défendant bien son rôle), d’Élie Mitri ou de Nada Abou Farhat, Jacques Maroun aurait dû peut-être s’y prendre autrement. Au lieu de cela, il a présenté au public une série de saynètes semblables à des sketchs décousus, à l’aboutissement non ficelé. Comme si chaque plan était indépendant de l’autre. Avec, en plus, une intrigue qui semblait évidente, contrairement aux comédies de boulevard riches en rebondissements et surprises.
Peu d’«act» et trop de textes pour une action qui se noie dans des palabres et devient, par conséquent, une inaction. Certes, on rit un peu. Beaucoup même parfois. D’autres fois on rit jaune, car ces querelles de couples nous touchent et les répliques font mouche. Mais à vouloir changer trop de plans (amovibles à souhait), un peu comme au cinéma, le metteur en scène a dilué le jeu et la pièce n’atteint pas réellement son objectif.
Pièce de boulevard ou pièce dramatique? Les deux genres se mélangent sans pourtant former un amalgame homogène. Reasons to be pretty est quand même un spectacle plaisant, mais sans aspérités.
Pour mémoire