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Sur le gril ou à l’eau ?

Il existe plus d’une manière d’assassiner un pays, quand bien même serait-il le sien propre, et le président syrien Bachar el-Assad se livre en ce moment à une terrible démonstration de la plus directe, la plus expéditive des façons de procéder. C’est là la guerre du feu, en mille fois plus barbare – progrès technologique oblige –, que du temps de l’homme des cavernes.

À maintes reprises, le Liban, lui aussi, a failli être emporté par le feu : brasiers de guerres dites civiles, mais aussi éruptions dévastatrices de furie israélienne, provoquées par des milices se posant en souveraines détentrices du sort des citoyens. Une fois pacifiée la frontière sud, c’est vers l’intérieur que se sont retournées les armes, augurant d’un assaut longuement préparé, dûment programmé, contre les institutions. Et ces dernières semaines, rien n’a mieux illustré cette lente mais régulière déliquescence de l’État que la puante fumée des pneus enflammés bloquant, sous les prétextes les plus invraisemblables, les routes libanaises.

Il y a tout aussi meurtrier que le feu, cependant, et c’est la légèreté, la courte vue, l’inconscience de ceux qui sont censés gouverner : et donc prévoir. Que l’État échappe par miracle à l’incendie, et c’est à la noyade économique et financière que le vouent ces (ir)responsables. Naufrage annoncé, en effet, que cette majoration des salaires de la fonction publique décrétée jeudi alors que l’État jongle encore pour se doter d’un semblant de budget. Plongée dans les abysses de la banqueroute que ce téméraire pari sur le financement d’une opération lourde de milliards qui n’existent même pas sur le papier et lancée hors de tout sens des réalités, sous la seule pression des revendications syndicales. Grossier mensonge, enfin, que l’assurance qu’il n’en coûtera rien pour le contribuable.

Non point, bien sûr, qu’il n’y ait pas, dans ce pays, de bons serviteurs de l’État insuffisamment rémunérés. Il reste néanmoins hélas que des décennies de laxisme, d’absentéisme, de clientélisme et de corruption ont transformé de larges pans de l’administration publique en de pléthoriques usines à remuer du vent. Ce monstre, il convenait de le dégraisser, de le purger, de le réhabiliter avant que de le nourrir en bloc, sans distinction de mérite, d’efficacité, de probité : qui plus est, en mettant sérieusement en péril l’économie du pays tout entier, comme s’en alarment les organismes économiques.

Ces deux paradoxes, pour finir. Le Premier ministre, qui est, par définition, le premier responsable de cette stupéfiante hérésie financière, se trouve être aussi un homme qui a brillamment mené ses propres affaires. De lui davantage que de quiconque, on était en droit d’attendre donc une gestion plus avisée des deniers publics ; tout au contraire, Nagib Mikati semble avoir égoïstement paré au plus pressé en léguant à de futurs gouvernements les catastrophiques séquelles de son mastic. De cette ruineuse aventure, second paradoxe, se sera rendue complice la majorité parlementaire formant l’ossature du gouvernement : celle-là même qui, jouant les Pères la Vertu, n’a pourtant cessé, ces dernières années, de dénoncer l’énormité de la dette publique résultant de la reconstruction. Au fait, que diable construit-on aujourd’hui ?


Issa GORAIEB

igor@lorient-lejour.com.lb

Il existe plus d’une manière d’assassiner un pays, quand bien même serait-il le sien propre, et le président syrien Bachar el-Assad se livre en ce moment à une terrible démonstration de la plus directe, la plus expéditive des façons de procéder. C’est là la guerre du feu, en mille fois plus barbare – progrès technologique oblige –, que du temps de l’homme des cavernes.À maintes reprises, le Liban, lui aussi, a failli être emporté par le feu : brasiers de guerres dites civiles, mais aussi éruptions dévastatrices de furie israélienne, provoquées par des milices se posant en souveraines détentrices du sort des citoyens. Une fois pacifiée la frontière sud, c’est vers l’intérieur que se sont retournées les armes, augurant d’un assaut longuement préparé, dûment programmé, contre les institutions. Et...