Avant d’espérer figurer dans le top ten des plus belles étudiantes universitaires de la province du Hubei (centre de la Chine), les jeunes Chinoises devront effectuer quelques mesures.

D’abord, il leur faudra mesurer la distance qui sépare leurs mamelons. Si cette distance est inférieure à 20 centimètres, l’étudiante peut aller se rhabiller.

Ensuite, la demoiselle mesurera l’écartement entre ses pupilles, puis celui entre une pupille et son oreille. Elle sortira ensuite sa calculatrice et vérifiera que l’écartement entre ses pupilles représente 46% de la distance entre sa pupille et son oreille.

Puis, elle s’attaquera aux grands classiques : tour de hanche, de taille, de poitrine...

Ces critères de sélection, rapportés vendredi par le journal Global Times, ont suscité une véritable fronde sur internet en Chine.

"Pourquoi donc plus de 20 cm ? Je ne comprends pas comment ils sont arrivés à ce chiffre", s'étonne Huang Guanhua, un des nombreux internautes très critiques de cette compétition.

"Pourquoi cette distance (entre les mamelons) devrait-elle être considérée comme une norme de beauté ? Ils prennent les filles pour des jouets ? Juger les femmes avec des critères aussi rigides, qu'est-ce que ça craint !", raille également dans un microblog Yang Lan, une célèbre animatrice de télévision.

"Ces concours de beauté sont absurdes, pourquoi ces soit-disant juges s'arrogent le droit de noter selon leurs propres critères ?", écrit un autre internaute, nommé Yiranliupiaopiao sur Sina Weibo, l'équivalent de Twitter en Chine.

Un des organisateurs cités par le quotidien explique, sans entrer dans les détails, que ces exigences se fondent à la fois sur les canons de beauté de la Chine traditionnelle et sur les valeurs esthétiques occidentales.

Les Chinois sont très friands de concours de beauté. La Chine a accueilli six fois en neuf ans le concours Miss Monde, alors que l'intérêt pour cet événement s'est relativement érodé en Occident. C'est d'ailleurs Miss Chine, Yu Wenxia, qui a remporté le mois dernier le titre Miss Monde.

Les Chinois ne sont pas les premiers, loin s’en faut, à avoir imposé des critères biens précis pour les reines de beauté.

"La poursuite du rêve de la parfaite +gynométrie+ (l’étude des proportions et les techniques de mensuration du corps féminin) semble traverser les siècles et les continents. Ainsi, dans l’Inde traditionnelle, la danseuse doit exhiber autour de sa taille trois plis arrondis et gracieux. En France, les seins de Joséphine Bonaparte auraient donné la forme de la coupe à champagne. Si le corps sert de modèle, il est aussi mesuré : par exemple, les +bonnes+ proportions des beautés nordiques, et en particulier de leurs jambes et de leur buste (2/3 et 1/3 de la hauteur totale de la femme), font fantasmer les hommes méditerranéens", rappellent deux chercheuses, Anne Monjaret (Centre de recherche sur les liens sociaux (Paris 5-CNRS)) et Federica Tamarozzi (Musée national des Arts et Traditions populaires-Centre d’Ethnologie française), dans un article intitulé "Pas de demi-mesure pour les Miss : la beauté en ses critères".

Parmi les chiffres magiques des miss, le célèbre 90/60/90, indiquant les tours de poitrine, de taille et de hanches.

A partir d’une enquête ethnographique réalisée à Salsomaggiore (Italie du Nord) en septembre 2001, lors de l’élection de Miss Italia, les auteures comparent, dans cet article la figure de la Miss et les modalités de son élection, dans différents contextes temporels (XIXe, XXe) et géographiques (France, États-Unis).

Aujourd’hui, pour avoir ou présenter un corps sur mesure, certains magazines usent et abusent de Photoshop, pendant que certaines n’hésitent pas à avoir recours au bistouri.

"Le corps, et en particulier le corps féminin, a toujours fasciné : les peintres, les photographes en ont fait leur modèle, les écrivains, leur muse, les publicitaires, leur argument de vente… De l’art sacré jusqu’à la pornographie, la beauté conserve un statut ambigu", notent les chercheuses.

Au-delà, des mesures visant à définir des critères de beauté, l’attention métrique portée au corps a également été l’apanage des scientifiques. "Au XIXe siècle, rappellent Mme Monajret et Tamarozzi, l’anthropologie physique a cherché à différencier les races et à mettre en évidence les prédispositions héréditaires. Si la médecine s’est aussi intéressée à l’anatomie des hommes, elle a utilisé, également, plus tard, les indices de masse corporelle, les normes nutritionnelles et morphologiques, comme outils de prévention et de soin".

Pour mémoire

Miss Chine couronnée Miss Monde 2012