Une distribution de très haut niveau...
Ce drame lyrique raconte l’histoire de la folle jalousie de la magicienne Médée délaissée par son époux, le héros Jason, au profit de la princesse Créuse, fille du roi Créon. La douleur de Médée l’entraînera jusqu’au pire des crimes, tuer les deux enfants qu’elle a avec Jason afin d’infliger à l’infidèle la souffrance suprême d’une perte insurmontable.
«Opéra baroque’and roll» titre le quotidien Le Figaro. Et, en effet, le parti pris de Pierre Audi est de traiter cette Médée de la façon la plus contemporaine qui soit, en nous invitant d’emblée à entrer dans l’univers bariolé et psychédélique du plasticien allemand. Cette transposition ne dénature en rien la beauté du propos baroque mais, bien au contraire, le met en valeur et en renforce la teneur dramatique par le biais des effets scéniques. La direction d’acteurs rehaussée par des éclairages de toute beauté et associée aux panneaux hirsutes et bigarrés de Meese donne, à ce qui aurait pu être une multitude de petites scènes déconstruites, une cohérence et une rigueur à la hauteur de l’admirable tragédie classique qui se joue sous nos yeux.
Pour cette inexorable descente aux enfers, la distribution est de très haut niveau. Emmanuelle Haim, rare femme chef d’orchestre, emmène avec fermeté et douceur les instrumentistes et les choristes du Concert d’Astrée à travers le raffinement harmonique extrême du langage musical de Charpentier, tout en restant au plus près du texte.
La mezzo-soprano canadienne Michèle Losier est une Médée à la voix riche et contrastée et à la présence scénique envoûtante; le ténor suédois Anders Dahlin habite Jason dans la plus grande tradition des baroqueux français; la soprano belge Sophie Karthäuser trouve dans Créuse un rôle à la mesure de son talent, arrachant les larmes dans la scène finale de sa mort. Quant aux barytons français Stephane Degout en Oronte et Laurent Naouri en Créon, ils sont la crème de la scène lyrique actuelle.
L’immense talent de Pierre Audi fait encore une fois ses preuves en livrant une lecture contemporaine d’une tragédie universelle et en démontrant que la créativité libanaise, une fois qu’elle est intériorisée et maîtrisée, se déploie sans frontières.