OLJ : Quels sont les problèmes majeurs de l’Université libanaise ?
Adnane Hussein : Le problème essentiel réside dans l’intervention politique flagrante. On ne nous laisse pas gérer les affaires de l’UL. L’inertie règne et tout n’est que reports.
Conséquence principale de cette intervention, l’absence du Conseil de l’université depuis 2004, qui devrait être constitué des doyens titulaires et de représentants des enseignants. Mais la nomination des doyens titulaires, qui a lieu par décret du Conseil des ministres, se fait attendre. De cette situation découlent des problèmes d’ordres administratif, gestionnaire et financier.
Il est regrettable que le dossier de l’UL soit traité avec tant de légèreté. Il s’agit pourtant de l’université publique qui accueille 74 000 étudiants de tout le pays et qui regroupe des facultés prestigieuses.
Pourquoi n’y a-t-il pas eu de nomination des doyens titulaires ?
Cette université est absente des préoccupations des responsables depuis sa naissance en 1951. Elle n’a jamais obtenu la moindre prérogative autrement que par la pression. L’État n’est pas soucieux de son indépendance.
Pour accélérer la nomination des doyens, le nécessaire a été fait. Conformément au processus normal, chaque faculté a nommé cinq professeurs parmi lesquels le ministre de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur et moi-même en avons sélectionné trois. La balle est actuellement dans le camp du Conseil des ministres, qui doit nommer un doyen par faculté. J’ai effectué des contacts personnels avec les responsables au gouvernement. Mais le temps n’a pas de valeur pour eux, semble-t-il. La nomination des doyens de l’UL par le Conseil des ministres est un véritable problème.
Ma compétence à ce niveau se limite à la nomination des doyens par intérim. L’université a moins de prérogatives puisque plus de 70 % des formalités nécessitent la signature du ministre de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur, Hassan Diab, ministre de tutelle de l’UL. Dans ce va-et-vient incessant, les formalités prennent du retard.
Le retard dans la nomination des doyens est-il lié au partage des parts communautaires ?
Les cinq candidats proposés par chaque faculté sont élus par les professeurs en fonction de leurs compétences. Le doyen n’est pas un directeur général, ni un fonctionnaire, mais il occupe un siège académique pour une durée de quatre ans non renouvelables. Il est donc de notre devoir de rechercher la compétence, tout en tenant compte de l’équilibre confessionnel entre chrétiens et musulmans, comme le veut l’usage. Je souhaiterais aussi renforcer les communautés faiblement représentées.
Ne vous-a-t-on pas accusé d’être le candidat de la communauté chiite ?
Le recteur de l’UL n’est pas un chef de communauté religieuse. Son rôle est d’œuvrer à renforcer les valeurs humaines auprès des citoyens et des étudiants. Je fais partie de ceux qui enseignent les dangers du confessionnalisme religieux. Je suis avant tout un académicien, ouvert d’esprit, en faveur d’un état laïc. Je me dois donc d’appliquer mes principes et mets au défi ceux qui m’accuseront de parti pris pour quiconque. Auparavant, le recteur était de confession chrétienne. Mais rien n’a été réalisé. L’UL n’a jamais été servie. Elle a même perdu de ses prérogatives. J’entends d’ailleurs les récupérer, mais pas au nom de la communauté chiite.
Qu’êtes-vous en mesure d’entreprendre pour changer les choses ?
J’ai déjà averti en juillet dernier que je pourrais lancer un appel à la grève ouverte pour pousser le gouvernement à nommer les doyens. C’est une éventualité que j’envisage sérieusement. Il est de mon devoir de faire part de la gravité de la situation au président de la République, au président du Conseil et au ministre de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur.
Où en est le projet de réforme de l’Université libanaise ?
Il ne peut y avoir de réforme de l’UL sans un Conseil d’université. Une nouvelle législation est nécessaire. Je m’attelle à la mise en place de cette loi avec l’aide de comités juridiques, dans le but d’organiser l’institution et de mener à bien la décentralisation. Mais cette décentralisation ne doit pas empêcher l’interaction et la coexistence entre étudiants de différentes appartenances.
Nous sommes aussi en phase d’évaluation. Durant les dix premiers mois de mon mandat, j’ai ouvert tous les dossiers, notamment ceux des enseignants cadrés, des conseils technologiques, de l’ajustement académique au système européen LMD. J’ai également fait bouger le dossier de la construction de nouveaux campus équivalents à celui de Hadeth, notamment à Fanar, Zahlé, Bohsass et la Békaa.
Car nombre de bâtiments sont délabrés, d’autres sont inadaptés (sur 45 campus ou bâtiments environ). Certains sont tout juste des appartements. Rien qu’en entretien, réparations de bâtiments et loyers, nous avons un budget annuel de 20 milliards de LL. Ce dossier se situe dans le cadre de la décentralisation administrative, mais non académique. Les doyens resteront ainsi à la tête des facultés réparties sur l’ensemble du pays. La décision a déjà été prise en Conseil des ministres, mais elle tarde à être appliquée. Il est regrettable que l’UL n’ait pas le courage d’évoluer, alors que les autres universités font des bonds en avant.
Comment envisagez-vous de mettre fin à la corruption au sein de l’UL ?
Pour mettre un terme à la corruption, nous avons déjà nommé deux femmes à la tête des plus hautes fonctions administratives de l’institution, Sahar Alameddine, en tant que secrétaire générale, et Zeina Azzi, directrice du service administratif commun. Quant au contrôle des appels d’offres et des transactions financières, il est assumé par des juges et professeurs spécialisés. La Cour des comptes et le ministère des Finances ont de plus reconnu que notre travail est allé dans le sens de la réforme, en 2012. Nous continuerons de le faire, malgré les critiques.
A.-M.H.
Adnane Hussein : Le problème essentiel réside dans l’intervention politique flagrante. On ne nous laisse pas gérer les affaires de l’UL. L’inertie règne et tout n’est que reports.
Conséquence principale de cette intervention, l’absence du Conseil de l’université depuis 2004, qui devrait être constitué des doyens titulaires et de représentants des enseignants. Mais la nomination des doyens titulaires, qui a lieu par décret du Conseil des ministres, se fait attendre. De cette situation découlent des problèmes d’ordres administratif, gestionnaire et financier.
Il est regrettable que le dossier de l’UL soit traité avec tant de légèreté. Il s’agit pourtant de l’université publique qui accueille 74 000 étudiants de tout le pays et qui regroupe des facultés prestigieuses.
Pourquoi n’y a-t-il pas eu de nomination des doyens titulaires ?
Cette université est absente des préoccupations des responsables depuis sa naissance en 1951. Elle n’a jamais obtenu la moindre prérogative autrement que par la pression. L’État n’est pas soucieux de son indépendance.
Pour accélérer la nomination des doyens, le nécessaire a été fait. Conformément au processus normal, chaque faculté a nommé cinq professeurs parmi lesquels le ministre de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur et moi-même en avons sélectionné trois. La balle est actuellement dans le camp du Conseil des ministres, qui doit nommer un doyen par faculté. J’ai effectué des contacts personnels avec les responsables au gouvernement. Mais le temps n’a pas de valeur pour eux, semble-t-il. La nomination des doyens de l’UL par le Conseil des ministres est un véritable problème.
Ma compétence à ce niveau se limite à la nomination des doyens par intérim. L’université a moins de prérogatives puisque plus de 70 % des formalités nécessitent la signature du ministre de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur, Hassan Diab, ministre de tutelle de l’UL. Dans ce va-et-vient incessant, les formalités prennent du retard.
Le retard dans la nomination des doyens est-il lié au partage des parts communautaires ?
Les cinq candidats proposés par chaque faculté sont élus par les professeurs en fonction de leurs compétences. Le doyen n’est pas un directeur général, ni un fonctionnaire, mais il occupe un siège académique pour une durée de quatre ans non renouvelables. Il est donc de notre devoir de rechercher la compétence, tout en tenant compte de l’équilibre confessionnel entre chrétiens et musulmans, comme le veut l’usage. Je souhaiterais aussi renforcer les communautés faiblement représentées.
Ne vous-a-t-on pas accusé d’être le candidat de la communauté chiite ?
Le recteur de l’UL n’est pas un chef de communauté religieuse. Son rôle est d’œuvrer à renforcer les valeurs humaines auprès des citoyens et des étudiants. Je fais partie de ceux qui enseignent les dangers du confessionnalisme religieux. Je suis avant tout un académicien, ouvert d’esprit, en faveur d’un état laïc. Je me dois donc d’appliquer mes principes et mets au défi ceux qui m’accuseront de parti pris pour quiconque. Auparavant, le recteur était de confession chrétienne. Mais rien n’a été réalisé. L’UL n’a jamais été servie. Elle a même perdu de ses prérogatives. J’entends d’ailleurs les récupérer, mais pas au nom de la communauté chiite.
Qu’êtes-vous en mesure d’entreprendre pour changer les choses ?
J’ai déjà averti en juillet dernier que je pourrais lancer un appel à la grève ouverte pour pousser le gouvernement à nommer les doyens. C’est une éventualité que j’envisage sérieusement. Il est de mon devoir de faire part de la gravité de la situation au président de la République, au président du Conseil et au ministre de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur.
Où en est le projet de réforme de l’Université libanaise ?
Il ne peut y avoir de réforme de l’UL sans un Conseil d’université. Une nouvelle législation est nécessaire. Je m’attelle à la mise en place de cette loi avec l’aide de comités juridiques, dans le but d’organiser l’institution et de mener à bien la décentralisation. Mais cette décentralisation ne doit pas empêcher l’interaction et la coexistence entre étudiants de différentes appartenances.
Nous sommes aussi en phase d’évaluation. Durant les dix premiers mois de mon mandat, j’ai ouvert tous les dossiers, notamment ceux des enseignants cadrés, des conseils technologiques, de l’ajustement académique au système européen LMD. J’ai également fait bouger le dossier de la construction de nouveaux campus équivalents à celui de Hadeth, notamment à Fanar, Zahlé, Bohsass et la Békaa.
Car nombre de bâtiments sont délabrés, d’autres sont inadaptés (sur 45 campus ou bâtiments environ). Certains sont tout juste des appartements. Rien qu’en entretien, réparations de bâtiments et loyers, nous avons un budget annuel de 20 milliards de LL. Ce dossier se situe dans le cadre de la décentralisation administrative, mais non académique. Les doyens resteront ainsi à la tête des facultés réparties sur l’ensemble du pays. La décision a déjà été prise en Conseil des ministres, mais elle tarde à être appliquée. Il est regrettable que l’UL n’ait pas le courage d’évoluer, alors que les autres universités font des bonds en avant.
Comment envisagez-vous de mettre fin à la corruption au sein de l’UL ?
Pour mettre un terme à la corruption, nous avons déjà nommé deux femmes à la tête des plus hautes fonctions administratives de l’institution, Sahar Alameddine, en tant que secrétaire générale, et Zeina Azzi, directrice du service administratif commun. Quant au contrôle des appels d’offres et des transactions financières, il est assumé par des juges et professeurs spécialisés. La Cour des comptes et le ministère des Finances ont de plus reconnu que notre travail est allé dans le sens de la réforme, en 2012. Nous continuerons de le faire, malgré les critiques.
A.-M.H.
OLJ : Quels sont les problèmes majeurs de l’Université libanaise ? Adnane Hussein : Le problème essentiel réside dans l’intervention politique flagrante. On ne nous laisse pas gérer les affaires de l’UL. L’inertie règne et tout n’est que reports. Conséquence principale de cette intervention, l’absence du Conseil de l’université depuis 2004, qui devrait être constitué...