Mais le successeur supposé de Hu Jintao à la tête de la deuxième puissance économique mondiale, puissance nucléaire de surcroît, n’est réapparu en public que samedi, après deux semaines d’absence, souriant devant les caméras dans une université de Pékin. C’est comme si sa disparition – qui a contraint Xi à annuler des rencontres avec la secrétaire d’État américaine Hillary Clinton ou les Premiers ministres du Danemark et de Singapour – n’avait jamais eu lieu. « La question fondamentale, c’est qu’ils n’ont pas accepté ce que signifie diriger une puissance mondialisée à notre époque », estime Roderick Mac Farquhar, expert de l’histoire du PCC à l’université de Harvard. « La prochaine direction devra s’attaquer à ce problème parce que ça ne va qu’empirer », a-t-il ajouté.
L’« affaire Xi Jinping » illustre la culture du secret du PCC à une période particulièrement sensible sur le plan politique, celle de la préparation du XVIIIe Congrès qui renouvellera, à la mi-octobre, la direction du parti unique. Xi Jinping, qui a 59 ans, est quasiment certain d’y être nommé à la tête du PCC, avant de prendre la présidence en mars 2013.
Total décalage
« Fondamentalement, on est dans un système hérité du début du XXe siècle qui est totalement en décalage avec les demandes de la Chine du XXIe siècle », regrette Damien Ma, expert de la Chine chez Eurasia Group, un cabinet de consultants en géopolitique. La santé des dirigeants est taboue depuis des années. Mao Zedong lui-même avait disparu à plusieurs reprises. Entre la fin 1965 et la mi-1966, il n’était pas apparu une seule fois en public, sans doute pour des raisons de santé. Son retour avait été largement médiatisé : il s’était baigné dans le Yangtze, un événement orchestré par les médias pour célébrer la vitalité du grand timonier.
La Chine a connu depuis une industrialisation rapide qui l’a consacrée « atelier du monde », avant la naissance d’Internet, mais le politique ne s’est guère adapté. Selon Joseph Cheng, professeur de science politique à Hong Kong, les conservateurs du PCC « continuent de penser que la santé des principaux dirigeants est un secret d’État » et que « ce genre d’information pourrait affecter leur processus de succession ou le congrès du parti ». Avant de réapparaître samedi à la télévision, Xi Jinping n’avait plus été vu en public depuis le 1er septembre. Ce n’est que le 12 septembre que les médias officiels ont signalé que Xi avait adressé un communiqué – un message de condoléances à la famille d’un défunt cadre du PCC.
Pour remplir le vide, les rumeurs les plus folles ont circulé sur Internet, via des sites de microblogging comme Sina Weibo, évoquant une crise cardiaque, une tentative d’assassinat ou un cancer. « En s’abstenant de communiquer, le PCC autorise la population à voir des failles dans le système qui n’existent peut-être même pas », note Dane Chamorro, directeur de la région Asie-Pacifique à Control Risks, se demandant : « Les gens commencent à se demander : le système est-il fragile ? Est-il capable d’affronter le monde moderne ? » « Le plus grand danger pour les prochains dirigeants serait de ne pas régler de manière sérieuse et concertée certaines questions dans un environnement aussi intense en matière d’information. S’ils ne le font pas, ils risqueront de plus en plus de faire face à une profonde crise de légitimité », ajoute Damien Ma, d’Eurasia Group.
(Source : Reuters)