orthodoxe vs 50 circonscriptions ? Proportionnelle vs majoritaire ? Rien n’est clair, rien n’est définitif et ce n’est que le début...
Pilier du 14 Mars et co-auteur avec Georges Adwan et Samy Gemayel d’une proposition de loi basée sur 50 petites circonscriptions, le député Boutros Harb a jeté samedi une petite bombinette qui risque fort d’embarrasser Michel Aoun, surtout après les propos de Gaby Layoun : « Si le CPL réussit à convaincre ses alliés du Hezbollah, d’Amal, du PSNS et du Baas d’accepter le projet grec-orthodoxe, nous serions prêts à l’appuyer indépendamment de l’avis de nos alliés », a ainsi asséné M. Harb.
S’exprimant au micro de la Voix du Liban-la Voix de la Liberté et de la Dignité, il a relevé que le chef du PSP Walid Joumblatt a exprimé des réserves sur certains points de la proposition Harb-Adwan-Gemayel. « Nous allons discuter avec lui pour faire en sorte d’aplanir ses réserves et d’obtenir son accord », a-t-il indiqué, révélant s’être mis d’accord avec le courant du Futur (CdF) concernant le siège maronite de Tripoli, « qui sera déplacé dans le Batroun, alors que les aounistes veulent en disposer dans le caza de Jbeil, où les voix chiites peuvent faire la différence ».
Le visage du Liban
En déplacement au Canada, le député Nadim Gemayel, qui s’exprimait devant un rassemblement d’hommes d’affaires à Montréal, a pour sa part martelé son refus du projet de loi électorale présenté par le gouvernement Mikati. « Ce gouvernement ne veut qu’une chose : gagner aux législatives pour faire main basse sur le Liban, et pour cela, ils prétextent la cohésion sociale », a-t-il raillé. Il a en outre exprimé de sérieux doutes sur la capacité du Parlement à trancher entre la loi présentée par la Rencontre grecque-orthodoxe et celle basée sur les petites circonscriptions, « en raison de l’entêtement des deux camps ». Nadim Gemayel a également insisté sur la nécessité que ce scrutin se tienne à la date prévue, « parce que l’identité du Liban et son existence sont en jeu : certains veulent le transporter d’une rive à l’autre », a-t-il mis en garde, rappelant la victoire en Allemagne, dans les années 30, du parti nazi sous couvert de démocratie. « Le Hezbollah, avec le soutien de la Syrie et de l’Iran, est en train de tramer quelque chose pour contrôler, avec l’aide de ses alliés, le Liban, et si nous perdons, la face de ce pays changera. »
Député CdF de Beyrouth, Ammar Houry a rejoint aussi bien Walid Joumblatt dans son refus de la proportionnelle, assurant que ce concept « n’existe pas » dans l’accord de Taëf, que les chrétiens du 14 Mars dans leur attachement aux petites circonscriptions. « C’est la solution la plus adéquate », a-t-il dit, jugeant au passage que le Hezbollah va finir « plus tôt que tard par être convaincu que ses armes sont un réel poids pour lui ».
Son colistier Mohammad Kabbani a été plus nuancé. « Le bloc parlementaire du Futur accepte la proposition de loi basée sur la petite circonscription malgré le fait que cela ne soit pas notre premier choix », a-t-il dit. « L’idéal serait une loi basée sur l’accord de Taëf : considérer chaque mohafazat comme une circonscription électorale de façon à ce que le concept de coexistence soit privilégié », a-t-il jugé.
CPL et « unité chrétienne »...
L’enthousiasme n’était pas moindre du côté du 8 Mars. Au sein du CPL, le ministre de la Culture Gaby Layoun a ainsi défendu la proportionnelle, « garante de justice, quel que soit le nombre ou la forme des circonscriptions. En outre, nous sommes prêts à constituer un front uni avec nos adversaires pour soutenir le projet grec-orthodoxe », a-t-il assuré.
Son collègue à l’Énergie Gebran Bassil, en déplacement aux États-Unis et plus précisément dans le Michigan, a dénoncé les défenseurs des petites circonscriptions qu’il a accusés de vouloir « jouer avec les voix des chrétiens. Et pas seulement avec leurs voix, mais avec la pérennité de la présence chrétienne. Celle-ci ne se mesure pas par un nombre, mais par un rôle et un message », a-t-il dit. Quant au ministre des Télécoms, Nicolas Sehnaoui, il n’a pas été par quatre chemins : « Nous n’accepterons pas moins de cinq députés à Achrafieh, et ce que nous voulons, c’est la libérer de la corruption, du poids de l’argent et de la négligence. » Le ministre s’exprimait devant ses partisans réunis à son domicile à Achrafieh.
Enfin, le président de la commission parlementaire des Finances et du Budget, Ibrahim Kanaan, a tenu à évoquer les chrétiens en général, quelle que soit leur tendance politique. « Unis, nous pouvons produire une loi électorale qui nous rendrait nos droits à tous. Nous refusons les marchands de paroles et de slogans clinquants qui misent en réalité sur notre division afin d’en finir avec nous », a-t-il dit à l’occasion d’un dîner tenu par le club de Bauchrieh.
Hezbollah et Taëf
Du côté du Hezbollah, pas de surprise : la proportionnelle était naturellement le credo préféré des cadres du parti chiite qui se sont exprimés ce week-end. « La proportionnelle assure la meilleure et la plus saine représentativité », a ainsi résumé le ministre d’État chargé des Réformes administratives, Mohammad Fneich. Quant au député Mohammad Raad, il a voué aux gémonies ceux qui proposent des moutures de lois électorales « comme si l’accord de Taëf n’existait pas et comme si l’entente nationale était un détail »...
Au sein du mouvement Amal, le discours était plus subtil, Nabih Berry ayant répété la semaine dernière qu’il appuierait toute proposition ou tout projet sur lequel s’entendraient les chrétiens. Il n’empêche, certains y sont allés franco : le député Ali Khreiss a assuré que le chemin de la proportionnelle et de la grande circonscription était déjà tout tracé « parce que cela préserve la quintessence de l’accord de Taëf et que les petites circonscriptions divisent les citoyens ». Même son de cloche pour le député Hani Kobeissi.
Quant au secrétaire général du Baas, Fayez Chokr, après avoir rendu un vibrant hommage au patriarche maronite Béchara Raï « qui essaie de rapprocher les points de vue », il a estimé que « plus la circonscription s’élargit et grandit, plus la cohésion est meilleure ».
Enfin, dans la communauté druze, deux personnes que tout oppose se sont exprimées ces dernières heures. Le ministre joumblattiste des Affaires sociales Waël Bou Faour a ainsi dénoncé toutes les propositions de loi rendues publiques jusqu’à ce jour. « Chacune d’elles ne sert que les intérêts de la partie qui l’a adoptée », a-t-il dit. « Tout ce qui les intéresse, c’est qui va avoir le plus grand nombre de députés. Chaque camp a naturellement le droit de proposer ce que bon lui semble et de hausser la barre autant qu’il le souhaite, mais personne n’a le droit de renforcer davantage ces murs politiques qui séparent les Libanais ou d’enfermer ces derniers dans des ghettos communautaires et sectaires », a-t-il tonné.
De son côté, le député Talal Arslane a appelé à « en finir avec la mentalité des années 60 : la proportionnelle est la solution idéale ».