La médecine a de tout temps tenu un rôle particulier et très important dans l’histoire des hommes. Elle fut toujours considérée comme une aide indispensable pour l’être humain, étant donné que son rôle consiste avant tout à préserver la vie et à faire tout ce qui est possible pour guérir les maladies diverses qui menacent l’existence humaine. La santé, par son importance pour tout individu, a toujours été considérée comme une valeur inestimable, puisqu’elle est la condition essentielle de l’existence et de la conscience humaine. S’occuper de préserver la vie, de la défendre contre toutes les menaces qui la mettraient en péril, la diminueraient ou la tueraient, étaient des tâches considérées comme nobles et dignes de respect. Cela explique l’importance primordiale que l’on accordait alors à ceux qui endossaient cette lourde responsabilité, les médecins.
Si je parle au passé, c’est parce qu’aujourd’hui la vision est différente, la médecine étant quelquefois associée au commerce. À titre d’exemple : une première visite chez un médecin a valu des honoraires assez élevés, des examens prescrits qui nécessitent une seconde visite, et ce en l’intervalle de deux jours. Et voilà qu’un second montant est à débourser. Eh oui, le diagnostic a aussi son prix !
Il est regrettable de s’en trouver là quand dans l’Antiquité les médecins étaient considérés comme des initiés qui avaient reçu dans des centres occultes un enseignement réservé à des individus de grande sagesse et de force morale. Ils étaient les responsables de la santé des individus, étaient formés pendant de longues années à cette tâche difficile, dirigés et adoubés par la force divine.
La culture grecque a légué à l’Occident le serment d’Hippocrate, un témoignage précieux concernant la noblesse du statut du médecin: respecter la vie, agir de manière désintéressée pour soigner les malades... Il suffit de relire le texte du serment pour en mesurer l’infinie sagesse.
Le serment d’Hippocrate est-il toujours ce témoignage important? De nos jours, prêter serment prend parfois une signification toute relative. Alors que, dans l’Antiquité, le serment était prononcé devant les dieux – devant Dieu à l’ère chrétienne –, envers qui s’engage-t-on aujourd’hui dans une culture devenue matérialiste, agnostique, voire athée? On peut observer lors de débats télévisés que certains médecins parlent du serment d’Hippocrate avec un détachement amusé, parfois avec un brin d’ironie. Aujourd’hui on considère plus adéquat d’invoquer le code de déontologie médicale.
Ceux qui considèrent le serment d’Hippocrate comme essentiel sont souvent considérés comme de doux rêveurs, des idéalistes invétérés. Toute notion du sacré ayant pratiquement disparu, il s’agit désormais d’être pratique, efficace, économique, selon une réglementation structurée, imposée. Les praticiens n’ont plus le choix du traitement qu’ils considèrent comme adéquat, ils doivent s’engager à suivre une thérapie imposée, un protocole de soins. Les résultats, nous pouvons les constater journellement, dans tous les domaines couvrant la médecine. L’univers médical est devenu une machine démesurée, une industrie énorme qui semble sortie de l’imagination de Kafka. Cette structure «moderne» est-elle capable de redonner à l’individu son équilibre et une confiance indispensable, puisque le facteur psychosomatique est essentiel pour une vraie guérison? L’être humain n’est pas seulement une mécanique physique, il est aussi âme et esprit. Il est vrai que de nos jours l’âme et l’esprit ne sont considérés que comme des «conséquences fonctionnelles» des «produits naturels» issus de l’organisation physique, matérielle.
Le matérialisme, l’amoralisme et finalement l’immoralité semblent devoir l’emporter sur les grands idéaux humanitaires. Faut-il se résigner à vivre désormais dans un tel monde?
Bien sûr que non, puisqu’en prenant conscience, nous pouvons agir en toute liberté et selon nos possibilités, qui sont malgré tout diverses et nombreuses. C’est ainsi que nous pourrons à notre niveau, en étant conscients et responsables, influer sur notre monde, notre société en constante évolution. Car chaque individu est responsable de sa vie, de celle des autres et de l’avenir de notre société...