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À La Une - Religion

Quand un cardinal italien estimait que l'Eglise a "200 ans de retard"

"Notre culture a vieilli, nos églises sont grandes mais vides et la bureaucratie ecclésiastique s'est accentuée, nos rites et nos soutanes sont prétentieux".

Sur cette photo datant de mai 2005, le pape Benoît XVI et le cardinal Martini, considéré comme un progressiste, décédé vendredi 31 août 2012.  AFP/ OSSERVATORE ROMANO ARTURO MARI

Dans une interview publiée après sa mort, le cardinal Carlo Maria Martini, ancien archevêque de Milan qui fut naguère considéré comme un successeur possible de Jean-Paul II, estime que l'Eglise catholique a "200 ans de retard".

 

Le cardinal Martini, un des piliers du camp progressiste de l'Eglise, est mort vendredi à l'âge de 85 ans.

 

"Notre culture a vieilli, nos églises sont grandes mais vides et la bureaucratie ecclésiastique s'est accentuée, nos rites et nos soutanes sont prétentieux", disait-il dans cette interview qu'a publiée samedi le quotidien italien Corriere della Serra. "L'Eglise, poursuivait-il, doit admettre ses erreurs et entreprendre un changement radical, à commencer par le pape et les évêques." "Les scandales de pédophilie nous obligent à emprunter la voie de la transformation."

 

Dans cette ultime interview, le cardinal Martini appelle aussi l'Eglise catholique à revoir son approche du divorce et à s'ouvrir aux familles recomposées.

"Une femme est abandonnée par son mari et trouve un nouveau compagnon pour s'occuper d'elle et de ses enfants : un second amour réussit. Mais si cette famille est victime de discrimination (de la part de l'Eglise), la rupture n'intervient pas seulement avec la mère, mais aussi avec ses enfants", argumente-t-il.

 

"L'Eglise a 200 ans de retard. Pourquoi ne nous réveillons-nous pas ? Avons-nous peur ?"

 

Le cardinal italien Carlo Maria Martini a incarné chez les progressistes au sein de l'Eglise catholique l'espoir d'une plus grande ouverture au monde moderne, même s'il a toujours formulé ses critiques et propositions de façon nuancée.

 

Eminent intellectuel, spécialiste de la Bible, auteur de dizaines de livres et contributions théologiques diverses, il était très respecté au delà de la sphère progressiste, aussi bien par Jean-Paul II que Benoît XVI, de deux mois son cadet, qui lui avait encore rendu visite en juin à Milan.

 

Cette très grande figure de l'Eglise a figuré parmi les "papabili" lors du conclave d'avril 2005, au cours duquel Joseph Ratzinger devait être élu. Mais ses positions en faveur d'une institution ecclésiale plus ouverte et en dialogue avec le monde, ainsi que son état de santé -il souffrait déjà de la maladie de Parkinson- avait affaibli ses chances, dès le début des votes.

 

Il avait notamment critiqué en 2008 l'encyclique "Humanae Vitae" du pape Paul VI qui avait dit non à la contraception, en estimant que l'Église s'était ainsi "éloignée de beaucoup de gens".

 

Voix très écoutée dans l'Eglise pour la finesse de ses analyses et son humanité, il avait dénoncé "la tentation" de certains catholiques de "se réfugier" dans des nouveaux mouvements de l'Eglise en leur prêtant une "valeur absolue" et en les transformant en véritables "idéologies". Il avait dénoncé également les "nouvelles pestes" de la société, telles que la drogue, mais aussi la corruption et la solitude.

 

Il estimait qu'une "évolution" dans le domaine du célibat des prêtres était envisageable, sans que l'Eglise de Rome renonce entièrement à cette discipline, ce qui aurait "des conséquences plus négatives que positives."

 

Ami personnel de Jean Paul II, il avait su marquer sa différence avec lui sur certains thèmes, surtout de la morale. Il échangea une correspondance avec l'écrivain Umberto Eco sur les raisons de croire.

 

En 1999, il avait "fait un rêve" : la convocation d'un nouveau Concile, un Vatican III, estimant que Vatican II (1962/65) était en quelque mesure dépassé.

Le manque "parfois dramatique" de prêtres, le rôle de la femme dans la société et dans l'Eglise, la participation des laïcs à certaines responsabilités sacerdotales, la sexualité, la discipline du mariage, les rapports avec les orthodoxes et l'oecuménisme en général, le rapport entre démocratie et valeurs et entre lois civiles et loi morales étaient les thèmes qu'il proposait pour un nouveau concile.

 

En 2007, il fit savoir qu'il ne célèbrerait pas la messe tridentine (en latin) d'avant le Concile, quand celle-ci a été réautorisée par l'Eglise.

 

Né à Turin le 15 février 1927, Carlo Maria Martini était de la Compagnie de Jésus (jésuites). Exégète de formation, Paul VI l'avait désigné, en 1969, recteur de l'Institut biblique, où il était resté jusqu'en 1978, puis de la prestigieuse Université pontificale grégorienne.

Dès 1979, Jean Paul II l'avait nommé archevêque de Milan, le plus grand diocèse d'Europe, qu'il dirigea pendant 22 ans.

A son départ en retraite en juillet 2002, à l'âge canonique de 75 ans, il avait réalisé son voeu le plus cher : partir à Jérusalem. Cette année-là, il avait aussi annoncé qu'il était atteint de la maladie de Parkinson.

 

Il était revenu en Italie en 2008, se retirant dans une maison d'études des jésuites, à Gallarate, au nord-ouest de Milan.

 

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commentaires (6)

Enfin un apostolique catho éclairé, à contrario de beaucoup de ses semblables de la même portée !

Antoine-Serge KARAMAOUN

23 h 34, le 02 septembre 2012

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Commentaires (6)

  • Enfin un apostolique catho éclairé, à contrario de beaucoup de ses semblables de la même portée !

    Antoine-Serge KARAMAOUN

    23 h 34, le 02 septembre 2012

  • 200 ans de retard.... c'est de la modestie dans ce cas et chez les autres religions 800 /900 ans ? + ou - ..? faut dire que comme personne n'a vraiment vu dieu ,c'est difficile de mesurer le temps et l'espace ...qui nous sépare de lui...

    M.V.

    07 h 56, le 02 septembre 2012

  • Le cardinal Martini voyait juste : La plupart du temps, l'Eglise vit dans le monde des théories, sans aucun lien avec la réalité. Il n'y a qu'à le constater chez nous. Parcourez quelques églises un dimanche et écoutez les sermons. C'est de la pure théorie, loin de la vie quotidienne des fidèles et du comportement chrétien qu'ils devraient avoir les uns envers les autres. Ainsi, n'est perçue aucune perspective d'amélioration de la société. Partout dans le monde l'Eglise a toujours peur d'avancer. Elle opte alors pour la paralysie et le figement. Une atténuante pour les Eglises d'Orient : Le milieu politique, religieux et social où elles doivent se mouvoir est très pesant, perturbateur et immobilisant.

    Halim Abou Chacra

    04 h 37, le 02 septembre 2012

  • Si l'Eglise a 200 ans de retard, d'Autres en ont deux millénaires...

    SAKR LEBNAN

    04 h 07, le 02 septembre 2012

  • Rien n'éloigne plus les gens de l'église, que l'Eglise elle-même et ces prêtres drapés dans leur soutane du "Père qui te veut du bien". Et l'on se demande pourquoi les sectes connaissent un tel engouement.

    Tina Chamoun

    03 h 35, le 02 septembre 2012

  • Et il a raison...

    Nayla Tahan Attié

    02 h 25, le 02 septembre 2012

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