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Santé

Éliminons la polio, maintenant !

Ban Ki-moon est le secrétaire général de l’Organisation des Nations unies.

Les virus et les feux de forêt ont ceci en commun : à défaut d’intervention rapide, ils deviennent impossibles à maîtriser, toutefois des mesures appropriées permettent de les réduire à néant. Aujourd’hui, la flamme de la polio est sur le point de s’éteindre, mais les braises qui rougeoient encore dans trois pays pourraient se transformer en un brasier mondial. Il faut agir, maintenant.
Au cours des deux prochaines semaines, sur deux continents, deux manifestations offrent l’occasion d’une percée. D’abord, les dirigeants des plus grandes puissances économiques mondiales, les pays du G8, se réunissent dans le Maryland, à Camp David, lieu de villégiature officiel du président des États-Unis. Une semaine plus tard, les ministres de la Santé de tous les pays du monde se réunissent à Genève. Ensemble, ils peuvent donner l’impulsion qui permettra de réaliser une magnifique ambition : libérer l’humanité d’une des maladies les plus mortelles et les plus débilitantes qu’elle ait connues.
La guerre contre la polio, déclarée il y a près d’un quart de siècle, est une entreprise aussi ambitieuse que la campagne qui a permis d’éliminer une autre redoutable affection, la variole. Lentement mais sûrement, au fil des années, nous avons progressé. La polio ne sévit plus que dans trois pays : l’Afghanistan, le Nigéria et le Pakistan. C’est la bonne nouvelle. La mauvaise, c’est que nous risquons d’être victimes de notre succès.
Je m’explique : la terre est aujourd’hui peuplée de gens qui n’ont jamais été exposés à la polio ou bien n’ont pas été correctement vaccinés. Dans ces conditions, quand le virus frappe, le risque de catastrophe est grand. Nous l’avons vu en 2010 en République du Congo, où la moitié des personnes infectées sont mortes. Une intervention rapide de la communauté internationale a permis de contenir ce début d’épidémie. Depuis, nous avons une idée de ce qui pourrait se passer si nous n’éliminons pas la polio tant que nous en avons la possibilité. Cette année, moins d’une centaine de personnes se sont retrouvées paralysées par cette maladie facilement évitable, presque toutes dans les trois pays susmentionnés. Mais les épidémiologistes de l’ONU nous disent que si nous n’agissons pas, une nouvelle flambée pourrait, d’ici à la fin de la décennie, faire jusqu’à un million d’invalides, dont de nombreux enfants, les plus vulnérables d’entre les vulnérables.
Je n’en dors pas la nuit, car je sais combien il serait facile d’éviter ça. En Asie et en Afrique, ma femme et moi avons nous-mêmes vacciné de tout jeunes enfants, comme l’ont fait les dizaines de millions de fonctionnaires, de membres du Rotary, de bénévoles, de dirigeants politiques et religieux et de parents qui, depuis des dizaines d’années, font tout pour que chaque enfant soit protégé. Tout récemment, nous nous sommes rendus en Inde qui, il y a deux ans encore, comptait la moitié des enfants du monde atteints de la polio. Aujourd’hui, grâce à un effort concerté, nous avons pu célébrer le fait que pour la première fois dans l’histoire, toute une année s’est écoulée sans que l’Inde n’enregistre un seul nouveau cas.
Des campagnes semblables sont en cours dans les trois pays où la polio demeure endémique. Le président du Nigéria, Goodluck Jonathan, le Premier ministre du Pakistan, Yousuf Gilani, et le président de l’Afghanistan, Hamid Karzaï, supervisent tous trois personnellement le programme mis en œuvre dans leur pays. Le Nigéria a puisé dans ses coffres, et il est clair que dans les trois pays, l’élimination de la polio dépend en grande partie de la disponibilité de fonds publics. Mais cela ne suffira pas. En menant une offensive déterminée, la communauté internationale peut éliminer la polio une fois pour toutes. Pour ce faire, elle doit s’organiser et mobiliser les ressources nécessaires.
Les organismes des Nations unies mènent la campagne mondiale en partenariat avec le Rotary International. Ils s’efforcent de vacciner tous les enfants, y compris ceux qui vivent dans des camps de réfugiés et ceux dont une catastrophe naturelle ou une famine vient bouleverser la vie. C’est difficile, mais c’est faisable. La Somalie, par exemple, connaît pratiquement tous les problèmes d’origine humaine ou naturelle qu’on puisse imaginer, mais n’est plus touchée par la polio. C’est à 2007 que remonte son dernier cas, en grande partie grâce aux Somaliennes qui, vêtues de tabliers jaune vif, ont sillonné le pays pour administrer le vaccin sous forme de gouttes.
Ces troupes ne manquent pas de zèle. Par contre, elles manquent d’argent. L’Initiative mondiale pour l’éradication de la poliomyélite n’a que la moitié des deux milliards de dollars dont elle a besoin pour acheter les vaccins et déployer les agents qui iront les administrer dans les derniers endroits où sévit la maladie. Avec les moyens nécessaires, elles gagneront cette ultime bataille. Si la communauté internationale mesure bien les enjeux et mobilise les ressources voulues, nous gagnerons la guerre contre la polio, enfin, définitivement.
L’instant est grave. Si nous investissons deux milliards de dollars maintenant, si nous trouvons ce petit milliard de dollars qui manque, nous économiserons d’ici à 2035 entre 40 et 50 milliards de dollars qui auraient dû sinon être consacrés au traitement des malades, sans compter que nous sauverons des vies et épargnerons l’infirmité à de nombreux enfants. Quand les ministres de la Santé se réunissent à Genève ce mois-ci, ils déclareront l’existence d’une crise mondiale de santé publique et demanderont au monde entier de réagir face à la menace d’un retour de la polio. Et quand les dirigeants des pays du G8 se retrouveront à Camp David, j’espère qu’ils auront les risques à l’esprit et sauront saisir l’occasion qui se présente à eux d’agir pour le bien de l’humanité tout entière.
À ces rencontres en succéderont bientôt d’autres : la réunion annuelle du G20, à Mexico, la Conférence Rio +20 au Brésil, et le sommet de l’Union européenne à Bruxelles. J’espère que la polio sera partout à l’ordre du jour. Je demande à tous les dirigeants, partout dans le monde, d’agir maintenant pour protéger les générations à venir. En finançant le Plan mondial d’action d’urgence pour la lutte contre la polio au cours des deux prochaines années, nous pouvons faire de cette maladie un mauvais souvenir qui s’estompe rapidement.
Les virus et les feux de forêt ont ceci en commun : à défaut d’intervention rapide, ils deviennent impossibles à maîtriser, toutefois des mesures appropriées permettent de les réduire à néant. Aujourd’hui, la flamme de la polio est sur le point de s’éteindre, mais les braises qui rougeoient encore dans trois pays pourraient se transformer en un brasier mondial. Il faut agir,...

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