Le PM Mikati et notre collaboratrice Sylviane Zehil durant l’entretien au St Regis de New York. Photo Dalati et Nohra
Depuis son arrivée à New York, le Premier ministre Nagib Mikati a multiplié ses rencontres et ses entretiens avec de nombreux dirigeants réunis au Palais de Verre à l’occasion de la 67e session de l’Assemblée générale de l’ONU. Dans un entretien exclusif accordé à L’Orient-Le Jour à l’hôtel St Régis de New York à la veille de son premier discours à la tribune onusienne, M. Mikati a livré les principaux thèmes de ses rencontres, qualifiées d’« importantes », avec notamment la secrétaire d’État américaine Hillary Clinton, le président français François Hollande, et avec la haute représentante de l’Union européenne, Catherine Ashton, axées principalement sur le renforcement de l’armée libanaise, un « sujet d’importance » aussi. D’autres rencontres, notamment avec le chef de l’État égyptien, Mohammad Morsi, le secrétaire au Foreign Office, William Hague, et le ministre turc des Affaires étrangères, Ahmet Davutoglu, ont été tout aussi fructueuses.
Quel message a-t-il porté au Palais de Verre ? « Lors de mes entretiens à New York, j’ai essayé d’expliquer la position du Liban par rapport à ce qui se passe dans la région. Notre position est très claire. Le Liban a des liens sociaux, historiques et géographiques avec la Syrie. Pratiquement 100 % de notre frontière terrestre est avec la Syrie. Toutes nos exportations avec le monde arabe transitent par la Syrie. C’est cette position que j’ai expliquée en cherchant tout le soutien possible pour isoler vraiment le Liban de ce qui se passe » là-bas, a expliqué avec passion le Premier ministre Mikati. Car « mon objectif majeur aujourd’hui est de protéger mon pays et les Libanais de toutes les conséquences de la crise syrienne, surtout que nous ne savons pas encore quand et comment cette situation prendra fin. Allons-nous avoir la paix en Syrie ? » s’est-il interrogé avec anxiété.
L’hommage à Hollande
Évoquant ses entretiens bilatéraux, c’est en des termes élogieux qu’il a commenté son « excellente réunion » avec François Hollande qu’il rencontrait pour la première fois. « J’ai été impressionné par sa compréhension des problèmes libanais, par son engagement pour le Liban, par sa volonté de protéger notre pays du conflit syrien et par sa détermination inébranlable à ce que l’unité libanaise soit préservée. Je crois que c’est très important », a-t-il insisté. Parlant des relations bilatérales entre les deux pays, il a indiqué qu’« il est important pour le Liban de maintenir de bonnes relations avec la France ». Il a caressé l’espoir de retrouver le président français au 14e sommet de la francophonie qui se tiendra à Kinshasa du 12 au 14 octobre prochain, sur le thème « Francophonie, enjeux environnementaux et économiques face à la gouvernance mondiale ». Nagib Mikati présidera lui-même la délégation libanaise au sommet. « Le Liban est engagé à maintenir et développer la francophonie », a-t-il assuré.
Armée et « Amis du Liban »
Le credo à chaque entretien bilatéral était l’importance du renforcement de la capacité de l’armée libanaise. « Comme avec Mme Clinton, j’ai eu aussi des entretiens avec Mme Ashton sur les moyens de renforcer la capacité de notre armée en équipements, en armes et en formation », a-t-il précisé. Et de rappeler : « Le Conseil des ministres a approuvé un plan directeur d’une loi-programme accordant à l’armée libanaise la somme de 1,6 milliard de dollars, échelonnée sur cinq ans. Bien que modeste, ce montant permettra de garder le minimum requis. Et comme tous nos amis le savent bien, la capacité de la trésorerie libanaise est limitée. Nous prévoyons de consulter tous les “Amis du Liban” pour nous aider à lancer une conférence de donateurs afin de venir en aide à l’armée libanaise. En fait, ces “Amis du Liban” nous apportent leur soutien. Mais j’ai l’intention de mettre sur pied un bon plan d’action et un système bien organisé au sein d’un programme quinquennal clair pour lui fournir l’équipement nécessaire », a-t-il insisté.
Sur sa lancée, le chef du gouvernement a rappelé que « l’armée libanaise n’est pas comme n’importe quelle autre armée. Nous savons tous que nous avons un devoir à réaliser » pour la stabilité du pays. La résolution 1701 mentionne qu’elle doit assumer progressivement « le contrôle de la sécurité » dans la zone d’opérations de la Finul et dans les eaux territoriales libanaises. « Comment pouvons-nous le faire avec si peu de moyens ? s’est exclamé Nagib Mikati. C’est pour cette raison que nous souhaitons renforcer ses capacités avec l’appui de tous les pays membres de la Finul qui contribuent aussi à la fourniture de son équipement. »
Frontières
Les résolutions 1559 et 1701 de l’ONU encouragent le Liban à procéder au tracé de la frontière terrestre avec la Syrie ainsi qu’à la délimitation de ses frontières maritimes avec Israël pour éviter toute tension avec l’exploration et l’exploitation des ressources maritimes de la Méditerranée orientale riches de promesses pour toutes les sociétés maritimes qui en bénéficieront. Pour le Premier ministre, « le délinéament de la frontière avec la Syrie a commencé il y a trois ans. Mais étant donné la situation en Syrie, cette question reste maintenant en suspens. Quant aux frontières maritimes, le gouvernement libanais et le Conseil des ministres ont entériné et approuvé une loi déterminant les coordonnées de notre zone économique exclusive (ZEE) », a-t-il précisé.
Les 66 000 déplacés syriens
Lors de ses discussions au Palais de Verre, M. Mikati a soulevé avec ses interlocuteurs la question des « 66 000 déplacés syriens au Liban » et l’appui financier des donateurs. Ce sujet a fait l’objet d’un entretien détaillé avec Catherine Asthon. « Nous leur assurons le logement, l’éducation et le traitement médical. Nous faisons notre devoir humanitaire envers le peuple syrien », a-t-il dit. « Si nous avons voulu nous dissocier en politique pour protéger le Liban, cela ne signifie pas que nous nous démarquons de notre mission humanitaire », a-t-il insisté. Et d’ajouter : « Nous le faisons d’une manière calme car il est important de venir en aide et d’assister le peuple syrien, sans oublier que les Syriens nous ont aidés lorsque nous étions en détresse pendant la guerre, et tout dernièrement en 2006. »
Sanctions
Le Liban applique-t-il scrupuleusement les sanctions à l’encontre de la Syrie? Le chef du gouvernement a affirmé « qu’elles sont bel et bien appliquées. Deux milliards de dollars ont été retirés de Syrie. Rien n’est arrivé au Liban ! Les banques libanaises sont prudentes et désirent sauvegarder la réputation du secteur bancaire surtout avec les instances internationales, européennes et américaines », a-t-il assuré.
Enfin, concernant l’annonce de l’ouverture prochaine de l’aéroport de Kleiate, cette question ouvre-t-elle la voie à la reprise des vols directs de la MEA vers les États-Unis ? « Il y a eu un décret ministériel pour son ouverture. Mais c’est encore au stade préliminaire. On commence à étudier les équipements nécessaires pour la mise en place des vols commerciaux. Mais cela prendra encore du temps », a-t-il conclu.