L'Osservatore Romano, le quotidien du Saint-Siège, avait donné le ton avec son titre à l'aube du voyage: "Paix dans le respect des différences".
C'est pour une "société plurielle" enrichie par sa diversité, contre une société "monochrome" à laquelle certains fondamentalistes tendent de réduire le Moyen-Orient que le pape a sans cesse plaidé.
"Au Liban, la chrétienté et l'islam habitent le même espace depuis des siècles. Il n'est pas rare de voir dans la même famille les deux religions. Si dans une même famille cela est possible, pourquoi cela ne le serait-il pas au niveau de l'ensemble de la société?", a demandé le chef de l'Eglise catholique.
Alors que les chrétiens fuient par milliers les terres où ils sont implantés depuis deux mille ans, le pape qui s'était fait mal voir des musulmans en associant indirectement islam et violence lors d'un discours à Ratisbonne en 2006, a tout fait pour ne pas les offenser.
Les dignitaires sunnites et chiites libanais avaient tous répondu présent aux différentes étapes du voyage.
Pour la Syrie, le pape suggère même "des journées de prières pour les chrétiens et les musulmans", de quoi scandaliser tous les intégristes.
Fait inhabituel, Joseph Ratzinger s'est même adressé à des jeunes musulmans, présents aux côtés de chrétiens lors d'une soirée samedi devant la patriarcat maronite de Bkerké.
"Vous êtes avec les jeunes chrétiens l'avenir de ce merveilleux pays et de l'ensemble du Moyen-Orient. (...) La beauté du Liban se trouve dans cette belle symbiose", a-t-il observé.
"Il faut, a-t-il ajouté, que l'ensemble du Moyen-Orient, en vous regardant, comprenne que musulmans et chrétiens, islam et chrétienté, peuvent vivre ensemble sans haine dans le respect des croyances pour bâtir ensemble une société libre et humaine".
Dans l'Exhortation apostolique aux chrétiens d'Orient qu'il a signée vendredi, le pape les invite à approfondir la connaissance des musulmans. Il parle d'"estime", dit que les chrétiens sont "interpellés par leur religiosité" et remarque même: "les musulmans partagent avec les chrétiens la conviction qu'aucune contrainte en matière religieuse, et encore moins par la force, n'est permise".
Mais c'est pour laisser entendre aussitôt qu'il y a souvent un écart entre cette conviction et la réalité: il évoque "les formes multiples et insidieuses" de cette contrainte sur les "plans personnel, social, culturel, administratif et politique" dans les Etats de la région, le fait que les chrétiens soient "traités en citoyens ou en croyants mineurs".
Il invoque l'exemple de l'Edit de l'empereur romain Constantin en 313, pour demander une véritable liberté des cultes, et pointe du doigt dans l'Exhortation les monarchies du Golfe qui interdisent tout autre culte que l'islam.
Autant il se montre flatteur sur la société "plurielle" "qui a vu naître de grandes religions et de nobles cultures", autant il est extrêmement dur avec le fondamentalisme justifiant la violence, qu'il associe aux trois monothéismes, christianisme et judaïsme compris.
Il fustige l'idée de "domination" par la religion, dont le christianisme a fait aussi grand usage dans le passé.
En cela, il reste fidèle à la ligne de "purification" que son pontificat observe: le refus d'être croyant par la violence, l'exaltation d'un Dieu de paix et de vie, non de mort. Seul "le témoignage" d'une pratique crédible donne une chance au christianisme dans la région.
Le fondamentalisme, une "menace mortelle", "une falsification", une trahison de Dieu, imposée par les "manipulations" à des hommes en difficulté, qu'il convient d'"éradiquer": c'est le combat commun, l'alliance de raison, pour sauver les chrétiens du Moyen Orient, qu'il propose à l'islam.
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