Présentant hier devant le Conseil de sécurité une version actualisée de son rapport publié en août, le président de la commission d’enquête de l’ONU sur la Syrie, Paulo Pinheiro, a souligné que les violations flagrantes des droits de l’homme augmentaient en « nombre, rythme et intensité ». Fabrice Coffrini/AFP
La commission d’enquête de l’ONU a recommandé hier au Conseil de sécurité, compte tenu de l’ampleur des violences en Syrie, de prendre « les mesures appropriées », relançant le débat au Conseil des droits de l’homme à Genève sur une éventuelle saisine de la Cour pénale internationale (CPI).
Le président de la commission d’enquête de l’ONU sur la Syrie, Paulo Pinheiro, présentant hier devant le Conseil une version actualisée de son rapport publié en août, a souligné que les violations flagrantes des droits de l’homme augmentaient en « nombre, rythme et intensité ». « Nous avons recueilli un ensemble extraordinaire de preuves » qui pourront être utilisées par la justice nationale ou internationale, a déclaré l’expert brésilien, expliquant par ailleurs que la commission a établi une deuxième liste d’« individus et d’unités » soupçonnés d’avoir commis des crimes. La haut-commissaire aux droits de l’homme, Navi Pillay, conserve ces documents, qui ne sont pas accessibles aux membres du Conseil. La commission, qui ne garde pas de copie de la liste, souhaite qu’elle reste confidentielle jusqu’à ce qu’un tribunal puisse s’en emparer, a expliqué M. Pinheiro. « Nous avons recommandé que notre rapport soit transmis au Conseil de sécurité (...) de sorte qu’il puisse prendre les mesures appropriées au vu de la gravité des violations, abus et crimes commis par les forces gouvernementales et les chabbiha (milices prorégime), et par des groupes antigouvernementaux. En faisant cette recommandation, la commission rappelle que, dans le contexte de la Syrie, le pouvoir de renvoyer l’affaire devant la Cour pénale internationale repose uniquement sur le Conseil de sécurité », a-t-il précisé.
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Reste qu’il n’y a pas de consensus quant à une éventuelle saisine de la CPI, souligne-t-on de source diplomatique occidentale. Toutefois, certains pays cherchent à débloquer la situation. L’ambassadeur suisse auprès des Nations unies à Genève, Dante Martinelli, a rappelé que « la Suisse, avec l’appui d’un groupe d’États, envisageait l’envoi d’une lettre au Conseil de sécurité lui demandant de déférer à la Cour la situation en Syrie ». « Nous devons trouver ensemble les conditions pour une saisine de la Cour pénale internationale », a déclaré pour sa part l’ambassadeur français, Nicolas Niemtchinow. Mais rien n’est joué. Les diplomates discutent d’ailleurs depuis plusieurs jours à Genève sur un projet de résolution à ce sujet.
Cette session sur la Syrie aura une fois de plus été l’occasion pour les différentes parties d’exprimer leurs points de vue sur les violences. Navi Pillay a dénoncé les crimes commis par les forces armées et les rebelles. Elle a expliqué avoir reçu des informations sur des groupes armés antigouvernementaux qui violent « les droits des enfants, y compris en utilisant des enfants comme soldats », ce qui constitue un « crime de guerre », selon le droit international. Pour la France et les États-Unis, les crimes commis par le régime Assad suggèrent une « politique d’État ». Le représentant syrien au Conseil, Faysal Khabbaz Hamouia, a pour sa part qualifié le rapport d’« inexact ». Il a affirmé que 17 pays envoyaient des « terroristes jihadistes » en vue « de la fragmentation du Moyen-Orient en émirats islamistes ». M. Pinheiro, qui continue de défendre une solution négociée au conflit, a confirmé « la présence croissante d’éléments étrangers, y compris des militants jihadistes, en Syrie », expliquant que certains se joignent aux forces antigouvernementales tandis que d’autres opèrent de façon indépendante. Il a expliqué qu’il était difficile de savoir qui étaient ces personnes, soulignant qu’elles ne venaient pas uniquement des pays voisins de la Syrie : « Ils ont leur propre agenda. C’est ce qui est le plus inquiétant. »
Parallèlement, le coordinateur spécial de l’ONU pour le processus de paix au Proche-Orient, Robert Serry, s’exprimant également devant le Conseil de sécurité hier, a lui aussi insisté sur le fait que la Syrie s’installe dans une « grave spirale de violences » qui entraîne de « graves conséquences » sur les pays voisins. De son côté, l’envoyé spécial de l’ONU et de la Ligue arabe en Syrie, Lakhdar Brahimi, doit dans les prochains jours rendre compte au Conseil de sécurité de ses entretiens à Damas, notamment avec le président Assad.
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