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À La Une - Syrie

Ankara-Moscou : la crise

L'avion syrien intercepté transportait des munitions, assure Erdogan.

Azmarin, en Syrie, à la frontière avec la Turquie, cible de bombardements. REUTERS/Osman Orsal

Malgré les protestations et les dénégations de Moscou, le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan a justifié hier l’interception et l’escale forcée à Ankara imposée la veille à un avion de ligne syrien Moscou-Damas en affirmant qu’il transportait bien de l’armement russe à destination de la Syrie. Profitant d’un discours à Ankara, M. Erdogan a déclaré que la cargaison de l’Airbus comportait « de l’équipement et des munitions à destination du ministère syrien de la Défense », en provenance d’un fabricant russe de matériel militaire. Jusque-là, les autorités turques s’étaient contentées de justifier l’interception de l’avion de la Syrian Air en évoquant une « cargaison illégale » ou « douteuse ». Le chef du gouvernement turc n’est pas allé jusqu’à citer nommément le fournisseur incriminé, mais il a expliqué qu’il était l’équivalent russe de l’industriel turc qui équipe pour une large part l’armée turque. M. Erdogan n’a pas non plus précisé l’origine du renseignement qui avait décidé les autorités turques à contraindre l’Airbus A-320 syrien à se poser sur l’aéroport d’Ankara avec ses passagers, dont 17 ressortissants russes.


Le matériel confisqué par la Turquie à l’occasion de cette escale forcée faisait toujours l’objet d’un examen méticuleux hier par les autorités turques compétentes, a également indiqué M. Erdogan. Selon des médias turcs, il pourrait s’agir de pièces de missile ou de matériels de communication destinés au régime de Bachar el-Assad. Une source anonyme des services d’exportation d’armes russes, citée par l’agence Interfax, a toutefois assuré qu’il n’y avait « ni armes ni composants pour des armements » à bord de l’avion syrien.

Hostile
Cet incident a fortement contrarié Moscou, qui a exigé tout au long de la journée d’hier des explications de la Turquie en accusant Ankara d’avoir « mis en danger les passagers ». Les autorités turques ont en outre « refusé de laisser les diplomates (russes) se rendre auprès de nos concitoyens, qui sont restés confinés huit heures dans l’aéroport » et, ce faisant, « violé la convention consulaire bilatérale », a accusé le ministère russe des Affaires étrangères. La Syrie a, de son côté, reproché à la Turquie un comportement « hostile » et réclamé la « restitution intégrale » des marchandises confisquées dans l’avion. L’interception de cet appareil par des chasseurs turcs est « un signe supplémentaire de la politique menée par le gouvernement Erdogan qui abrite (les rebelles) et bombarde le territoire syrien », selon un communiqué du ministère syrien des Affaires étrangères, qui ajoute que « le Premier ministre turc continue sa série de déclarations mensongères qui visent à justifier le comportement de son gouvernement à l’égard de la Syrie », démentant de nouveau la présence d’armes à bord de l’avion. Ankara a rejeté les accusations « sans fondement » de Damas et de Moscou. Le ministère turc des Affaires étrangères a indiqué que « toutes les mesures avaient été prises dès l’atterrissage de l’avion pour assurer la sécurité et répondre à tous les besoins des passagers ».


Ce nouvel incident a détérioré encore un peu plus les relations entre la Turquie et la Syrie, déjà très difficiles depuis le bombardement le 3 octobre du petit village frontalier turc d’Akçakale et les ripostes désormais systématiques de la Turquie.

Report
Il a également fait monter la tension entre Moscou et Ankara autour de la prochaine visite de Vladimir Poutine en Turquie. Dans un premier temps, le porte-parole du président russe, Dmitri Peskov, a indiqué qu’une telle visite avait été reportée à une date ultérieure, sans préciser la raison ni la date initialement convenue. Plus tard dans la journée, le bureau de presse de M. Erdogan a riposté en annonçant que la visite de M. Poutine, prévue initialement le 15 octobre, avait été repoussée au 3 décembre. Ankara a précisé que les deux hommes s’étaient mis d’accord sur cette date lors d’une conversation téléphonique qu’ils ont eue lundi, soit avant l’interception du vol Moscou-Damas. Le porte-parole du Kremlin a indiqué par la suite qu’une visite de M. Poutine en Turquie était possible le 3 décembre, mais que la date définitive serait décidée par les « canaux diplomatiques ».


Par ailleurs, les avions de la compagnie aérienne nationale turque, Turkish Airlines, contournent depuis quatre jours l’espace aérien syrien pour raisons de sécurité, a affirmé hier son président Hamdi Topçu. En outre, « la Syrie a arrêté ses achats d’électricité à la Turquie il y a une semaine », a déclaré le ministre turc de l’Énergie, Taner Yildiz, ajoutant que son pays était prêt à reprendre ses livraisons si la Syrie le demandait. Selon un responsable de la compagnie d’électricité privée turque Aksa, chargée des exportations vers la Syrie, cette interruption a été provoquée par la « destruction du réseau syrien de distribution ». Ankara, qui fournit environ 20 % de l’énergie consommée par son voisin, avait menacé Damas en janvier dernier de couper ses livraisons d’électricité après la destruction d’un avion de combat turc par la défense antiaérienne syrienne.

Hollande
De son côté, le président français François Hollande a jugé hier qu’il existait un « risque » d’escalade entre la Syrie et la Turquie, dont il a « salué » la « retenue » afin « d’éviter un déchaînement », dans un entretien avec RFI/France24/TV5Monde. « Nous devons tout faire pour que la révolution syrienne ne fasse pas un débordement en Turquie, au Liban, en Jordanie », a-t-il ajouté. M. Hollande a par ailleurs réaffirmé que « plus tôt Bachar el-Assad partira, plus sûre sera la transition en Syrie ». « Plus le conflit dure, plus les risques ensuite sont grands, risques d’abord de guerre civile et risques de chaos après, ou de partition. Je m’y refuse », a dit le président, estimant « qu’il y a des personnalités encore en Syrie qui peuvent être des solutions de transition, mais, a-t-il prévenu, il n’y a pas de compromis avec Bachar el-Assad ».

 

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