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À La Une - Reportage

Les habitants d'Alep impuissants : "Que peut-on faire d'autre sinon fuir?"

"Des bâtiments se sont écroulés. Il y a des morts et des blessés sous les décombres"

L'intensité des bombardements a jeté sur les routes des milliers d'habitants d'Alep. PIERRE TORRES/

Ils affluent, entassés dans un minibus, à l'arrière d'une bétaillère ou d'une voiture. Les hommes parlent d'une voix lasse, près de femmes et d'enfants apeurés et aux yeux rougis. Ces Syriens ont fui Alep et ne prononcent qu'un mot: bombardement.


A l'entrée d'Atareb, une ville poussiéreuse à une trentaine de km à l'ouest d'Alep, ils arrivent sans interruption depuis vendredi, poussés par l'imminence d'une offensive de l'armée de Bachar el-Assad finalement lancée samedi matin.
"Plus de 3.000 réfugiés sont passés hier", dit un rebelle qui contrôle les identités à la recherche de policiers, militaires ou "chabbiha", les nervis du régime. "Mais depuis ce matin, ça n'arrête pas, plus d'un millier de civils ont fui par cette route", assure-t-il.


L'intensité des bombardements a jeté sur les routes des milliers d'habitants d'Alep, le poumon économique du pays, qui cherchent refuge dans les zones relativement épargnées par les combats, dans les villages contrôlés par la rébellion ou de l'autre côté de la frontière, en Turquie.


Un car est arrêté par les rebelles au barrage de contrôle. A bord, les réfugiés sont silencieux, encore choqués par le départ précipité, écrasés par la chaleur. Aucun ne donne son nom mais certains consentent à dire quelques mots, pudiques, sans évoquer d'où viennent les tirs, qui combat, sans incriminer l'armée régulière ou les rebelles.


"Cela fait quatre jours qu'il n'y a ni eau ni d'électricité à Soukkari", un quartier dans le sud d'Alep, dit un homme, près de sa femme voilée de noir qui tient un bébé dans les bras. "Ce matin (samedi), les obus tombaient toutes les deux ou trois minutes sur nos maisons, nos immeubles", raconte-t-il.


La famille s'est rendue à la gare routière et a fui la ville sous les tirs. "J'ai vu les avions tirer et les obus d'artillerie tomber", s'énerve l'homme, décrivant "un bruit énorme" et ses "enfants en pleurs". Il n'en dit pas plus. Les rebelles sont pressés, le car doit partir.


Dans un autre véhicule, un Syrien d'une soixantaine d'années aux lunettes épaisses, dénonce des "bombardements aveugles".
"Les bombes tombaient partout dans le quartier de Firdaous (sud). Des bâtiments se sont écroulés. Il y a des morts et des blessés sous les décombres", assure-t-il. "Que peut-on faire d'autre sinon fuir?", dit-il en tendant les mains en geste d'impuissance.


Les réfugiés décrivent les mêmes pilonnages à Salaheddine, bastion des rebelles d'Alep, Machhad, Soukkari et Firdaous.
Beaucoup sont partis dès l'aube. "On a attendu 06H00 (03H00 GMT) et on a fui. Regardez mes enfants", dit un homme à l'arrière d'un pick-up en montrant une dizaine de bambins. "Je ne suis pas sûr qu'on reviendra".


Les rebelles vérifient chaque véhicule et les papiers de tout homme en âge de combattre. "On traque les chabbihas", dit l'un d'eux expliquant que son commandement dispose de "listes".
"Nous regardons dans quel quartier les réfugiés habitent et nous vérifions avec le commandement". Le matin, ils ont arrêté un policier qui a été emmené pour interrogatoire.


Un combattant de l'Armée syrienne libre (ASL), regroupant en majorité des militaires ayant rejoint la révolution, arrive au barrage de contrôle. C'est le cousin du policier arrêté. L'homme assure que son cousin est "fou" et qu'il faut le relâcher. Il repart bredouille.
Les rebelles sont nerveux, crient aux voitures d'accélérer, de déguerpir.


Atareb, théâtre de combats violents il y a plusieurs semaines, fait face à un afflux auquel elle n'est pas préparée.
Devant les grilles de l'immense boulangerie industrielle, qui approvisionne plusieurs villages, des centaines de réfugiés venus d'Alep, des habitants d'Atareb, des villageois des alentours patientent depuis des heures pour obtenir de grandes galettes de pain vendus par sac de huit pour 15 lires syriennes (environ 25 centimes d'euros).


La fabrique tourne à mi-régime. "Des ouvriers ne viennent plus travailler, ils ont peur des bombardements", explique un employé en montrant les trous d'obus qui ont percé le plafond et les murs de l'atelier.
L'usine a réduit sa production. "On est passé de 35.000 sacs à 10.000 aujourd'hui", explique un des responsables.
"Nous avons été obligés de rationner le pain à trois sacs parce que les habitants paniquent et veulent en prendre dix", ajoute-t-il.


Ouvriers et habitants sont à cran. Certains escaladent les grilles, le mur d'enceinte, d'autres tambourinent sur la porte en fer. Quand le portail s'ouvre, des dizaines de Syriens se ruent à l'intérieur. Un garde lâche en l'air une rafale et ramène le calme.

 

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commentaires (3)

Les habitants sont pris entre les feux impitoyables, des complots régionaux et des complots internationaux. Que Dieu les aide !

SAKR LEBNAN

13 h 12, le 29 juillet 2012

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Commentaires (3)

  • Les habitants sont pris entre les feux impitoyables, des complots régionaux et des complots internationaux. Que Dieu les aide !

    SAKR LEBNAN

    13 h 12, le 29 juillet 2012

  • A part qu'Alep n' a rien demandé..soyons honnêtes ,en dépit de nos parti-pris...le soulèvement d'Alep est venu de l'extérieur d'Alep,aux dires même de l'ASL...on a en quelque sorte "obligé " Alep à se soulever...cette ville aurait dû et û être préservée,pour les raisons que vous connaissez tous...il est à présent trop tard...et outre le fait qu'un joyau architectural va être détruit,c 'est aussi un joyau de coexistence qui va disparaître,qu'on l'admette ou pas...je ne défend en rien le régime baassiste,mais la tentative de faire d'Alep un autre Benghazi(c'est du moins l

    GEDEON Christian

    11 h 22, le 29 juillet 2012

  • Quel régime barbare ! Après tant de villes et de villages syriens, c'est le tour d'Alep maintenant de subir sa criminelle destruction ! Et pourquoi ? Pour qu'une famille maffieuse reste au pouvoir qu'elle tient depuis quarante deux ans !

    Halim Abou Chacra

    02 h 24, le 29 juillet 2012

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