Paolo Gabriele (d.) a affirmé avoir agi « seul », au second jour de son procès, hier au Vatican. Osservatore Romano/Reuters
À la barre des accusés, l’ex-majordome, en complet et cravate grise, donnait pour la première fois publiquement sa version des faits, au deuxième jour du retentissant procès VatiLeaks, qui a mis au jour rivalités et tensions dans les plus hautes sphères du Vatican. « Inévitablement, mon rôle m’amenait à voir beaucoup de situations des deux côtés, du point de vue de ce qu’en pensait le peuple ou de ce qu’en pensait le pouvoir », a-t-il expliqué. « Ce qui m’a vraiment scandalisé est que lorsque je me retrouvais à la table du Saint-Père pour déjeuner, il lui arrivait de me poser des questions sur des choses dont il aurait dû être informé », a dit l’ex-employé modèle, surnommé « Paoletto » au Vatican. « C’est là que j’ai acquis la conviction qu’il était facile de manipuler une personne qui a entre ses mains un pouvoir aussi énorme », a-t-il ajouté. « Pensiez-vous que le pape était mal informé ? » lui demande son avocate. « Oui, certainement », répond le majordome. Une question rejetée aussitôt par le juge qui a interrompu à plusieurs reprises l’accusé lorsqu’il commençait à évoquer ses contacts au sein du Vatican, parmi lesquels des cardinaux, et ses motivations personnelles. Durant l’instruction, Gabriele avait affirmé vouloir combattre « le mal et la corruption » au Vatican. Mais à chaque question à ce sujet, le juge Giuseppe Dalla Torre a estimé : « C’est hors sujet. Nous devons en rester au chef d’inculpation », le vol aggravé.
Vaste mécontentement
Paolo Gabriele a également affirmé avoir agi seul, « sans complice », mais reconnu avoir de nombreux « contacts » au Vatican, où il sentait un « mécontentement vaste et diffus ». « Depuis 1997, tous me connaissaient au Vatican, me faisaient confiance », a-t-il expliqué, avant d’ajouter : « Je ne suis pas le seul au cours des années à avoir fourni des informations confidentielles à la presse. » Gabriele a aussi précisé qu’il n’avait pas reçu d’argent en échange des documents. « C’était une condition essentielle », a-t-il insisté.
Paolo Gabriele est accusé de s’être emparé de centaines de documents confidentiels du pape pour les transmettre au journaliste Gianluigi Nuzzi. Ce dernier les a ensuite publiés dans un livre, Sua santità (Sa Sainteté), qui révèle intrigues et violentes animosités, en particulier à l’encontre du numéro deux du Vatican, le cardinal Tarcisio Bertone. La somme des documents saisis dans les appartements du majordome – au Vatican et à Castel Gandolfo – remplit pas moins de 82 cartons. Deux des gendarmes qui ont mené la perquisition ont indiqué qu’y figuraient de nombreux livres et coupures de presse sur la franc-maçonnerie et les services secrets.
Outre l’accusé, plusieurs témoins sont venus à la barre, dont le secrétaire particulier du pape, Mgr Georg Gänswein. « J’avais une confiance totale. Pendant les années de son service, je n’ai jamais eu une seule occasion de douter de M. Gabriele », a assuré celui qui était son supérieur hiérarchique direct.
Par ailleurs, l’ex-majordome s’est plaint de ses conditions de détention, après son arrestation le 23 mai, et notamment de « pressions psychologiques » lors de sa détention après son arrestation le 23 mai. Il a affirmé avoir été détenu pendant quinze jours dans une cellule où il ne pouvait même pas tendre les bras et où la lumière était allumée 24 heures sur 24. Le Vatican a décidé l’ouverture d’une enquête. Mais aussitôt après l’audience, son porte-parole, le père Lombardi, a précisé que le Saint-Siège respectait les conventions internationales auxquelles il adhère en matière de conditions de détention.
Les derniers témoins seront appelés à la barre aujourd’hui, a indiqué le père Lombardi. Aucune audience n’est prévue demain, jour de la Saint-François, patron de l’Italie, durant lequel le pape a prévu un déplacement dans la péninsule. Le procès devrait reprendre vendredi et pourrait s’achever à la fin de la semaine.
(Source : AFP)