Selon un analyste, Mario Draghi « restera vague » aujourd’hui et s’en tiendra à son message du mois précédent, avec pour conséquence l’effet inverse de celui souhaité, soit une volatilité accentuée sur les marchés financiers. François Lenoir/Reuters
M. Draghi est censé dévoiler, à l’issue de la réunion du conseil des gouverneurs de la BCE, les contours d’un nouveau plan de rachats d’obligations publiques sur le marché secondaire promis début août face à l’envolée des coûts d’emprunt de pays comme l’Espagne ou l’Italie, respectivement 4e et 3e économie de la zone euro. La BCE « peut entreprendre des opérations sur le marché obligataire d’une taille adéquate pour atteindre son objectif », avait-il déclaré le 2 août, affirmant que l’institution monétaire de Francfort était prête à tout entreprendre pour assurer la viabilité de la zone euro. Les marchés attendent donc de lui qu’il précise jusqu’où la BCE est prête à aller.
Mais face à la forte résistance de la Banque centrale allemande, passée à l’offensive par voie de presse, le doute est permis, alimentant la fébrilité des investisseurs. « Ceux qui attendent des détails explicites (jeudi) risquent d’être déçus », estime ainsi Marco Valli, chef économiste pour la zone euro chez UniCredit. Selon lui, M. Draghi « restera vague » et s’en tiendra à son message du mois précédent, avec pour conséquence l’effet inverse de celui souhaité, soit une volatilité accentuée sur les marchés financiers, une nouvelle hausse des primes de risque réclamée aux États les plus fragiles et une monnaie commune chahutée. « Si les annonces sont reportées, il y a une forte probabilité que ça affecte beaucoup la dynamique du marché », juge aussi Hiromichi Shirakawa, cambiste chez Credit Suisse. Un stratégiste action de Goldman Sachs a d’ores et déjà mis en garde ses clients contre des ventes massives et leur a conseillé de protéger rapidement leurs positions, selon une information publiée sur le site Internet de CNBC.
Le programme de rachat de dette publique de la BCE (baptisé SMP) a été lancé en mai 2010, face à la première crise grecque. D’abord réticente, l’institution s’était finalement laissé convaincre par les responsables politiques européens de la nécessité de cette intervention. Mais depuis, le programme n’a été mis en application que par à-coups, la BCE prenant soin de souligner qu’il était temporaire et limité en montant. Surtout, il se heurte aux critiques répétées de la Bundesbank qui y voit un moyen détourné de financer les États, ce qui est interdit par ses statuts, et une menace pour l’inflation alors que le mandat quasi unique de la BCE est d’assurer la stabilité des prix par l’entremise de sa politique monétaire. Ces deux faits ont pu nuire à son efficacité, selon les économistes.
Cependant Jens Weidmann, président de la Bundesbank, semble isolé au sein du conseil des gouverneurs, qui compte 23 membres : les 17 dirigeants de banques centrales de la région, auxquels s’ajoutent les six membres du directoire. À part lui, tous seraient d’accord pour relancer les rachats d’obligations à l’arrêt depuis six mois, affirmait mardi le quotidien néerlandais Het Financieele Dagblad.
Paul Donovan, d’UBS, pense, lui, que si les marchés ne doivent pas s’attendre à des annonces fracassantes de M. Draghi, celui-ci ne voudra pas les voir « trop déçus » et leur donnera quelque chose à ronger en attendant de pouvoir en faire plus. C’est-à-dire au moins dans quelques semaines, le temps d’une nouvelle réunion de l’Eurogroupe et la demande formelle d’aide de l’Espagne au fonds de secours européen, condition posée par la BCE pour intervenir. Holger Schmieding et Christian Schulz, de la banque Berenberg, ne s’attendent plus à ce que Mario Draghi annonce un niveau de taux d’emprunt au-delà duquel la BCE interviendrait automatiquement. Mais selon eux, pour convaincre l’Espagne de faire appel à l’aide de ses partenaires, il ne faut pas qu’il laisse entendre que les taux d’emprunt actuels de Madrid sont soutenables. Sur deux ans, ces derniers ont reculé à 3,5 %, contre 6,5 % avant l’annonce d’août, rappellent-ils.
Lundi, entendu à huis clos au Parlement européen, M. Draghi a indiqué « qu’à ses yeux, le rachat de dette à moyen terme (moins de trois ans) sur le marché secondaire n’était pas de la création monétaire », selon un eurodéputé. Des maturités courtes qui lui permettront de peser sur les décisions des pays qui auront besoin de son intervention.
(Source : AFP)