D’abord il y a justement l’anarchie. Faut avouer que prendre un sens interdit, c’est plutôt pratique quand la rue du Liban est bouchée et que Sodeco est surpeuplé. L’anarchie, ça nous permet de ne pas se faire engueuler si on parle au téléphone en conduisant, de se garer sur le trottoir, juste devant son coiffeur et de faire parfois des pointes de vitesse. Il y a aussi le soleil. Ce soleil qui nous permet de végéter au Sporting, dès qu’il pointe le bout de son nez. Ce soleil qui nous aide à supporter l’insupportable. Il y a Gemmayzé, Hamra et leurs rues parsemées de bars où l’on rencontre tout un tas de potes vers 18h quand tout le monde a fini de bosser. Et toutes ces rues qui font nos villes où qu’elles soient, qui, malgré la quasi impossibilité d’y marcher, grouillent de monde. Il y a la montagne où on peut se rendre une journée pour profiter de la neige, cette montagne où l’on peut séjourner en villégiature en continuant d’aller au boulot. Il y a évidemment la fameuse légende de pouvoir se baigner et skier le même jour et voir, du haut des pistes, un Beyrouth qui devient soudain plus beau. Il y a la man’ouché. La man’ouché du matin. Celle au zaatar grillé, celle au fromage dégoulinant. Et cette odeur qui sort du « furn ». Il y a les taxis collectifs qui nous font traverser la ville pour 2 000 LL. Il y a ces jours fériés en veux-tu en voilà, quand les vacances officielles font défaut tellement elles sont courtes. Il y a ce pays qu’on peut encore (re)découvrir les dimanches et ces virées là où la nature est encore préservée. Il y a cette p*** de vie nocturne et ces nuits qui s’enchaînent du lundi au dimanche et où la fête est plus belle qu’ailleurs. Il y a ces gens qui, malgré leur amateurisme, savent faire plein de choses, comme le concierge qui fait office de plombier, de peintre, de menuisier et de valet parking. Il y a les mezzés. Ces grandes tablées où l’on trinque à l’arak autour d’un hommos (notre grande fierté nationale), d’un taboulé, d’une labné et toutes les yakhnet qui nous accompagnent depuis qu’on est petit. Il y a ce satané contact humain qu’on ne trouve nulle part ailleurs. Ces gens, tous ces gens qui vous sourient même quand le ciel est bas et lourd. Ces gens qui aident, sans rien demander en retour. Il y a ces horaires de bureau qui sont souvent flexibles. Et ces collègues devenus des amis. Il y a ces endroits où l’on peut encore en griller une sans pénalité. Où, malgré tous les interdits, il y a encore cette liberté de fumer une cigarette. Il y a la tawlé et son système de comptage en turc. Les parties de tarnib, de likha, de sab3a wou noss, de quatorze qui nous font rire, crier, chanter, s’aimer. Il y a les effluves du café fumant. Et cette tasse qu’on retourne pour y lire des avenirs plus heureux. Il y a tous ces amis qui vous tiennent la main. Cette farandole extraordinaire de gens anticonformistes qui vous ont fait comprendre un jour ce que c’est qu’une vraie famille. Ces amis qui vous ouvrent les bras et la porte à n’importe quelle heure du jour et de la nuit, qui vous appellent pour vous soutenir, qui vous font dormir sur le canapé, vous refilent leurs fringues. Ces amis qui sont libanais, français ou américains et qui ont choisi cette même terre (d’exil) pour y poser leurs valises et leur vie. Il y a tous ceux qui aiment le Liban, ceux d’ici, ceux d’ailleurs, qui nous réconcilient avec lui. Chaque fois un peu plus.
Et enfin, il y a cette vingtième raison celle qui, intrinsèquement, vous tient les viscères, vous colle les pieds au sol, vous empêche de chercher plus loin un autre soleil. Cette raison, qui est la vôtre...
Tres bel article qui nous fait encore plus aimer le Liban!
05 h 38, le 11 février 2012