Ahmad Qarqoubi, un ancien instituteur devenu rebelle, a quitté le front après des blessures pour revenir à son métier d’origine. Il chapeaute trois écoles improvisées. Marco Longari/AFP
« Voilà la lettre a. Quelqu’un connaît-il un mot qui commence par a ? » « Avion ! » répondent en chœur les élèves d’une école improvisée d’Azaz, ville du nord de la Syrie défigurée par les chasseurs-bombardiers de l’armée.
Khadijé, 14 ans, brandit fièrement le cahier, la gomme et le crayon que l’école, mise sur pied par des opposants, lui a donné pour cette rentrée. Sur la page de garde, elle a dessiné des drapeaux de la révolution syrienne et écrit, au milieu de fleurs et de cœurs, des slogans hostiles au régime du président Assad. « Mon école a été bombardée, mais celle-ci est encore mieux, même si nous n’avons ni chaise ni bureau », lance Khadijé, le sourire aux lèvres. Les rebelles ont un temps pris leurs quartiers dans les écoles de la région, qui ont toutes été détruites depuis par l’armée, privant d’éducation des milliers d’enfants. « Je préfère être ici et apprendre. De toute façon, qu’est-ce que je ferais à la maison ? » renchérit sa voisine, Zakyé, 12 ans, qui, comme tous ses camarades, a revêtu ses plus beaux habits pour venir à l’école. Sous le foulard en dentelle blanche qui couvre ses cheveux, Khadijé parle de son avenir : « Je veux devenir médecin, pour aider les gens. » D’autres ont de plus grandes ambitions encore, comme Smaïl, 13 ans, en cours d’anglais. Il sait déjà dire « hello » et « please » et ne compte pas s’arrêter là, car plus tard, il veut être « ministre ». « N’importe quel ministre : de l’Intérieur, des Affaires étrangères, peu importe... » explique-t-il très sérieusement.
Âgés de six à 15 ans, répartis en petites classes non mixtes d’une vingtaine d’enfants assis à même le sol face à de petits tableaux blancs, une centaine d’élèves écoutent attentivement la leçon du jour. Les plus jeunes récitent l’alphabet arabe, les autres font des exercices de mathématiques, apprennent des rudiments d’anglais ou s’essayent à la lecture du Coran.
Ahmad Qarqoubi, un ancien rebelle qui a quitté le front après des blessures pour revenir à son métier d’instituteur, chapeaute trois écoles improvisées. Chacune accueille deux groupes, le premier deux heures le matin et le second deux heures l’après-midi. Au total, il affirme scolariser 1 000 élèves dans cette ville qui comptait avant le début des combats quelque 70 000 habitants. Chaque midi, il passe avec son pick-up pour apporter un repas aux enfants. « Cela fait longtemps qu’ils ne sont pas allés à l’école, ils risquent de tout oublier, c’est pour cela que nous avons repris les cours », explique-t-il.
Hanine el-Jebbine, 18 ans, était étudiante à l’université, mais elle n’y va plus depuis des mois, à cause des bombardements sur sa ville et du mouvement étudiant réprimé à Alep, à 60 kilomètres de là. Comme elle ne peut plus suivre les cours, elle a décidé d’en donner. Aujourd’hui, elle enseigne des sourates du Coran à un groupe de fillettes attentives. Elle a répondu à l’appel de son collègue Abou el-Fattah, 28 ans, qui cherchait d’autres enseignants pour atteindre son ambitieux objectif : « Former la génération de la liberté et de la dignité qui représentera la Syrie moderne. » Dans l’esprit de tous, enseignants comme élèves, cela signifie une Syrie débarrassée de Bachar el-Assad, le président « qui bombarde les écoles ».
Khadijé, 14 ans, brandit fièrement le cahier, la gomme et le crayon que l’école, mise sur pied par des opposants, lui a donné pour cette...