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Liban - Archéologie

Lévon Nordiguian, un de ces pionniers qui déplacent les frontières

La France vient de rendre hommage au fondateur du Musée de la préhistoire libanaise de l’USJ.

Le conseiller de coopération et d’action culturelle et directeur de l’Institut français du Liban, Aurélien Lechevallier, remettant sa décoration à Lévon Nordiguian. Photo Michel Sayegh

Le Liban, terre de passage entre l’Afrique, l’Asie et l’Europe, a été habité depuis environ un million d’années par les hommes préhistoriques. Nous devons à un homme qui a consacré sa vie à l’archéologie, Lévon Nordiguian, l’existence d’un musée qui en expose les fascinantes traces.
Inauguré en l’an 2000, après une gestation d’une dizaine d’années, le Musée de la préhistoire libanaise de l’USJ est un extraordinaire lieu de mémoire qui met à la disposition du public, notamment scolaire, un instrument pédagogique unique en son genre au Proche-Orient. Tous ceux qui connaissent Lévon Nordiguian rendent hommage au parcours d’exception d’un personnage qui est à la fois un homme de science, un pédagogue hors pair et un fin connaisseur de tous les sentiers du Liban.
Recevant cet hiver les Palmes académiques des mains du premier conseiller de l’ambassade de France, Aurélien Lechevallier, le directeur du Musée de la préhistoire s’entendait dire : « L’usage veut maintenant que je retrace la carrière du récipiendaire, mais votre carrière à vous, c’est celle de l’esprit, de laquelle vous puisez tant de ressources précieuses. Vous auriez pu devenir docteur, professeur d’université, doyen de faculté, et vous avez choisi de vous consacrer à votre passion, à votre vocation dont vous avez fait un métier. En général, c’est l’inverse qui se produit : on a un métier, on apprend à l’aimer. Mais vous échappez à la règle : esprit singulier, vous avez toujours choisi de faire la course en tête, sans jamais emprunter des chemins que d’autres ont tracés pour vous. Vous êtes un créateur, un défricheur, un de ces pionniers qui déplacent les frontières. Mais cette conquête toute pacifique a été pour vous celle de l’intelligence et de la rigueur scientifique, à laquelle vous avez su conduire des générations de jeunes gens. »

L’enseignement et la recherche
Retraçant le parcours du directeur du Musée de la préhistoire, le diplomate français a cité les jalons qui ont conduit Lévon Nordiguian à son DEA d’archéologie orientale puis à son parcours professionnel : professeur d’histoire-géographie et coordonnateur au Collège Notre-Dame de Nazareth, et simultanément chargé de cours d’archéologie au département d’histoire de l’USJ.
« Mais, a-t-il ajouté, autant que l’enseignement, la recherche vous attire. La frontière entre l’une et l’autre est d’ailleurs mouvante car l’enseignement se nourrit de la recherche. Vous nouez des relations qui, avec le temps, vont devenir de plus en plus étroites, avec ce que la recherche en archéologie compte de plus solide (...). Enfin, c’est l’aboutissement : en 2000, avec la complicité de partenaires français, vous êtes à l’origine du Musée de la préhistoire libanaise ; puis vous conduisez la réorganisation des archives de la photothèque de la Bibliothèque orientale de l’Université Saint-Joseph. »
Mais si Lévon Nordiguian l’enseignant se double d’un chercheur, celui-ci a le souci constant de faire connaître à un large public l’histoire du Liban depuis les origines, de lui faire découvrir son patrimoine, ses racines, et de lui faire saisir la profondeur historique de sa relation avec cette terre.

Moments-clés
Comme dans la vie de tous les chercheurs qui réalisent leurs rêves, il y a dans la carrière de Lévon Nordiguian des « moments-clés » où des portes s’ouvrent, et où des aides précieuses sont proposées. Pour le créateur du Musée de la préhistoire, ce fut l’action conjointe de la Fondation Calouste Gulbenkian et du ministère français des Affaires étrangères, qui lui proposent des bourses d’étude qui lui ont permis de faire de longs séjours à Paris.
« C’était au lendemain de mai 68, nous confie Lévon Nordiguian, et je garde de cette période le souvenir d’une France généreuse à tous les points de vue. Parti de mon petit village de Mar Mikhaël à Beyrouth, je me trouvais projeté dans un monde fascinant, aux frontières illimitées où il se passait constamment des événements exceptionnels. Mais le fait est que ce long séjour en France (il ne rentrera au pays qu’en 1979) m’a donné un je ne sais quoi pour me sentir plus libanais et plus arménien, et je crois aussi plus tolérant qu’avant de partir. »
Au passage, Lévon Nordiguian ne peut s’empêcher d’exprimer aussi sa gratitude à l’Assemblée nationale française pour avoir voté une loi pénalisant la négation du génocide arménien, même si le Conseil d’État allait par la suite invalider le texte.

Les valeurs de l’USJ
De retour au Liban, en 1979, Lévon Nordiguian est accueilli au département d’histoire de l’Université Saint-Joseph qui se dotait alors d’une section d’archéologie. Il y fera carrière, plus de trente ans durant.
« Au fil des ans, ajoute-t-il non sans humour, j’ai naturellement fini par adhérer aux valeurs de l’Université Saint-Joseph. Là encore je ne vais pas énumérer tous les biens que m’a apporté le fait de travailler à l’USJ, mais j’ai surtout apprécié deux choses. Premièrement, c’est le fait que l’université offre à ses membres un espace de liberté qu’on ne retrouve pas souvent ailleurs. Deuxièmement, l’USJ offre à tous ses membres la possibilité de se réaliser. La réalisation du Musée de la préhistoire reste la fierté de ma carrière. »
Lévon Nordiguian laisse éclater sa fierté en évoquant sa longue collaboration avec la Bibliothèque orientale de l’USJ en vue de mettre en valeur, par des publications et expositions, l’exceptionnelle richesse de la photothèque constituée par les pères jésuites.
Le Liban, terre de passage entre l’Afrique, l’Asie et l’Europe, a été habité depuis environ un million d’années par les hommes préhistoriques. Nous devons à un homme qui a consacré sa vie à l’archéologie, Lévon Nordiguian, l’existence d’un musée qui en expose les fascinantes traces. Inauguré en l’an 2000, après une gestation d’une dizaine d’années, le Musée de...

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