La preuve ? Dès le double attentat de Damas, on ne voyait sur les écrans arabes que les photogéniques séides de l’Assadie moderne faire leur la déclaration de Ghosn. Mot par mot, ou presque. Bizarre, la coïncidence, non ?
Surtout que la boucle étant ainsi bouclée, le régime baassiste, loin d’être encore repu du flot de sang des Syriens eux-mêmes, a désormais tout le loisir d’élargir à grande échelle sa barbarie en territoire libanais, assurant vouloir se défendre contre un supposé terrorisme qu’il a toujours lui-même pratiqué avec un cynisme éhonté, y compris contre son propre peuple. Déjà son aviation survole impunément Ersal et sa région, en prévision d’on ne sait quel coup tordu dont il est coutumier.
Ne sait-il pas pertinemment tout cela, notre gaillard ministre de la Défense ? Ne sait-il pas, puisqu’il parle un peu trop légèrement de terrorisme venu du Liban, qu’un certain cheikh Kawkaa, parrainé par les moukhabarate des frères Assad, recrutait par centaines, à Damas même, les candidats terroristes pour les envoyer, sous le couvert de l’appellation totalement non contrôlée d’el-Qaëda, semer désolation et mort en Irak ?
Ne se souvient-il pas, notre bleu chargé des affaires de l’armée, que cette dernière a sacrifié plus de 150 soldats pour venir à bout de Chaker Absi et ses hommes, arrivés en one way ticket de Syrie au camp de Nahr el-Bared exécuter les ordres de Damas – c’est-à-dire semer la discorde confessionnelle ? Ne se souvient-il pas, Fayez Ghosn, que c’est son allié le Hezbollah qui avait décrété Nahr el-Bared ligne rouge à ne pas franchir par l’armée ? Que cette opération a failli embraser d’autres camps noyautés presque tous par des organisations extrémistes, terroristes et/ou salafistes à la solde de la Syrie ?
Faudrait-il supplier monsieur le ministre de la Défense de ne pas oublier les quatre juges assassinés en plein Palais de justice à Saïda par des terroristes qui se sont ensuite réfugiés dans un de ces camps palestiniens où les services libanais sont défendus d’entrer et qui s’embrasent épisodiquement selon l’agenda des pays de la fameuse moumanaa, Syrie en tête ?
Ne regarde-t-il pas ou ne lit-il pas ces reportages autour des camps et de ces organisations palestiniens affidés de Damas qui font la loi aux frontières est et nord, devenues de véritables gruyères au profit de la Syrie et du Hezbollah ?
Ou faudra-t-il lui énumérer la longue liste des opposants au régime tyrannique de Damas enlevés au Liban avec l’aide ou l’assentiment coupable de services officiels libanais ? Sait-il ce qui est arrivé par la suite à ces malheureux dont certains sont probablement morts sous la torture dans les geôles sinistres et bondées du régime baassiste ?
En attendant, et malgré les cris d’alarme, pas toujours désintéressés il faut le dire, de l’opposition, il a fallu plusieurs jours au président de la République Michel Sleiman puis au ministre de l’Intérieur Marwan Charbel pour finir par tailler en pièces les douteuses et dangereuses allégations du camarade de la Défense.
La litanie pourrait être longue et la liste des griefs libanais contre la Syrie aussi. Mais il ne semble pas que le ministre Ghosn soit sensible à ce genre d’argumentations. Surtout qu’il récidive sans le moindre état d’âme. Ses objectifs sont autres et certainement pas les nôtres ; libre à lui évidemment de choisir son camp et ses alliés : ce pays reste jusqu’à nouvel ordre une démocratie. Ou une illusion de démocratie.
Que le ministre Ghosn en profite : ses alliés aiment tout, sauf la démocratie, aussi illusoire soit-elle.
P.-S.: La question des salaires est devenue une pantalonnade. Pour aider son poulain, le très honnête mais très stalinien ministre du Travail Charbel Nahas, à prendre sa revanche, Michel Aoun, très en colère comme à son habitude, s’en est allé mobiliser son allié Hassan Nasrallah pour faire barrage à une entente « historique » entre patronat et syndicat. Résultat des courses : pour des considérations politiques purement revanchardes, le chantre autoproclamé du changement et de la réforme a mis en pièces un accord social qui augurait d’une nouvelle ère inédite de collaboration intelligente entre le capital et la main-d’œuvre, privant ainsi une grande majorité de salariés libanais de l’augmentation qu’ils attendaient pour les fêtes. Que l’on souhaite – allez, soyons optimistes et bons princes – plus calmes et sereines au général !
A. C.
commentaires (11)
Vous et vos confrères courageux de L'Orient-Le Jour, vous êtes l'honneur de la profession. Continuez tout en prenant soin de vous! Les journalistes courageux sont une espèce menacée...
Nayla Sursock
08 h 59, le 15 février 2012