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À La Une - Ces jeunes de la diaspora libanaise qui font parler d'eux

Carlos Latuff, caricaturiste 2.0 au service des peuples opprimés

Cause palestinienne, manifestations anti-Moubarak, révolte au Bahreïn ... Le Brésilien d'origine libanaise se nourrit de toutes les révoltes.

Carlos Latuff, caricaturiste brésilien et descendant de Libanais, exhibant un de ses dessins.

Ses caricatures ont été brandies sur des pancartes, exhibées sur des t-shirts, reproduites sur les murs des villes. Elles ont servi d’armes aux révolutionnaires au début du printemps arabe dans leur combat pour la liberté. Aujourd’hui, elles sont toujours recyclées, de l’Egypte où les militaires sont toujours au pouvoir, à Bahreïn, où le régime maintient un Grand Prix de Formule 1 alors que la rue chiite gronde.

 

Les moindres soubresauts du monde arabe, Carlos Latuff les croque alors qu’il se trouve à Rio de Janeiro, à des milliers de kilomètres du Moyen-Orient. Une distance physique, largement compensée par une proximité de cœur, pour ce descendant de Libanais.

 

En mars dernier, Carlos Latuff, 42 ans, était de passage à Beyrouth.

Pantalon à carreaux en toile, maillot de foot vert vif, Carlos Latuff a conservé l’allure de l’adolescent et les idéaux chers, parfois, à la jeunesse. Invité à participer à une conférence organisée à l’AUB dans le cadre de la semaine contre l’apartheid israélien, il reçoit dans son hôtel de Hamra, les yeux encore engourdis par les heures de travail, rougis après une nuit passée à surfer sur le net.

 

Il s’agissait là de la deuxième visite au Liban pour ce Brésilien qui ignore quasiment tout de son pays et ne sait même pas d’où vient sa famille. Tout juste sait-il que sa mère a, un temps, correspondu avec une cousine à Choueifat.

 

C’est dans les années quarante que Nagib Lattouf, grand-père de Carlos, quitte le Liban pour bâtir une nouvelle vie au Brésil. C’est un départ sans retour et les descendants de Nagib n’éprouvent pas le besoin de découvrir leurs racines. Seul Carlos posera le pied au Liban. A chaque fois, en 2009 et en mars dernier, sur invitation d’ONG de défense des droits des Palestiniens. A chaque fois, aussi, Latuff tiendra à visiter des camps palestiniens, qu’il compare volontiers aux favelas de Rio.

 

 

 

 

Farouchement anti-impérialiste, anti-capitaliste, pro-palestinien assumé, tiers-mondiste, solidaire des paysans sans terre, en lutte contre la violence policière, Carlos Latuff est, aujourd’hui, indissociable des nombreuses causes qu’il défend.

 

Mais le caricaturiste n’a pas toujours été politisé.

 

"Enfant, je savais que je voulais dessiner, être un artiste. Mais jamais je n’avais pensé être un caricaturiste politique", se souvient Carlos, né à Rio en novembre 1968 dans une famille de la classe populaire. Il commence sa vie professionnelle comme illustrateur dans une agence de publicité. Puis, n’ayant pu être embauché dans un grand journal, "faute de piston", le jeune dessinateur se tourne vers les publications des syndicats de gauche.

 

Aujourd’hui encore, ce sont les caricatures qu’il fait pour cette presse syndicale qui lui permettent de vivre et de pouvoir dessiner celles qu’il met gratuitement à la disposition des sympathisants des différentes causes auxquelles il adhère.

Car Carlos diffuse ses caricatures directement aux activistes du monde entier via Twitter. Grâce à elles, explique-t-il, ses "liens avec le monde arabe se sont renforcés".

 

Bien avant le printemps arabe, c’est avec les zapatistes du Mexique que Latuff a commencé sa vie de militant en envoyant quelques caricatures par fax au secrétariat du mouvement.

Puis, en 1996, il découvre internet. "Au début, je n’avais pas idée du pouvoir de l’internet, indique-t-il. C’est plus tard que j’ai commencé à scanner les caricatures pour en faire une galerie sur internet accessible à tous".

 

Internet ouvre aussi les yeux du dessinateur sur le monde et ses multiples foyers d’oppression et d’injustice.

Carlos ne peut rester sans rien faire. Il décide de prendre les armes. Et ses armes, ce sont ses crayons qu’il met au service de la défense du plus faible, de l’opprimé.

 

Carlos découvre la cause palestinienne. Une cause parmi tant d’autres jusqu’à ce voyage qu’il fait en Cisjordanie, en 1999, sur invitation d’une ONG palestinienne. "A partir de là, c’est devenu personnel. Après avoir vu les conditions de vie des Palestiniens, il ne pouvait en être autrement", explique Carlos.

L’engagement de Latuff est total, le caricaturiste allant jusqu’à comparer Israël au régime nazi.

Taxé d’antisémitisme, le militant s’en défend. "C’est l’une des accusations favorites à l’égard de quiconque ose critiquer la politique israélienne. Cela ne m’atteint pas. Aujourd’hui, ils m’accusent de nier l’holocauste parce que j’ai participé -et obtenu un prix- à un concours sur l‘holocauste organisé en Iran en 2006. C’est une accusation dénuée de sens, puisque dans la caricature j’affirme au contraire l’existence de l’holocauste", souligne-t-il.

 

 

 

Son travail sur le Printemps arabe suscite beaucoup moins la controverse. Au contraire, il permet au caricaturiste d’acquérir une certaine notoriété outre-Atlantique.

 

Depuis le début, Latuff, rivé à son ordinateur à Rio, transpose quasiment en temps réel le souffle de révolte qui balaie le monde arabe, et le diffuse au monde entier via Twitter. Aujourd’hui, plus de 87.000 abonnés reçoivent directement ses caricatures.

 

C’est à travers ce réseau social que Latuff est contacté, le 23 janvier 2011, par des activistes égyptiens, deux jours avant la première grande manifestation contre le régime de Hosni Moubarak.

 

Les révolutionnaires égyptiens lui demandent de dessiner pour eux. Latuff leur envoie cinq caricatures. Le 25 janvier, il voit sur les photos des agences de presse que les révolutionnaires sont descendus dans la rue avec ses dessins. "C’est une émotion que je ne peux expliquer avec des mots, se souvient-il. C’est le sentiment d’une mission accomplie… Voir ces caricatures réappropriées et servir d’outil de lutte aux révolutionnaires…"

 

Après la chute de Moubarak en Egypte, Latuff continue sur sa lancée. Yémen, Libye, Bahreïn, Syrie… A chaque fois que des manifestants battent le pavé pour demander des comptes à leur dirigeant, Carlos Latuff les soutient avec ses crayons.

 

Mais depuis le cas libyen, le militant s’interroge. "La révolution en Libye a été confisquée par les puissances occidentales qui ont aidé l’+opposition+, dénonce-t-il. Elles l’ont fait car elles ont vu l’opportunité de faire tomber un régime traditionnellement hostile au Etats-Unis et à Israël. C’est ce qui est en train de se passer en Syrie aussi. Hillary Clinton dénonce avec vigueur la répression dans le sang perpétrée par le régime d’Assad. Je l’invite à critiquer aussi la situation des droits de l’homme en Arabie Saoudite. Je l’invite à faire de même concernant la répression au Bahreïn".

 

Le Bahreïn, théâtre d’un bras de fer entre le régime sunnite et la communauté chiite. Latuff a repris ses crayons, et d’un trait, donne voix à ceux que l’on veut faire taire.

 

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