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Liban - Randonnée

Polyliban, un rendez-vous annuel avec la « petite reine » et la montagne

Dans la magie des aurores de la Békaa, le « vivre-ensemble » apparaît soudain si simple.

Pause déjeuner près d’un cours d’eau.

« Tant de mains pour transformer ce monde et si peu de regards pour le contempler » (Julien Gracq). Quatre jours pleins pour le contempler, depuis les aurores jusqu’au couchant, en l’arpentant à deux roues. Du Nord au Sud, de montagne en montagne, de village en village, les cyclistes de Polyliban, libanais, français, suisses, syriens, etc., ont roulé une centaine de kilomètres en moyenne par jour, en commençant de Jbeil, montant aux Cèdres, continuant vers la Békaa, remontant jusqu’à Jezzine, le Chouf pour finir à Baabda ; pour le plaisir et pour découvrir ou redécouvrir ce monde qu’est leur propre pays. « Ogni paese e mondo » (chaque village est un monde) comme dit le proverbe italien. Les cyclistes qui ont roulé pendant quatre jours consécutifs et dormi « into the wild », au plus près de la terre et des étoiles, dans une tente de Bédouins dans le jurd de Afqa, dans des tentes de campeurs dans les marécages de A’na ou sur les hauteurs de Jezzine, ont pris le temps de l’intimité avec le pays et avec eux-mêmes. Le dénuement et la nuit favorisent l’intimité. Et celle-ci permet de tisser des liens, plus étroits : avec notre terre, avec les autres... Avec la nature tellement absente de notre quotidien que l’on en avait presque oublié son existence –
somptueuse au demeurant – chez nous ; avec notre nature propre (i.e. de notre esprit), dévoyée par les artefacts du politique et du social que l’on en avait aussi oublié sa richesse et sa générosité.
Polyliban, événement annuel qui a lieu depuis cinq ans maintenant et qui consiste à parcourir les montagnes du Liban à vélo pendant plusieurs jours et à promouvoir un certain esprit de connaissance, d’ouverture et d’échange, s’est enrichi en optant pour le thème « Into the Wild » qui suppose de camper dans la nature. « L’objectif pour les organisateurs est un retour aux sources et à une liberté originelle, en dehors de la civilisation. » Dans un pays dévasté par le béton et par la main de l’homme, mais aussi par le parasitage socio-religieux et l’instabilité sécuritaire, nombreux sont ceux qui ont répondu présent à ce rendez-vous premier avec leur pays. Ils viennent des différents coins du Liban, ils sont cadres, militaires, enseignantes, hommes, femmes, ils ont vingt-cinq et quarante ans ;
il y en a qui boivent du vin, d’autres pas ; ils sont tous simples, généreux, curieux, amoureux de l’air et de l’espace...
Dans le silence des montagnes qui se dévoilent sans constructions, sans bruit, des pinèdes en enfilade, de Tannourine à Aqoura, Afqa, de Qaraoun à Marjeyoun, le Liban apparaît autre, tel quel. Seules des bannières aux couleurs trop connues, sur ces routes du Sud, désertes, viennent rappeler la réalité du quotidien. Dans lequel, néanmoins, les enfants accourent comme tous les enfants du monde, quand ils voient les cyclistes dévaler... La pause déjeuner à la base Miguel de Cervantès de la Finul, à Ibl el-Saqi, vient aussi faire prendre conscience d’une réalité quasi surréelle, celle du Sud : la ligne bleue, Ghajar, etc, prennent soudain la forme de drames à visage humain. Telle population exsangue depuis le retrait israélien du Sud, ayant perdu son gagne-pain du jour au lendemain ; telle autre bannie de part et d’autre pour s’être trouvée dans un village partagé, en contact avec l’ennemi, sans avoir pourtant rien demandé, etc. Drame économique, drame social : si les muscles des cyclistes sont endoloris par l’effort, les esprits s’animent à vouloir mieux comprendre toutes les tribulations de la vie d’un poste d’observation qui de prime abord semblait plutôt sorti du Désert des Tartares de Buzzati.
Derrière le généreux accueil de la base de Ibl el-Saqi, où même un « tinto » (vin rouge) a été servi à déjeuner pour accompagner la paella (la base de Ibl el-Saqi est gérée par le contingent espagnol), un homme en particulier, le colonel Farouk el-Mawla, de l’armée libanaise, qui gère de concert la base avec les Espagnols. C’est l’armée qui sponsorise l’événement, sous le haut patronage de son commandant en chef, le général Jean Kahwagi, et qui fournit le soutien logistique et sécuritaire. « Sans elle, cet événement aurait été particulièrement difficile à mettre en place », souligne Carole Akl, une des organisatrices de Polyliban. Sans elle, il n’est d’ailleurs pas sûr que des cyclistes puissent s’aventurer sur les routes du Sud. Un groupe d’entre eux avait ainsi été arrêté il y a quelques mois, certains ne pouvant pas imaginer que l’on puisse simplement avoir envie de faire de la bicyclette chez soi – est-on chez soi ? Carole Akl rend aussi un grand hommage aux municipalités et aux collectivités locales qui mettent à disposition les lieux et offrent les repas gracieusement, tant elles sont ravies de faire connaître leur région et espèrent que le phénomène fasse boule de neige. Les organisateurs tiennent néanmoins à les rétribuer, ne serait-ce que symboliquement, le but de Polyliban étant aussi de soutenir les communautés locales.
Ceux dont il faudrait surtout saluer l’engagement et la persévérance dans l’affaire sont sans doute les organisateurs de cette initiative. Un groupe de jeunes bénévoles qui se sont mis ensemble, et qui avec zéro budget mais avec leur passion démarchent les parties prenantes à l’événement, vont repérer les routes qu’empruntera Polyliban et, cette année, également les terrains sur lesquels camper –
généreusement mis à disposition par les municipalités ou par des propriétaires terriens. S’ils passent des nuits et des jours à organiser l’événement tous les ans en innovant à chaque édition, c’est qu’ils sont mus par le goût du sport, de la nature et du Liban, mais surtout portés par la satisfaction qu’ils retirent de la joie des participants et de la réalité de l’expérience du « vivre-ensemble », notion si chère à Samir Frangié, qui en a fait le dada de notre possible rédemption dans son Voyage au bout de la violence.
La nature invite à l’abandon de soi : c’est seulement alors que le lien devient possible ou tout simplement le redevient, puisqu’il était déjà là à la base... Ce lien que « chaque individu est appelé à établir entre ses multiples appartenances, qu’il est appelé à créer avec les autres », comme l’écrit Frangié, et qui fonde le vivre-ensemble. Dans la mesure où celui-ci est le fait d’individus et non de communautés et qu’ « il ne peut se faire qu’à travers un processus d’individuation qui ne relève pas du politique », l’expérience de Polyliban, Liban multiple de son nom, en offre un miroir salutaire et lumineux.
« Tant de mains pour transformer ce monde et si peu de regards pour le contempler » (Julien Gracq). Quatre jours pleins pour le contempler, depuis les aurores jusqu’au couchant, en l’arpentant à deux roues. Du Nord au Sud, de montagne en montagne, de village en village, les cyclistes de Polyliban, libanais, français, suisses, syriens, etc., ont roulé une centaine de kilomètres en...
commentaires (1)

Bravo!Bravo! Très belle initiative. Nos jeunes devraient participer à ce genre d'activités pour mieux connaître et aimer notre beau Liban . Marie Masboungi

Jacques Masboungi

03 h 30, le 12 octobre 2012

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Commentaires (1)

  • Bravo!Bravo! Très belle initiative. Nos jeunes devraient participer à ce genre d'activités pour mieux connaître et aimer notre beau Liban . Marie Masboungi

    Jacques Masboungi

    03 h 30, le 12 octobre 2012

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