Quant à la Turquie, elle étouffe carrément sous le poids des réfugiés syriens. Joseph Eid / Adem Altan / AFP
Des opposants syriens ont jugé hier à Berlin « prématuré » de former un gouvernement de transition si ce dernier n’était par reconnu par toute la communauté internationale de façon unanime. « Si la communauté internationale ne veut pas pour l’instant reconnaître un gouvernement de transition de façon unanime, alors ce serait gaspiller ses efforts de se jeter maintenant là-dedans », a ainsi déclaré Afra Jalabi, membre du Conseil national syrien (CNS, principale coalition de l’opposition), lors de la présentation d’un rapport pour préparer la transition démocratique dans ce pays.
Elle était interrogée sur la promesse faite lundi par le président français François Hollande de reconnaître « le gouvernement provisoire de la nouvelle Syrie lorsqu’il aura été formé » et la réaction américaine qui a suivi appelant l’opposition syrienne à mieux s’organiser avant de commencer à former un gouvernement provisoire.
Baptisé « le jour d'après : soutenir une transition démocratique en Syrie», le rapport présenté hier est le premier projet détaillé du genre et est le fruit de six mois d’« intenses discussions » entre une cinquantaine d’anciens généraux, experts économiques et juridiques, et représentants de toutes les composantes ethniques ou religieuses de la Syrie. « Ce sont une série de suggestions qui seront reprises ou non par un gouvernement provisoire. Elles ne sont pas écrites dans le marbre », a dit Murhaf Jouejati, membre du CNS.
Rêver de... vraies armes
Au niveau politique, le vice-président syrien Farouk el-Chareh a estimé dans une déclaration assez surprenante et pour tout le moins inattendue que la solution en Syrie passait par « un arrêt des violences de la part de toutes les parties » afin de permettre « un dialogue national ». Son ministre des Affaires étrangères Walid Moallem a accusé pour sa part les États-Unis d’exacerber les violences dans le pays, dans une interview publiée hier par le quotidien britannique The Independent. Parallèlement, un haut responsable baassiste qualifiait hier la révolte en Syrie de « malentendu » entre le peuple et le régime...
Pendant ce temps, les rebelles, eux, rêvent de vraies armes : « J’ai piloté des avions de chasse MIG pendant 12 ans, et on les attaque avec des kalachnikovs, et ce ne sont même pas de bonnes kalachnikovs », déplore ainsi Alaa Saadeddine, un soldat de l’armée syrienne qui a fait défection.
L’est de Damas
Sur le terrain, une voiture piégée a explosé lors de funérailles hier à Jaramana, dans la banlieue sud-est de Damas, faisant douze morts et une cinquantaine de blessés, au moment où l’armée tente de venir à bout de la résistance des rebelles. L’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH) a souligné que les funérailles étaient organisées pour deux partisans du régime et que les habitants de Jaramana soutenaient majoritairement le pouvoir. Cette attaque intervient alors que les opérations de l’armée visent désormais la ceinture est de Damas, où sont retranchées les brigades d’élite de l’Armée syrienne libre (ASL, rebelles), selon un commandant insurgé à Damas. L’armée, appuyée par des chars et des hélicoptères, a également pilonné la région d’el-Ghouta que les habitants fuyaient en masse, a précisé l’OSDH. Elle a aussi bombardé Harasta et Irbine, selon le Conseil général de la révolution syrienne (CGRS), un réseau de militants sur place.
Les quartiers de Zamalka, Qaboun, Jobar, Aïn Tarma, el-Hjeira, également dans l’est de la capitale, ont été aussi la cible d’un violent pilonnage.
Sur l’autre grand front, à Alep, des bombardements continuaient de viser, selon l’OSDH, les bastions des rebelles, engagés depuis plus d’un mois dans une bataille cruciale pour cette métropole commerçante. Selon les médias officiels, l’armée a tué des « dizaines de mercenaires terroristes » et saisi des quantités d’armes dans la ville où plusieurs quartiers « ont été nettoyés des terroristes avec l’aide des habitants » dont celui d’el-Izaa.
Ailleurs, dans le village de Kafar Nabel près d’Idleb, sous le feu de l’armée, les habitants tentaient de secourir les blessés bloqués sous les décombres ou retiraient des corps en lambeaux, selon les militants du CGRS.
Hier, au moins 142 personnes ont donc péri dans les violences à travers le pays, selon un bilan provisoire de l’OSDH et les chaînes satellitaires al-Jazeera et al-Arabiya.
La Turquie étouffe carrément sous le poids des réfugiés
syriens. Adem Altan/AFP
Ankara a un problème
Face à la recrudescence des violences, le nombre de Syriens fuyant dans les pays voisins continue de grossir. La Turquie, qui accueille 80 000 réfugiés syriens, tente d’endiguer le flot. Hier, ils étaient au moins 10 000 candidats à l’exil à se presser le long de la frontière. Ankara, qui a fixé à 100 000 le seuil d’acceptation des réfugiés, va demander demain à ses partenaires au Conseil de sécurité de l’ONU d’alléger le « fardeau » de son pays en plaidant pour la création en territoire syrien d’une « zone de protection » sous contrôle de l’ONU. Mais une telle zone requiert une résolution onusienne, ce qui est loin d’être acquis avec l’opposition de la Russie à toute ingérence étrangère chez son allié syrien.
En Jordanie, plus de 20 membres des forces de sécurité jordaniennes ont été blessés hier dans des heurts survenus dans un camp de réfugiés syriens, dont plusieurs dizaines manifestaient contre leurs conditions de vie, a affirmé une source gouvernementale jordanienne. Selon le Haut-Commissariat de l’ONU pour les réfugiés, le nombre total de personnes réfugiées en Jordanie atteint désormais 214 000, contre plus de 200 000 il y a quatre jours.
Enfin, sept Syriens, dont deux enfants, sont morts dans le naufrage d’un bateau au large de Chypre à la fin de la semaine dernière, a indiqué hier le Haut-Commissariat de l’ONU pour les réfugiés (HCR).
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Divise plutôt les "MAÎTRES" des "PIONS" des deux bords...
01 h 53, le 29 août 2012