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À La Une - L’éditorial de Issa GORAIEB

Lorsque trop, c’est trop

La peur, la soumission, la veulerie, tout cela est diablement contagieux dans les sphères dirigeantes quand l’occupant est dans les murs et qu’il règne en maître, le gourdin au poing. Mais que viennent à sauter des paramètres géopolitiques que l’on croyait absolument immuables, et deviennent tout aussi contagieux le sens des responsabilités, la volonté d’émancipation, la décence, l’honnêteté, la fermeté : en un mot, le courage politique.

Le président Michel Sleiman et le Premier ministre Nagib Mikati ne sont pas exactement, a priori, de farouches antisyriens. C’est avec le soutien décisif de Damas que le premier avait accédé, en 1998, au commandement de l’armée ; et c’est fort du même appui qu’il avait été élu chef de l’État, dans la foulée de la conférence interlibanaise de Doha. Le second, lui, entretient de longue date des liens d’amitié personnelle avec le président syrien Bachar el-Assad. Par son obstination criminelle à entraîner le Liban dans sa lente mais régulière descente aux enfers du chaos, c’est cependant le régime baassiste lui-même qui aura mis à bout la bonne volonté, la prudence, la patience de l’un comme de l’autre. Comme si les incursions meurtrières de l’armée syrienne, les bombardements de localités frontalières et les rapts de civils n’étaient pas encore assez, l’affaire Samaha est venue constituer en effet un incontournable seuil de tolérance ; car c’est la guerre civile dans toute son horreur, initiée au moyen d’attentats savamment ciblés, que nous destinait Damas sous la forme d’engins explosifs convoyés, dans sa propre voiture, par l’ancien député et ministre.

À tout seigneur, tout honneur, c’est le président de la République qui a aussitôt donné le ton, s’alarmant de la terrible gravité du complot, congratulant les auteurs du salutaire coup de filet et affirmant qu’il attendait désormais un appel aux nouvelles du raïs syrien. Normal après tout, puisque Michel Sleiman, seul de tous les responsables, est lié par un serment constitutionnel lui faisant obligation de défendre l’’indépendance, l’intégrité et la sécurité du territoire. Normal et pourtant extraordinaire (j’allais écrire merveilleux !) tant l’intransigeance et même la simple vigilance présidentielles s’étaient assoupies tout au long des dernières décennies. Osmose, mimétisme, authentique ras-le-bol ? À son tour, le chef d’un gouvernement, notoirement mis en place pourtant par la Syrie, soulignait spectaculairement lundi que la politique officielle de neutralité face à la crise syrienne n’aurait plus cours s’il s’avérait que la même Syrie cherchait effectivement à installer le chaos au Liban : de tels accents fusant du Sérail, cela réconforte aussi...

Comme à l’accoutumée, c’est à l’un de ses fidèles locaux que s’en est remis le régime de Damas pour riposter à ces deux manifestations d’insubordination et même de lèse-majesté. C’est à un personnage des plus marqués, mais aussi des plus vifs à l’attaque, qu’a échu cette fois la mission. Arrêté dans le cadre de l’enquête internationale sur l’assassinat de Rafic Hariri puis libéré pour insuffisance de preuves, l’ancien patron de la Sûreté générale a de vieux comptes à régler avec les services de renseignements des Forces de sécurité intérieure et le parquet, qu’il accuse de l’avoir injustement fait embastiller. Mais il a apparemment aussi le don de se placer dans les situations les plus invraisemblables, pour ne pas dire les plus compromettantes, puisqu’il accompagnait Samaha à bord de la voiture amenant (à son insu, assure-t-il) des explosifs de Damas.

À la veille d’être interrogé sur les détails de ce sulfureux voyage, c’est aux chefs des FSI et à de hauts magistrats, au contraire, que Jamil Sayyed a trouvé moyen hier de promettre la prison, ne manquant pas en outre de se déchaîner contre les chefs de l’État et du gouvernement. Pour lui-même, l’ancien officier se réserve en revanche un mandat de député.

À minuscule pays, surréel décidément sans frontières...

Issa GORAIEB
igor@lorient-lejour.com.lb

La peur, la soumission, la veulerie, tout cela est diablement contagieux dans les sphères dirigeantes quand l’occupant est dans les murs et qu’il règne en maître, le gourdin au poing. Mais que viennent à sauter des paramètres géopolitiques que l’on croyait absolument immuables, et deviennent tout aussi contagieux le sens des responsabilités, la volonté d’émancipation, la...
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