Innocence révélée plus tard dans le nom du réalisateur, Nakoula Basseley Nakoula, condamné, en 2009, à 21 mois de prison pour fraude bancaire, et celui d’Alan Roberts, le producteur, qui est aussi producteur de films pornographiques. Le fruit de leur travail est un film de série Z, en d’autres termes, un échec cinématographique à tous les niveaux, puisque toutes les autres lettres lui sont arrachées.
Et alors, en voulant tourner en dérision la religion musulmane et son prophète, les mystérieux réalisateur-producteur-scénariste font de l’autodérision. Les minutes médiocres voguant sur le Net se discréditent d’elles-mêmes, autant par la forme que par le contenu. Alors, en réponse à la médiocrité du film, des centaines voire des milliers de personnes se rassemblent dans les rues.
En Libye, l’ambassadeur américain est tué avec trois compatriotes.
À Tunis, des cocktails Molotov sont lancés dans le terrain de l’ambassade américaine, laissant une épaisse fumée noire. Le feu est aussi mis à une école américaine.
Au Liban, à Tripoli, un fast-food est saccagé et brûlé. Les demandes d’interdiction de tout visionnage présent ou futur de ce film se font pressantes.
En Syrie, des rassemblements devant l’ambassade se sont mués en sit-in.
En Iran, comme au Liban, des milliers de manifestants souhaitent la mort à l’Amérique et à Israël. La tête de l’écrivain des Versets sataniques, Salman Rushdie, est mise à prix : 3,3 millions de dollars.
Au Pakistan, des bannières défilent dans la capitale, exigeant l’expulsion de l’ambassadeur américain.
En France, des rassemblements ont encerclé l’ambassade américaine, alors que les imams ont appelé à la vigilance pour ne pas tomber dans le piège.
L’accès à la vidéo est désormais interdit en Indonésie, en Inde, à Bahreïn, en Égypte, en Libye... Une « assabiya » aveugle est en ébullition. Et pour cause.
La réprobation est compréhensible, l’indignation partagée. Mais pourquoi saccager, brûler, tuer ? Tuer devient un suicide, un suicide moral, collectif, international.
Pourquoi museler? Taire? Réprimer? Étouffer la voix de l’autre est aussi une violence, un meurtre et un suicide. L’incapacité de répondre égale celle de vivre. La haine ne véhicule que la haine et entraîne crainte et défaillance.
Et alors, au lieu que le tollé ne se dirige vers le film, il se dirige vers tout semeur de trouble, de feu, de silence, de mort.
Que faire alors ? Combattre ce film par les mots, par les images, par les preuves, par l’éducation. Au nom de la liberté d’opinion, critiquons-le. Et au nom de la liberté d’expression, exprimons notre indignation par la voix du savoir.
Alexandra KODJABACHI