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Culture

La poésie, langage premier, avec Salah Stétié

Élégance et brio des mots avec Salah Stétié qui a récité hier soir ses poèmes à la grande salle de la LAU. Rencontre avec un poète et un essayiste aujourd’hui au confluent d’un âge vénérable (83 ans), mais aux propos et à l’esprit, tous deux à l’écoute du monde, surtout le monde arabe, d’une vivifiante jeunesse et d’une clarté de cristal. Et qui parle, en toute sagesse et beauté, comme un grand livre ouvert...

Salah Stétié, la poésie, une affaire de vie.

Lunettes solaires sombres pour un regard perçant, jaquette à carreaux prince-de-Galles beige clair, chemise bleu ciel et cravate marron pour Salah Stétié, « toujours content de se retrouver au Liban », dit-il avec le sourire. Poète libanais de langue française, Salah Stétié, auteur de plus 80 opus, a déjà une œuvre poétique considérable, sans oublier essais, biographies et un roman.

 

Sur le thème du « retour », Salah Stétié a fait résonner son « dire » poétique. Mais aussi, outre le Liban de son cœur, de son enfance, de ses premières activités journalistiques et littéraires, Stétié a offert à l’auditoire des textes liés à l’actualité du Moyen-Orient sur la situation du monde arabe post-révolutionnaire. Par-delà toute aventure personnelle et poétique, il y avait aussi la lecture de poèmes d’amour et de mort. Pour cela il était accompagné par Dr Marwan Farès, un de ses premiers traducteurs en arabe, avant de passer à la conclusion avec un mot d’Henri Zgheib.


La poésie, grande affaire d’une vie, comment la définir, la cerner, l’approcher ? Qui peut mieux en parler qu’un poète ? Et Salah Stétié de dire : « La poésie, pour moi, est le langage premier, celui qui exprime avec la plus grande spontanéité, ce qui n’exclut pas travail et élaboration, et le plus de passion, ce qui n’exclut pas non plus la réflexion. Un poète est un homme qui dit dans sa langue à lui les problèmes de tous. Avec un langage différent, issu évidemment de la langue, mais plus concentré, plus saisissant, plus chargé d’images, de métaphores et de symboles que la langue de tous les jours. Mais à travers tout cela, tout ce que veut le poète, c’est dire l’expérience de chacun. Car nous partageons tous la même expérience dès qu’il s’agit du fondamental. Et cette expérience du fondamental est faite d’un mystère pluriel : mystère de la naissance, de la filiation, de l’enfance, des sensations, de l’adolescence, de la jeunesse liée au mystère de l’amour...

Il y a toutes les interrogations qui nous assaillent, le mystère du cosmos. Il y a tout ce qui dans la nature et les saisons nous fait signe, il y a la douleur physique, la maladie, le vieillissement, la désillusion, le désenchantement historique, et au bout de tout cela, il y a la mort, un mystère absolu. Le poète prend en charge tout cela à travers son expérience. Et s’il a un grand talent et du génie, il peut faire que son expérience soit la voix de tous et chacun. C’est le cas de tous les grands poètes. Je ne veux citer ici que deux grands poètes en qui nous nous reconnaissons comme dans un miroir. Œuvres remarquables par leur forme, leur musique et leur langage, et je nomme Charles Baudelaire et Rainer Maria Rilke. Poètes majeurs, et tous les autres poètes les rejoignent dans cette nappe d’eau où ils puisent leur inspiration. Appelée nappe phréatique, c’est l’eau des profondeurs partageable entre tous les hommes... »

Le taquineur de muses
Et pour prendre le contre-pied, si on ose le dire, de tant de gravité, de tant de sérieux, si l’on parlait, comme pour un petit moment d’humeur coquine, d’un mauvais poète. Qu’est-ce qu’un mauvais poète en ces temps de pléthore de publication ?


Regard un peu étonné de Stétié, mais la réponse ne tarde pas à venir. Avec un respect immense pour la poésie.


« Je connais beaucoup de poètes qui ne correspondent pas, ni par leur préoccupation ni par leurs soins de maniements, à ce que j’estime être de la poésie. Je ne porte pas de jugement. »


Pour l’auteur de Mahomet et des Porteurs de feu, le traducteur du Prophète de Khalil Gibran (trois versions) et le signataire de L’Eau froide gardée, voyageur infatigable (il parle d’un périple qui l’a conduit des quatre coins de l’Inde à la Corée en passant par la Grèce et le Quatar), la plume, par ailleurs, n’a jamais chômé. En préparation, plus d’un ouvrage.

 

Derniers échos, un peu en vrac : « Je travaille actuellement, confie Stétié, sur mes Mémoires. À la demande de l’éditeur Robert Laffont. Jusqu’à maintenant, le titre serait Errant sous l’impensable, une citation de Holderlin. Un parcours qui inclut ma carrière de diplomate, d’ambassadeur et de témoin privilégié pour les grands événements qui ont secoué le Liban. Et il y a aussi l’aspect de mon expérience littéraire avec mes recueils de poésie, mes essais, mon roman (Lecture d’une femme – chez Fata Morgana – dont on a tiré une pièce donnée à Avignon), la vie de Mahomet, des textes sur des notions liées à la pensée existentielle du monde arabe : sur le désert, sur des mystiques soufis, Roumi, Hallaj... Du côté de la poésie, je prépare un nouveau recueil intitulé D’une langue... »


Avant-dernière question. Pour un poète qui en a vu des événements, connu des pays, visité des myriades de mots, quelle serait l’ultime ambition ?


« Je voudrais faire mon œuvre, dit en toute désarmante simplicité Stétié, c’est-à-dire demain je n’écris pas, je reste au lit et je contemple mes pieds... Mais pour un écrivain, il y a quelque chose d’essentiel qu’il faut absolument qu’il trouve... Et c’est ce qui fait que beaucoup d’écrivains meurent la plume à la main... »


Pour conclure, en rimes et à tout seigneur tout honneur, quels conseils un aîné tel que vous donnerait à un jeune poète, « taquineur » de muses en herbe ?


Petit sourire malicieux et les mots fusent : « Tenir sa langue pendant un an, dix-sept fois dans sa bouche, avant d’émettre son premier vers. Et de vérifier qu’il n’y a pas aussi à proximité un oiseau qui ne viendra pas lui mordre la langue. Ça c’est pour plaisanter ! Pour ce qui est vrai : il ne faut entrer en poésie que si on est vraiment poussé par les épaules et qu’on ne trouve pas son compte dans la prose, même la plus belle. Cela était mon cas ! »

Lunettes solaires sombres pour un regard perçant, jaquette à carreaux prince-de-Galles beige clair, chemise bleu ciel et cravate marron pour Salah Stétié, « toujours content de se retrouver au Liban », dit-il avec le sourire. Poète libanais de langue française, Salah Stétié, auteur de plus 80 opus, a déjà une œuvre poétique considérable, sans oublier essais, biographies et un...

commentaires (8)

Le poème cité par SAKR LEBNAN est très beau. Merci! Monsieur Pierre Hadjigeorgiou, admettons que nous fassions partie de la (drôle de) tribu des HUMAINS... C'est plus aimable que «peuplade»... Vous avez raison d'être fier de votre origine grecque tout en étant Libanais. La Grèce, dont le destin nous attriste, est un des berceaux de l'Humanité. Et aujourd'hui, l'Humanité est en pleine régression...

Nayla Sursock

09 h 08, le 12 avril 2012

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Commentaires (8)

  • Le poème cité par SAKR LEBNAN est très beau. Merci! Monsieur Pierre Hadjigeorgiou, admettons que nous fassions partie de la (drôle de) tribu des HUMAINS... C'est plus aimable que «peuplade»... Vous avez raison d'être fier de votre origine grecque tout en étant Libanais. La Grèce, dont le destin nous attriste, est un des berceaux de l'Humanité. Et aujourd'hui, l'Humanité est en pleine régression...

    Nayla Sursock

    09 h 08, le 12 avril 2012

  • Mme Sursock que vous n'aimiez ou pas le mot peuplades, Il n'est que le synonyme du mot Tribu qui s'explique dans le dictionnaire comme étant "un groupe humain rassemblant plusieurs familles sous l'autorité d'un même chef et sur un territoire donné". Dites moi que le Liban n'est pas formé ainsi et que ses communautés ne se comportent pas de la sorte. Ce n'est pas en se bandant les yeux que nous trouverons les solutions qu'il faut pour surmonter les difficultés et s'attaquer aux racines du mal qui nous ronge. Il faut dire les vérités telles quelles sont et non pas comme elles nous plaisent. Quand a mon origine, elle est GRECQUE par Apollon, et j'en suis tout aussi fier que je le suis de ma nationalité LIBANAISE et du Liban pour lequel j'ai combattu pour défendre sa cause pendant plus de 20 ans et continuerai a le faire jusqu'à ce que mort s'en suive. Vous êtes poète et donc romantique et je comprends votre réaction mais les réalités sont ce qu'elles sont et nous n'y pouvons rien.

    Pierre Hadjigeorgiou

    07 h 27, le 12 avril 2012

  • Et mon ami, Madame Sursock, dit : L'étoile dans l'azur scintille et s'évapore, __ Comme le char d'Elie au loin qui s'évanouit. __ La lune en son parcours dans la nuit nous ignore. __ Elle brille au zénith, s'attriste et s'assombrit. Bonne nuit.

    SAKR LEBNAN

    15 h 19, le 11 avril 2012

  • Merci, Monsieur Sakr Lebnan. Je suis actuellement hors Liban. Quand j'y serai, je me manifesterai et nous procéderons à un échange de livres... En attendant, voici un extrait du magnifique Salah STETIE paru dans L'Orient littéraire (octobre 2011) «La paix, je la demande à tous ceux qui peuvent la donner Ils ne sont pas nombreux après tout, les hommes violents et froids Malgré les apparences, peut-être même ont-ils encore des souvenirs d’enfance, une mère aimée, un très vieux disque qu’ils ont écouté jadis longtemps, longtemps   Oh, que tous ces moments de mémoire viennent à eux avec un bouquet de violettes ! Ils se rappelleront alors les matinées de la rosée L’odeur de l’eau et les fumées de l’aube sur la lune».  

    Nayla Sursock

    12 h 31, le 11 avril 2012

  • Madame Sursock, les oeuvres de mon ami sont quatre recueils de poésie dans un coffret, mais retirés momentanément des librairies, à cause de fautes commises par l'imprimerie, et certaines par lui, et découvertes ultérieurement. Les recueils vont être républiés prochainement, revus et corrigés, et mon ami espère qu'ils seraient de nouveau dans les librairies vers Octobre. Je possède quelques coffrets, et une liste des erreurs à corriger. Si je peux avoir votre adresse, je me ferai un plaisir de vous envoyer un coffret avec les quatre recueils.

    SAKR LEBNAN

    11 h 53, le 11 avril 2012

  • Oui, Monsieur Sakr Lebnan, la Poésie vit et vivra toujours en nous... et je vais de ce pas partir à la découverte de votre ami poète. Le Liban peut être FIER de ses poètes: Georges Schehadé, Nadia Tuéni, Andrée Chedid, Salah Stétié... Leurs noms brilleront éternellement au firmament de la Poésie, du Monde. Salah Stétié est un Sage. Voici, d'un ami poète suisse, qui aima le Liban: «Où vont les chants d'oiseaux quand les corps ne les enveloppent plus ?»

    Nayla Sursock

    09 h 49, le 11 avril 2012

  • Madame Sursock, Salah Stétié est un grand Poète. L'ami qui a quitté ce forum il y a plus de trois mois, dans son recueil "Les Libanaises" il dit de la poésie : La Poésie, c'est l'Élixir des Éthers. Elle est l'Ambroisie dont se nourrissent l'Âme et l'Esprit. Elle vit en nous, dans nos pensées, dans nos coeurs, dans nos âmes, en tout temps, et en tous lieux. Bonne journée.

    SAKR LEBNAN

    05 h 44, le 11 avril 2012

  • «La poésie, pour moi, est le langage premier»... C'est ce que disait aussi Andrée Chedid. MERCI pour cet entretien avec cet immense poète!

    NAYLA SURSOCK

    04 h 33, le 11 avril 2012

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