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À La Une - Tensions communautaires

Entre film et caricatures, l’Occident chavire

Condamnations unanimes de la décision de « Charlie Hebdo » ; nouvelles protestations dans le monde contre le film américain.

Critiqué même par la Maison-Blanche, « Charlie Hebdo » a vu son site Internet lourdement piraté hier et a été l’objet d’une plainte déposée au parquet de Paris par une association. Fred Dufour/AFP

La France a pris hier des mesures de sécurité anticipant un possible regain de colère des musulmans après la publication par l’hebdomadaire satirique Charlie Hebdo de caricatures du prophète Mohammad, alors que les manifestations contre le brûlot islamophobe produit aux États-Unis, L’Innocence des musulmans, s’étendent dans le monde. Les craintes se concentrent sur demain, journée de prière dans les pays musulmans et qui pourrait donner lieu à une mobilisation accrue contre l’Occident.

 

(Lire aussi : Après Washington, Paris appelle ses ressortissants au Liban à la « vigilance »)

 

La publication par Charlie Hebdo de dessins sur la controverse créée par le film, dont deux représentent le Prophète nu, a provoqué de vives réactions en série à l’étranger et en France. Al-Azhar, la plus haute autorité de l’islam sunnite, dont le siège est au Caire, a condamné ces caricatures « portant atteinte à l’islam et à son Prophète », et les islamistes d’Ennahda au pouvoir en Tunisie ont estimé que les musulmans avaient « le droit de protester » après « cette nouvelle attaque contre la personne du Prophète ». La Maison-Blanche, elle, a mis en doute le bien-fondé de la décision de Charlie Hebdo de publier ces caricatures. « Nous nous posons des questions sur le jugement qui a conduit à publier de telles choses », a déclaré le porte-parole du président Barack Obama, Jay Carney, tout en jugeant que cela ne pouvait justifer « en aucun cas la violence ». À Rome, l’Osservatore Romano, quotidien du Vatican, a dénoncé « de l’huile sur le feu » qui risque « d’ouvrir un nouveau front de protestation ».

Fermeture
Les autorités françaises ont immédiatement pris des mesures de sécurité, alors qu’en 2005 la publication de caricatures du Prophète dans un journal danois avait provoqué une longue vague de protestations dans le monde arabe. Le Quai d’Orsay a annoncé la fermeture demain des ambassades, écoles et consulats français dans une vingtaine de pays musulmans, même s’il n’y a pas de « menace avérée sur un quelconque établissement ». Dès hier les autorités yéménites ont renforcé la sécurité autour de l’ambassade de France à Sanaa, tandis que la dizaine d’établissements scolaires français de Tunisie étaient fermés à la mi-journée. Au Caire, une dizaine de fourgons de la police égyptienne et deux véhicules de pompiers équipés de canons à eau étaient stationnés autour de l’ambassade de France. Écoles et centres culturels français dans le pays doivent fermer aujourd’hui. À Paris, la sécurité a été renforcée autour de l’immeuble abritant la rédaction de Charlie Hebdo et une manifestation contre le film islamophobe devant l’ambassade des États-Unis, prévue samedi, a été interdite. Toutefois, une épicerie casher a été attaquée à Sarcelles, faisant un blessé léger et suscitant une vive émotion dans cette commune populaire de la banlieue parisienne, qui abrite une importante communauté juive. Aucun lien n’a cependant été établi par les autorités entre cette attaque et les tensions soulevées par le film islamophobe ou les caricatures publiées par Charlie Hebdo.


En réalité, les caricatures visent plus les auteurs du film islamophobe et les islamistes, plutôt que la religion musulmane elle-même. Et hier, les autorités françaises ont insisté sur le droit à la liberté de la presse tout en appelant chacun à la responsabilité. « La liberté d’expression est un droit fondamental, la liberté de caricature fait partie de ce droit fondamental », a relevé le ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, tandis que son homologue aux Affaires étrangères, Laurent Fabius, jugeait que ces caricatures jetaient de « l’huile sur le feu ». Tout en condamnant des « dessins insultants à l’égard du Prophète », les organisations musulmanes ont appelé à ne pas céder à la « provocation ». Le recteur de la Grande Mosquée de Paris, Dalil Boubakeur, a annoncé « la lecture d’un message » d’apaisement au cours de la prière demain.

Sacrifices
Par ailleurs, après une semaine de violences antiaméricaines, les États-Unis avaient annoncé mardi avoir pris « des mesures fortes » pour protéger leurs ambassades et consulats. Hier, les protestations contre le film islamophobe ont continué de se propager dans le monde arabo-musulman. Au Pakistan, environ 500 avocats ont réussi à pénétrer dans une zone très sécurisée où est située l’ambassade américaine. « Nous sommes prêts à sacrifier nos vies pour le Prophète », chantaient les manifestants. Les autorités pakistanaises ont, elles, décrété un jour férié national demain en l’honneur du prophète Mohammad. En Afghanistan, un millier d’étudiants ont manifesté pacifiquement à Jalalabad, la principale ville de l’est du pays, en appelant à « la mort de l’Amérique » et des « ennemis de l’islam », selon des témoins. En Asie, une première manifestation antiaméricaine a réuni plusieurs centaines de personnes au Sri Lanka : des femmes y frappaient des photos du président Obama à coups de manches à balai. Et les autorités des Maldives ont interdit aux habitants de visionner le film, sous peine de problèmes avec la justice.


En outre, le site de partage en ligne de vidéos YouTube a annoncé qu’il étendait à l’Arabie saoudite ses restrictions d’accès au film, déjà en vigueur en Égypte, et à la Libye où les violences avaient éclaté. L’ambassadeur des États-Unis en Libye et trois autres Américains ont été tués le 11 septembre dans l’attaque armée du consulat de Benghazi, un drame sur lequel la Libye et le FBI enquêtent. Hier, le directeur du Centre de lutte antiterroriste des États-Unis, Matthew Olsen, a qualifié de « terroriste » cette attaque, tout en assurant qu’elle avait été menée « de manière opportuniste ». Et à Benghazi, la tension est montée au sein des services de sécurité après la démission d’un haut responsable de la sécurité et le rejet par des officiers du limogeage de leurs chefs.
Enfin, le ministère allemand des Affaires étrangères a déconseillé à ses ressortissants dans les pays arabes de se rendre dans des lieux publics demain. Et le ministre des Affaires étrangères, Guido Westerwelle, a décidé d’envoyer son directeur des Affaires africaines, Egon Kochanke, au Soudan pour évaluer la reconstruction de son ambassade ciblée par des attaques de manifestants la semaine passée.

 

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